Patrimoine« On passe devant sans savoir »… Ils racontent le passé des navires échoués

Bretagne : « On passe devant sans savoir »… Ce podcast raconte le passé des navires échoués

PatrimoineUne promenade sonore est proposée au cimetière de bateaux de Quelmer, non loin de Saint-Malo, comme un témoignage du passé
Le cimetière de bateaux de Quelmer, à Saint-Malo, compte une quinzaine d'épaves de navires abandonnés reposant dans la vase depuis des années
Le cimetière de bateaux de Quelmer, à Saint-Malo, compte une quinzaine d'épaves de navires abandonnés reposant dans la vase depuis des années - C. Allain/20 Minutes / 20 Minutes
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Plusieurs cimetières de bateaux existent en France, notamment en Bretagne, où les randonneurs sont nombreux à les admirer.
  • Le site de Quelmer, à Saint-Malo, fait partie des plus connus. Il fait l’objet d’un podcast évoquant l’histoire des épaves abandonnées ici.
  • L’association qui a monté ce projet veut faire vivre la mémoire de ce patrimoine en espérant qu’elle ne disparaisse pas.

Elles sont posées là depuis quelques mois, des années ou même des décennies. Abandonnées par leurs propriétaires, les épaves du cimetière de bateaux de Quelmer font partie de ces lieux qui fascinent. Chaque jour, des randonneurs arpentant le GR 34 s’arrêtent pour observer ces curieuses silhouettes usées par les marées bretonnes. Beaucoup en profitent pour les photographier, faisant voyager leur légende sur les réseaux sociaux. Mais au fond, qui sait ce que ces vieux bateaux font là, échoués sur les bords de Rance ? Et qui connaît leur histoire ? Sans doute pas grand monde. Alors que ce spot bien connu des habitants d’Ille-et-Vilaine et des Côtes-d’Armor sera probablement le théâtre de balades digestives pendant les fêtes de fin d’année, 20 Minutes a voulu vous parler d’une chouette initiative lancée par une poignée de passionnés. Baptisée « Mémoires échouées », cette promenade sonore permet aux curieux de découvrir quelques étonnantes histoires de ces carcasses abandonnées.

A Quelmer, une quinzaine d'épaves de vieux bateaux sont échouées dans la vase, offrant un spectacle très apprécié des marcheurs.
A Quelmer, une quinzaine d'épaves de vieux bateaux sont échouées dans la vase, offrant un spectacle très apprécié des marcheurs.  - C. Allain/20 Minutes

On doit l’idée de ce podcast aux membres de l’association pour le développement de la recherche en archéologie maritime (Adramar). Basée à Saint-Malo, la structure milite depuis toujours pour la conservation du patrimoine local. Avec ce nouveau projet réalisé par la société Musair, elle a choisi l’outil sonore plutôt que les classiques panneaux d’information. « Notre idée, c’est de rendre vivant ce cimetière car on passe devant sans savoir ce qu’elles racontent », glisse avec humour Yann Gaonac’h, archéologue de l’Adramar. « Ces bateaux, ce sont des mémoires de l’histoire locale, des marqueurs du temps. Ils sont les vestiges de techniques de construction navale qui ont disparu. C’est une mémoire qui est en train de partir. Parce que les marins qui naviguaient sur ces bateaux sont soit morts soit trop vieux pour témoigner. »

Un bateau fantôme qui errait sur l’eau

Écouteurs sur les oreilles, bottes aux pieds, on découvre l’histoire de quatre épaves immobilisées dans le sable et la vase de Quelmer. On pense notamment au Zoulou, ce vieux bateau coquilleur qui avait été abandonné en 1991 par son patron mais qui était reparti tout seul un jour de tempête. « Il avait erré dans la Rance comme un bateau fantôme. Le capitaine et son matelot avaient été le chercher et avaient eux-mêmes crevé la coque pour l’immobiliser », raconte Yann Gaonac’h. A cette époque, l’Europe versait des primes aux pêcheurs qui abandonnaient leurs vieux navires pour préserver la ressource. Depuis, la législation a changé et il est interdit d’abandonner son embarcation, notamment pour d’évidentes raisons environnementales. Depuis 2021, la taxe sur les ventes de bateaux neufs permet la prise en charge gratuite des épaves.

Le podcast de Quelmer permet aussi de découvrir l’histoire de la vedette Président Raoult qui a fait traverser des milliers d’habitants et visiteurs pendant cinquante ans. « Il y avait deux compagnies qui effectuaient les traversées : une verte et une blanche. Elles se livraient une véritable guerre commerciale terrible pour embarquer les voyageurs ». Les deux entreprises finiront par couler en 1966 après l’inauguration du barrage de la Rance. Ce pont a définitivement torpillé les vedettes métalliques. Mais leur carcasse et leur âme sont toujours bien visibles à Quelmer, où elles ont été abandonnées.