CommerceQuel avenir pour les Monoprix et Franprix de la capitale ?

Quel avenir pour les magasins Monoprix et Franprix de la capitale et leurs salariés ?

CommerceLa vente à venir du groupe Casino laisse planer le doute sur l’avenir des magasins de proximité parisiens
L'enseigne Monoprix compte plus d'une centaine de magasins à Paris intramuros. (Illustration
L'enseigne Monoprix compte plus d'une centaine de magasins à Paris intramuros. (Illustration - A. GELEBART / 20 MINUTES / A. GELEBART / 20 MINUTES
Romarik Le Dourneuf

Romarik Le Dourneuf

L'essentiel

  • Le groupe Casino, qui accuse une dette de 6,5 milliards d’euros est sur le point d’être vendu à de nouveaux actionnaires. Si les hypermarchés et supermarchés seront cédés à Auchan et Intermarché, les enseignes de proximité resteront dans le groupe.
  • Ces enseignes représentent plus de 50 % des parts de marché de la distribution alimentaire à Paris. La situation actuelle inquiète les salariés et la Mairie de Paris.
  • Le nom des repreneurs sera connu dans les premiers mois de l’année 2024.

EDIT du 24 avril : Ce mercredi, le groupe Casino a annoncé qu’entre 1.293 et 3.267 postes pourraient être supprimés dans le cadre d’un « projet de réorganisation ».

« C’est sûr que les fêtes ne sont pas des plus enjouées… » Le sourire poli de Linh* peine à cacher son inquiétude. Pour cette salariée d’un magasin Monoprix du 13e arrondissement de Paris, la situation actuelle du groupe Casino n’incite pas à la joie. Pire, elle confie une angoisse grandissante avec les semaines et l’attente du couperet qui va déterminer l’avenir de son emploi.

Depuis plusieurs mois, le groupe Casino est en péril. Avec 6,5 milliards d’euros de dettes, le géant de la distribution alimentaire stéphanois attend de connaître son repreneur. Les « hypers » et « supers » devraient tomber dans l’escarcelle des concurrents Auchan et Intermarché. Pour les plus petites enseignes, un plan de sauvegarde devra déterminer dans les semaines à venir le nom des repreneurs. Le plan concerne toute la France, mais il intéresse tout particulièrement les Parisiens puisque le groupe Casino représente plus de 50 % de la distribution alimentaire dans la capitale (contre 10 % « seulement » au niveau national).

Intramuros, plus de 500 magasins dans l’attente

Il suffit de se balader quelques heures pour réaliser la place des enseignes Monoprix, Franprix, Naturalia, etc. à Paris. Pas un quartier sans un minimum de deux magasins du groupe. Certaines rues comptent même 4 ou 5 établissements. Au total, le groupe détient plus de 500 magasins dans la capitale (360 Franprix, 60 Monoprix, 42 Monop', 5 Monop’Daily, 78 Naturalia, auxquels il faut rajouter les Casino supermarchés, Spar et Vival). Une importance considérable pour les courses du quotidien des Parisiens, mais aussi pour l’emploi.

Pour les « petits », pas de risques selon les possibles repreneurs, le Tchèque Kretinsky, le Français Ladreit de Lacharrière et le fonds britannique Attestor, qui disent vouloir axer leur stratégie sur le commerce de proximité. Contacté par 20 Minutes, le groupe assure qu’il n’y aura pas de cession ou de fermeture de magasins de proximité à la reprise. Des propos destinés à rassurer les autorités comme les salariés.

La peur des fermetures et d’un coup « à la Carrefour »

Raté. Un petit tour des enseignes parisiennes montre d’abord que la situation est sensible : On ne commente pas. Le directeur d’un grand magasin de la rive gauche nous assure même que toute demande doit être faite auprès du siège du groupe et exclusivement à cette adresse. L’un de ses managers aussi craintif finit tout de même par lâcher : « Il n’y a pas de consigne officielle. Mais c’est tendu, ce n’est pas le moment de se mettre à dos quelqu’un “là-haut”. »

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Une salariée, plus disposée à s’épancher se confie : « On est tous inquiets. On ne sait pas de quoi l’avenir sera fait. Personne ne veut parler pour ne pas risquer de perdre son emploi, mais entre nous, on en discute beaucoup. » Outre la situation difficile du groupe, les salariés s’inquiètent de savoir à quelle sauce ils vont être mangés.

« Les plus grandes peurs sont de voir des enseignes fermées, des réductions d’effectifs ou un coup “à la Carrefour”. » Cette expression, qui revient souvent dans la bouche des salariés interrogés, fait référence à la stratégie mise en place par Alexandre Bompard depuis son arrivée à la tête du géant de la distribution et qui consiste à passer des magasins en « location-gérance ». Une manière d’externaliser les dépenses en sortant ces magasins du giron du groupe.

En location-gérance, les accords collectifs « sautent »

« Pour le moment, ils assurent que ce n’est pas le projet, explique Lionel Mamboumbia, délégué syndical central à la CGT Casino Paris, jusqu’à ce qu’ils changent d’avis. » Le risque pour les salariés : voir tous les accords d’entreprise « sauter ». « On sait qu’au-delà des quinze mois légaux, ils peuvent mettre les magasins en franchise ou en location-gérance. Et alors là, on peut dire au revoir aux conventions collectives, aux avantages sociaux et à pas mal d’emplois. Et pour les magasins qui ne pourraient être repris, ce serait la fermeture », ajoute le syndicaliste.

« Ces gens-là sont dans l’hyper-optimisation de tout. Ce qu’ils veulent, c’est de la rentabilité et encore de la rentabilité. En général ça veut dire qu’on va licencier une partie des effectifs et celle qui reste devra travailler encore plus. Regardez ce qu’il se passe chez les franchisés. Les magasins sont moins bien tenus et les salariés ont des conditions de travail bien plus difficiles », commente Linh*.

La Mairie de Paris inquiète et impuissante

Si elle peut difficilement intervenir dans un tel dossier privé, la Mairie de Paris garde un œil sur la situation du groupe. À plusieurs égards, elle concerne directement la vie des Parisiens et Parisiennes comme le confirme à 20 Minutes Nicolas Bonnet-Oulaldj, adjoint d’Anne Hidalgo en charge du commerce : « On parle d’abord de plusieurs milliers d’emplois parisiens et franciliens (Le groupe Casino n’a pu nous donner aucun chiffre – N.D.L.R.). Mais aussi de la vie quotidienne des habitants. »

Quelles conséquences sur la concurrence dans la capitale ? Sur la diversité de l’offre ? Sur le pouvoir d’achat des Parisiens ? Sur la vie de quartier ? L’élu soulève de nombreuses craintes : « Ces petits magasins alimentaires font partie du parcours client. On va acheter sa lessive à la supérette, mais ensuite on passe chez le boucher, chez le maraîcher, etc. Cela n’arrivera plus si ces magasins sont transformés en fast-food ou en magasin de luxe. »

La peur du Drive

Ou pire selon l’élu, en « drive » : « Nous craignions un basculement de ces magasins vers la vente sur Internet. Ces locaux, en plus de supprimer des emplois, augmentent les besoins en livraison. Un drive, c’est au minimum 8 à 10 camions de livraison par jour. Une catastrophe pour la ville. »

Seule solution pour la ville, espérer une mise en vente des locaux en cas de fermetures des magasins pour pouvoir faire jouer son droit de préemption et essayer de réoccuper les lieux avec un commerce utile au quartier via son programme Paris Commerce.

Les craintes bien réelles sur un avenir hypothétique qui devraient avoir des réponses dans les semaines à venir. En effet, les actionnaires du groupe sont appelés à se prononcer le 11 janvier prochain sur le plan de sauvegarde qui est prévu pour être amorcés à partir des mois de mars et avril.

*Le prénom a été changé à sa demande