CibleQui était Saleh al-Arouri, numéro 2 du Hamas tué mardi à Beyrouth ?

Guerre Hamas – Israël : Qui était Saleh al-Arouri le numéro 2 du Hamas tué au Liban ?

CibleSaleh al-Arouri, numéro 2 du Hamas, a été tué dans une frappe attribuée à Israël mardi, au Liban
Guerre Hamas – Israël : Regain de tensions après la mort du numéro 2 du Hamas dans le sud du Liban
Diane Regny

Diane Regny

L'essentiel

  • Une frappe attribuée à Israël a tué l’un des hauts dirigeants du Hamas en plein cœur du Liban, près de Beyrouth ce mardi.
  • L’assassinat de Saleh al-Arouri, qui fait craindre un embrasement de la région, est une « grande perte » pour le Hamas.
  • Le numéro deux politique du mouvement a en effet joué un rôle clef dans les formations militaires mais aussi dans ses liens avec des alliés régionaux.

Mardi, le numéro deux du Hamas, Saleh al-Arouri a péri dans une frappe près de Beyrouth, au Liban. Si Israël n’a pas revendiqué l’assassinat, l’Etat hébreu avait juré de « détruire » le Hamas après les attaques sanglantes du 7 octobre et l’attaque d’un avion de chasse – selon un responsable libanais – lui est, de fait, attribuée. Lien important avec l’Iran mais aussi le Hezbollah libanais, Saleh al-Arouri était un cadre essentiel du Hamas. Mais qui était-il et quel rôle jouait-il au sein du groupe politique et militaire ?

D’où venait Saleh al-Arouri ?

Marié et père de deux filles, Saleh al-Arouri avait 57 ans. Né dans le village d’Aroura, près de Ramallah en Cisjordanie occupée, il a eu une grande influence dans l’implantation du Hamas dans cette région où ce dernier est plutôt discret. « Il pilotait toutes les cellules du Hamas en Cisjordanie, c’est grâce à lui que le mouvement s’est développé sur ce territoire », explique Marie Kortam, chercheuse associée à l’Institut français du Proche-Orient, qui prédit des « représailles » contre les colons juifs. Dans son village natal, de nombreux Palestiniens ont présenté leurs condoléances aux membres de sa famille ce mercredi.

Fin octobre, l’armée israélienne avait effectué une descente à Aroura pour détruire sa maison à l’explosif, car le quinquagénaire faisait « partie des cerveaux qui ont pensé les attaques du 7 octobre », souligne la chercheuse. Une destruction symbolique puisque Saleh al-Arouri n’avait pas mis les pieds sur sa terre natale depuis plus de treize ans. Il jouissait toutefois d’un rayonnement très fort dans la région, notamment parce qu’il a formé les premières brigades Ezzedine al-Qassam de la région, qui constituent la branche armée du Hamas. Saleh al-Arouri a fait des études islamiques à l’université d’Hébron et a rejoint jeune les Frères musulmans. Puis, il est devenu membre du Hamas dès sa fondation en 1987.

Quel rapport a-t-il entretenu avec la justice israélienne ?

« Saleh al-Arouri a passé vingt ans en prison », rappelle Marie Kortam. Détenu plusieurs fois au début des années 1990, il écope finalement en 1992 d’une peine de 15 ans de prison pour avoir formé les premières cellules des brigades Ezzedine al-Qassam en Cisjordanie occupée. En 2007, il est libéré pour trois mois seulement puis de nouveau emprisonné jusqu’en 2010. « Pendant ces années-là, il s’est fait de nombreux amis, membres des brigades al-Qassam », glisse la chercheuse associée à l’Institut français du Proche-Orient. En 2010, « il a été éloigné par Israël », rappelle-t-elle. Saleh al-Arouri s’exile alors en échange de la liberté, d’abord en Turquie puis au Liban, de nouveau sur une « décision israélienne », précise Marie Kortam.

Quel rôle occupait-il au sein du Hamas ?

Dès 2010, Saleh al-Arouri a été nommé au sein de la branche politique du Hamas. Il faisait d’ailleurs partie des négociateurs qui ont obtenu un échange de 1.027 prisonniers palestiniens contre un soldat israélien en 2011. Chef des brigades Ezzedine al-Qassam en Cisjordanie, il a été élu au poste de numéro deux de la branche politique du Hamas en octobre 2017.

Surtout, Saleh al-Arouri « avait de très nombreux contacts », rappelle Marie Kortam. « Il était vraiment aimé des Palestiniens, des Iraniens, des Libanais et même des Syriens. C’était le seul membre du Hamas à être toujours bienvenu en Syrie depuis la révolution », énumère la chercheuse.

Pourquoi est-ce une « grande perte » pour le Hamas ?

Au-delà de ses multiples contacts, Saleh al-Arouri « représentait une figure palestinienne et militante qui unit et rassemble, note Marie Kortam. Il appelait à une réconciliation entre le Hamas et le Fatah », le parti politique nationaliste palestinien dont fait partie le président Mahmoud Abbas. « Il était dans une approche complémentaire, pas destructrice et œuvrait à la réconciliation palestinienne, ce qui n’est pas fréquent parmi les personnalités du Hamas. En cela, il était rassembleur et c’est une grande perte pour le Hamas », explique-t-elle. « Crédible » et jouissant d’un véritable « leadership », Saleh al-Arouri, dans le « viseur d’Israël », « attendait son assassinat », précise la chercheuse. Tout comme son camarade Yahya Sinouar, le chef du Hamas à Gaza, désigné par l’armée israélienne comme un « mort en sursis ».