MYSTEREPourquoi six mois après la disparition d’Emile, aucune piste ne s’impose

Disparition d’Emile : Six mois après, pourquoi les investigations sont-elles si longues ?

MYSTEREDepuis la disparition du garçonnet le 8 juillet 2023, aucune piste n’a réellement émergé, aucun suspect n’a été placé en garde à vue
Six mois après sa disparition au Haut-Vernet, le jeune Emile reste introuvable. Les investigations pour « enlèvement et séquestration de mineur de 15 ans » se poursuivent activement.
Six mois après sa disparition au Haut-Vernet, le jeune Emile reste introuvable. Les investigations pour « enlèvement et séquestration de mineur de 15 ans » se poursuivent activement. - M.Allili/Sipa / Sipa
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Le petit Emile a disparu le 8 juillet au Haut Vernet, un petit hameau des Alpes-de-Haute-Provence où il passait ses vacances chez ses grands-parents.
  • Malgré d’intenses recherches, six mois après, aucune garde à vue n’a eu lieu et aucune piste ne s’est réellement imposée.
  • Les investigations, notamment techniques, se poursuivent.

Son petit minois, ses yeux rieurs, ses cheveux blonds comme les blés et sa fleur bien calée derrière son oreille gauche. Six mois après la disparition du petit Emile, le visage du bambin est entré dans la mémoire collective. L’enfant a été aperçu pour la dernière fois le 8 juillet 2023 au Haut-Vernet, un petit hameau des Alpes-de-Haute-Provence. Deux passants affirment l’avoir vu descendre une rue du village aux alentours de 17 heures. Depuis, plus rien. Emile semble s’être volatilisé. « S’il est vivant, ne nous laissez pas vivre sans lui ; s’il est mort, dites-nous où il se trouve », ont supplié ses parents le 24 novembre, jour de ses 3 ans, dans un message diffusé sur Famille Chrétienne. Car malgré l’ouverture d’une information judiciaire, la mobilisation permanente de 25 gendarmes, aucune piste n’a réellement émergé, aucun suspect n’a été placé en garde à vue.

« Ce n’est pas parce qu’on a l’impression qu’il ne se passe rien qu’il ne se passe rien », insiste une source proche du dossier. Et François Daoust, ancien directeur de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), de préciser : « L’enquête ne piétine pas du tout mais on est dans le temps long. Dans ce genre d’affaire, soit il y a un fil conducteur qui amène vers une hypothèse incontournable et les choses vont vite, soit il faut travailler sur une multitude d’éléments, ce qui peut être très long, surtout lorsqu’il n’y a pas de corps. »

La piste accidentelle toujours d’actualité

Dans ce dossier, des moyens hors-norme ont été déployés. Les premiers éléments de l’enquête suggéraient la piste d’un égarement après qu’Emile a échappé à la vigilance de ses grands-parents. Dès sa disparition, 800 bénévoles ont ratissé la zone, la région a été survolée par un hélicoptère et des drones, les seize maisons du village et les voitures ont été fouillés. Pas le moindre indice. Des chiens spécialisés ont marqué la présence de l’enfant à moins de cinquante mètres de la maison de ses grands-parents, avant de perdre sa trace.

Impossible pour autant, selon François Daoust, d’écarter la piste d’un égarement. « La végétation estivale, surtout dans la région, est très dense et peut cacher une petite faille ou un recoin inexploré. » L’ancien gendarme, qui fut un temps en poste en Savoie, l’assure, ce scénario arrive fréquemment. « On a régulièrement retrouvé des corps de promeneurs disparus en période pré-hivernale ou à la sortie de l’hiver, lorsque la végétation est moins épaisse. Et ce, alors qu’on avait mis de gros moyens lors du signalement. » Quid des chiens ? Si leur odorat est unanimement reconnu, il n’est pas infaillible. Par ailleurs, il permet de déterminer une piste mais pas de la dater précisément. Ainsi, il n’est pas impossible que les chiens aient marqué un chemin emprunté par l’enfant la veille de sa disparition.

L’hypothèse criminelle

La piste d’une collision avec un véhicule suivi d’une dissimulation du corps, ou celle d’un enlèvement purement criminel, font également l’objet d’intenses recherches. Depuis six mois, plusieurs opérations ont été menées, notamment pour « fermer des portes ». En langage « enquêteurs », cela signifie vérifier des hypothèses, faire des levées de doute. Une dalle en béton sous laquelle un radar avait noté une cavité a ainsi été ouverte. Un étang a été longuement inspecté. La maison d’un adolescent de la région, réputé pour conduire vite – parfois trop – avec son tracteur a été perquisitionnée, la grange et les champs autour minutieusement inspectés, le mineur longuement entendu, mais encore une fois, rien de concluant.

Dernière vaste opération en date : le 7 novembre. Trente-six maisons ont été perquisitionnées, dont celle des grands-parents de l’enfant. Car comme dans toutes les enquêtes criminelles, les proches ont fait l’objet d’investigations. Outre les grands-parents, il y avait dans la maison neuf oncles et tantes de l’enfant – dont certains sont adolescents – le jour de sa disparition. Aucun élément marquant n’a été découvert.

Les investigations techniques au cœur de l’enquête

Désormais, l’essentiel des investigations se poursuit loin du terrain, en laboratoire. Il s’agit d’analyser tous les éléments collectés. Lors de la perquisition de début novembre, les gendarmes ont relevé le contenu de tous les téléphones portables et ordinateurs des personnes présentes dans le village. Il s’agit désormais de l’analyser. Surtout, un travail colossal sur la téléphonie est en cours. 1.600 lignes ont borné dans le secteur le jour des faits. Pour chacune d’elles, il faut vérifier à qui appartient la ligne, quand elle a borné, sur quel trajet. « La difficulté, c’est que les opérateurs fournissent les données brutes, il faut donc les décortiquer pour savoir s’il s’agit d’une personne digne d’intérêt, puis vérifier son emploi du temps, ses antécédents », précise François Daoust. Un travail titanesque qui peut prendre plusieurs mois.

S’il n’existe aucune caméra dans le village, les images de vidéosurveillances les plus proches – notamment celles des distributeurs de billets et des péages des alentours – sont également passées au crible. L’ensemble des données collectées est ensuite reporté dans le logiciel Anacrim. Utilisé lors des enquêtes criminelles complexes, il permet non seulement de compiler tous les éléments, mais également de les croiser et de les comparer. L’objectif est de faire émerger des contradictions, de faire ressortir des éléments du dossier qui n’ont pas été vérifiés.