travailAprès l’inflation, le chômage sera-t-il le tube de l’année 2024 ?

Après le Covid-19 et l’inflation, le chômage sera-t-il le tube de l’année 2024 ?

travailAllez, bonne année quand même…
France Travail et le chômage seront-ils le tube de l'année 2024 ?
France Travail et le chômage seront-ils le tube de l'année 2024 ? - Montage Pole Emploi, Sandra Pol, Canva / Montage Pole Emploi, Sandra Pol, Canva
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Fini le rêve du plein emploi ? En 2023, le taux de chômage a augmenté durant deux trimestres d’affilée, une première depuis 2014.
  • Cette remontée devrait se poursuivre en 2024, selon les prévisions économiques. De quoi peut-être imposer à nouveau le sujet au centre des discussions en France
  • Alors, le chômage en 2024, nouvelle pièce dans le jukebox ou chansonnette sans lendemain ?

2020 - 2021. En France ne résonne qu’une seule chanson entêtante, le Covid-19. Nouvelle paire d’années en 2022 et 2023, et nouveau tube national avec l’inflation, une musique qui reste là encore en tête des charts pendant des mois, et qui n’a cessé de pourrir oreilles et pouvoir d’achat. En 2024, faut-il espérer un nouveau hit ? L’année pourrait plutôt marquer le retour d’une ancienne mélodie bien connue : le chômage.

Pendant toute la décennie 2010, ce fut LA rengaine numéro 1 – et l’un des cartons des mandats présidentiels de Nicolas Sarkozy et François Hollande. Mais depuis quelques années, la chanson semblait soudainement ringardisée, façon tecktonik. Entre 2017 et 2023, excepté la période forcément particulière des confinements, le chômage n’a fait pratiquement que baisser, passant selon l’Insee de 9,8 % début 2017 (sur l’ensemble du territoire hors Mayotte) à un plus bas de 7,1 % au premier trimestre 2023. Le gouvernement Macron avait même fait du « plein emploi » un objectif de son second mandat, tant la baisse semblait ne plus finir.

8 % de chômage à l’été 2024 ?

Mais pour rester dans le domaine musical, le chômage, « ça s’en va et ça revient ». Depuis juin, le nombre de personnes sans emploi repart à la hausse, pour atteindre 7,4 % fin 2023. Pour la première fois depuis… 2014, le chômage a augmenté deux trimestres consécutivement. Alors certes, pour l’instant, il s’agit plus d’une vaguelette que d’un tsunami : en six mois, entre juin et décembre, comptez 32.500 chômeurs de catégorie A en plus, et sur l’ensemble des catégories (de A à E), 89.500 personnes, selon la Dares.

Mais les choses ne risquent pas de s’arranger, prévient l’économiste Marc Touati : « Selon l’Insee, le chômage pourrait dépasser 8 % à partir du milieu de l’année, voire avant. Alors bien sûr, 8 %, ce n’est pas dramatique, mais le sujet risque quand même de revenir plus souvent sur la table. »

Inéluctable comme un tube de dentifrice

Rien de plus logique, selon l’expert. Car comme les tubes de Magic System et de David Guetta succèdent toujours au printemps, le chômage débarque toujours après une forte hausse des prix, avertit l’économiste : « Chaque période d’inflation prolongée est suivie d’une récession, et donc de chômage. C’est un phénomène logique : les prix sont trop chers, donc la consommation – la demande – baisse. Il faut donc fournir moins d’offre, ce qui nécessite moins d’emplois. » Deuxième effet de l’inflation : des coûts supérieurs pour les entreprises, moins à même de recruter. La Banque centrale européenne ne s’en cachait d’ailleurs pas quand elle a remonté les taux d’intérêt à 4 %, afin de limiter la capacité d’investissement et d’embauche des entreprises.

Le phénomène serait inéluctable, selon la métaphore de Marc Touati : « Une fois le dentifrice sorti du tube, il est impossible de le remettre. C’est pareil avec l’inflation et le chômage. On a laissé filer la hausse des prix en faisant une fausse demande à grand renfort d’aide publique. Maintenant, on en subit les conséquences. »

De moins en moins d’emplois à pourvoir

Anne Eydoux, maîtresse de conférences d’économie au Conservatoire national des arts et métiers, se veut moins prophète sur l’avenir : « Les perspectives ne sont certes pas très favorables, mais il n’est pas possible de prédire le chômage sur l’année qui vient. Cela dépend de nombreuses variables ainsi que de la conjoncture internationale, difficilement prévisible. »

Reste que « les politiques publiques ne visent pas la création d’emplois, mais plutôt, avec France Travail (ex-Pôle Emploi), à pourvoir les emplois vacants en durcissant les conditions d’indemnisation du chômage. Or la remontée de ce dernier coïncide avec une baisse du nombre d’emplois vacants. »

Et si l’inflation chantait en même temps que le chômage ?

De toute manière, l’experte le rappelle : « Il y a toujours beaucoup plus de demandeurs d’emploi – 3 millions de chômeurs de catégorie A, 5 millions de demandeurs d’emploi de catégorie A, B, C – que d’emplois vacants : 350.000. Sans une politique volontariste de création d’emplois, il est peu probable qu’on en finisse avec le chômage »

Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, le tube de l’année dernière fait de la résistance, puisque l’inflation s’est permis un énième rebond en décembre (3,7 % contre 3,4 % en novembre). Si Marc Touati en est persuadé, « le chômage sera l’un des sujets de 2024 », il avertit : « Attention à ne pas enterrer l’inflation trop tôt, elle pourrait réserver encore de mauvaises surprises dans l’année à venir. » Quoi de pire qu’une chanson incessante ? Deux chansons en même temps.