LogementUn élu parisien propose un « Airbnb de la solidarité »

Hébergement d’urgence : Pierre-Yves Bournazel veut un « Airbnb de la solidarité »

LogementLes particuliers pourraient proposer leur bien pour accueillir un ou plusieurs jours des personnes sans domicile, moyennant une indemnité compensatoire financée par la Ville de Paris ou l’Etat
Pierrre-Yvez Bournazel, à Paris, en 2012.
Pierrre-Yvez Bournazel, à Paris, en 2012. - K. CRONA / 20 MINUTES / K. CRONA / 20 MINUTES
Aude Lorriaux

Aude Lorriaux

Alors que le nombre de personnes sans solution d’hébergement ne cesse ne grandir chaque année, les élus mettent en avant leurs propositions. En début de semaine, le sénateur Ian Brossat demandait la réquisition des logements vides. En face, dans l’opposition, un élu avance une autre solution, dans un tout autre état d’esprit : créer un « Airbnb de la solidarité », soit une plateforme de logements où les particuliers pourraient proposer leur bien pour accueillir une journée, une semaine ou un mois des personnes sans domicile, « moyennant une indemnité compensatoire défiscalisée identique à celle des hôtels ».

« Ce serait une plateforme qu’on pourrait appeler de logements solidaires, en lien avec les associations et les particuliers, propose Pierre-Yves Bournazel, candidat à la Mairie de Paris et conseiller municipal membre du parti Horizons, qui dit avoir travaillé avec Stéphanie Rivoal, ancienne présidente d’Action contre la faim, sur cette proposition. C’est une question de dignité et d’intérêt général qui doit transcender les partis politiques. »

« La solidarité, ça ne se monnaie pas »

Qui paierait pour ces nuitées ? « La Ville », répond Pierre-Yves Bournazel, qui « souhaite que l’Etat y participe et assume sa tâche [c’est une compétence de l’Etat] » mais veut « prendre ses responsabilités » s’il n’y a pas d’entente avec l’Etat sur le sujet. « Le sujet de la grande exclusion ne souffre pas des batailles entre l’Etat et la Ville, commente le coprésident du groupe Indépendants et Progressistes. Utopia 56 le fait et ça fonctionne, pourquoi la Ville ne pourrait pas le faire à plus grande échelle ? »

L’association Utopia 56 a en effet construit un système d’hébergement d’urgence fondé sur les bonnes volontés de 500 citoyens et citoyennes, à Paris ou proche banlieue. Dans les faits, moins de 5 % sont concrètement disponibles chaque soir. Sauf que le système relève de la pure solidarité, sans aucun échange d’argent. « Toutes les initiatives sont bonnes mais je pense que la solidarité, ça ne se monnaie pas, tout ne doit pas être du business. On est plutôt pour la réquisition des bâtiments vides », commente Yann Manzi, cofondateur d’Utopia 56.

« Je ne critique pas la proposition de réquisition, mais la complexité juridique fait qu’on en parlera encore dans quelques années. En revanche, je suis choqué qu’il y ait trop de logements vacants, qu’il faut remettre sur le marché. Il faut un levier fiscal, avec une sanction quand on ne met pas son logement sur le marché, et de l’incitation quand on le met », estime Pierre-Yves Bournazel.

« C’est à l’Etat de financer ça »

A la Mairie, on accueille avec bienveillance la proposition, en attendant d’en voir le détail. Léa Filoche, adjointe aux solidarités d’Anne Hidalgo, se dit « preneuse de toutes les solutions », mais n’est pas « certaine que cela suffise ». « Il y a entre 3.000 et 5.000 personnes à la rue et 262.000 appartements vides. Qu’est-ce qu’on fait contre ces logements vacants ? » Le nombre de logements inoccupés à Paris a explosé ces dernières années, atteignant 18,8 % du parc immobilier en 2020, selon l’Apur. En février 1954, en plein appel de l’Abbé Pierre, ce chiffre était de 2 %, affirme Léa Filoche.

« L’initiative est vertueuse, et n’est pas contradictoire par ailleurs avec ce qu’on propose sur la réquisition », affirme de son côté Ian Brossat, sénateur de Paris et ex-adjoint au logement. De son côté, Yann Manzi s’inquiète tout de même que la Ville soit sollicitée pour financer les nuitées. « C’est à l’Etat de financer ça, j’en suis convaincu », affirme le cofondateur d’Utopia 56, qui estime par ailleurs qu’il n’y a pas d’obstacle juridique à la réquisition, mais plutôt « un manque de volonté politique ».

Rachat d’hôtels sociaux

Pierre-Yves Bournazel ne se contente pas cependant de cette proposition pour espérer régler le problème des familles dormant dans la rue à Paris. Il souhaite également un recensement complet des locaux publics inoccupés, qu’ils soient inoccupés un certain temps dans l’année ou simplement la nuit, qu’ils appartiennent à l’Etat, la région, la commune, ou tout autre organisme public.

L’élu du parti d’Edouard Philippe veut aussi favoriser l’acquisition et le rachat d’hôtels sociaux pour qu’ils soient consacrés exclusivement à l’hébergement d’urgence. Et de conclure : « Cela permettrait d’avoir des solutions pérennes, et c’est mieux que les nuitées hôtelières qui coûtent cher. Ce serait aussi l’occasion de rénover ces lieux et d’assurer un meilleur suivi de ces personnes. »