grosse bourdeComment la Monnaie de Paris a pu frapper 27 millions de pièces invalidées ?

Comment l’usine girondine de la Monnaie de Paris a pu frapper 27 millions de pièces non conformes ?

grosse bourdeL’usine a voulu anticiper la production pour tenir ses délais de commandes, mais la commission européenne a invalidé les dessins sur les pièces, jugeant les étoiles trop peu visibles. Résultat : elles vont être détruites puis recyclées
Près de 1, 4 milliard de pièces sont produites par an à la Monnaie de Paris, sur le site de Pessac, en Gironde.
Près de 1, 4 milliard de pièces sont produites par an à la Monnaie de Paris, sur le site de Pessac, en Gironde.  - Victor Point/Monnaie de Paris / 20 Minutes
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • L’usine de la Monnaie de Paris à Pessac, en Gironde, a produit 27 millions de pièces qui ont été jugées a posteriori non conformes par la commission européenne.
  • L’entreprise avait voulu devancer le feu vert de l’institution pour être certaine d’honorer ses délais de commandes, mais elle se retrouve à dénaturer et à recycler toutes les pièces.
  • Les pièces de 10, 20 et 50 centimes sont en cours de production avec les nouveaux dessins validés par la Commission. Elles devraient être mises en circulation au printemps prochain, avec quelques mois de retard.

A la Monnaie de Paris on parle d'« un aléa industriel », « un épisode anecdotique ». Le 1er décembre, la Commission européenne a invalidé le dessin proposé en septembre 2023 par l’établissement public, jugeant les douze étoiles du drapeau européen sur les faces des pièces de 10, 20 et 50 centimes d’euro trop peu visibles. Le hic, c’est que l’usine de Pessac avait pris les devants et que ses 170 salariés avaient déjà produit 27 millions de ses piécettes… Jugées non conformes elles sont en cours de dénaturation puis seront recyclées en de nouvelles pièces. Celles-ci devraient être mises sur le marché par la Banque de France au printemps, alors qu’elles étaient attendues fin 2023.

« Il y a eu, à un moment donné, la décision de lancer la production avec une prise de risque, car il n’y avait pas de validation officielle de la commission européenne, afin de pouvoir livrer en temps et en heure, reconnaît la Monnaie de Paris auprès de 20 Minutes. On avait des engagements de commercialisation numismatique de ces pièces, des versions en très haute qualité de frappe destinées aux collectionneurs et attendues en fin d’année ». Elle ajoute que la validation devait être une formalité et que « ce sont des choses qui avaient déjà été faites pour les pièces de deux euros, pour lesquelles on avait changé les faces nationales à l’occasion des vingt ans de l’euro. » La fin d’année de l’entreprise était aussi très chargée en matière de production, notamment pour la production de monnaies étrangères.

« Moins de 2 % de la production annuelle » du site

On imagine la douche froide pour l’établissement quand la commission européenne a demandé de mettre au rebut absolument toutes les pièces. « Ce n’est pas de la perte sèche mais du recyclage, car les 27 millions de pièces vont être à 100 % recyclées », tient à nuancer la Monnaie de Paris. « Si c’est un contretemps fâcheux, dont on se serait bien passé, on le relativise à l’échelle de notre production annuelle (1,4 milliard de pièces), cela en représente moins de 2 % ».

La Monnaie de Paris tient aussi à dire qu’elle a réagi très vite, en proposant de nouveaux dessins sous soixante-douze heures. « La validation des nouveaux dessins est intervenue le 21 décembre et les nouvelles pièces sont déjà en cours de production », a souligné la Monnaie de Paris. L’établissement étant un organisme intégralement financé par son activité, aucun surcoût ne sera répercuté. « Le prix payé par l’État pour la production de ces pièces reste exactement le même que ce qui était prévu initialement », insiste la Monnaie de Paris. Et son président dément formellement avoir incriminé la responsabilité de l’Etat, dans cette affaire. L’entreprise ne souhaite pas communiquer sur le coût de ce raté, mais il oscillerait entre 700.000 et 1,2 million d’euros, selon la Lettre.

Une évaluation a été lancée par conseil de surveillance de l’entreprise pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise et elle devrait se terminer en février. « Nous sommes en contact étroit avec le ministère de l’Economie et des Finances, avec lequel il n’y a aucune tension », affirme la Monnaie de Paris.