COMPTE-RENDU« Je ne m’excuse pas… » Maïwenn condamnée pour l’agression d’Edwy Plenel

Paris : « Je ne m’excuse pas et je ne regrette pas… » Maïwenn condamnée pour l’agression d’Edwy Plenel

COMPTE-RENDULa réalisatrice était jugée ce mardi pour avoir agressé le cofondateur de « Mediapart », Edwy Plenel
La réalisatrice et comédienne Maïwenn Le Besco, le 16 janvier 2024 au tribunal judiciaire de Paris.
La réalisatrice et comédienne Maïwenn Le Besco, le 16 janvier 2024 au tribunal judiciaire de Paris. - Thibaut Chevillard / 20 Minutes
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • La réalisatrice Maïwenn était jugée, ce mardi à Paris, pour avoir agressé le cofondateur de Mediapart, Edwy Plenel. Les faits datent du 22 février 2022. Le journaliste dînait avec un avocat dans un restaurant à Paris. Maïwenn, qui était assise seule à une table derrière eux, s’est jetée sur lui, l’a attrapé par les cheveux et a fait mine de lui cracher dessus.
  • La prévenue justifie cette agression par la publication d’un article de Mediapart contenant des extraits de son audition devant la police judiciaire. Les enquêteurs l’interrogeaient sur son ex-mari, Luc Besson, accusé de viol par une actrice.
  • Reconnue coupable, la comédienne a été condamnée à 400 euros d’amende. Elle devra aussi verser 1 euro de dommage et intérêts à Edwy Plenel, 1.500 euros à Mediapart, et régler les frais de justice de la victime et du journal.

Au tribunal de police de Paris,

On a cru, un moment, qu’il s’agissait du procès de Mediapart. Mais le président du tribunal de police a tenu à remettre tout de suite les choses au clair. « Il n’y a qu’une seule finalité à cette audience : apporter une réponse judiciaire à des faits de violence. Ce n’est certainement pas une tribune médiatique », rappelle le magistrat. Ce mardi, la salle est remplie de journalistes. Il faut dire que la prévenue et la victime sont des personnalités publiques de premier plan. La première est une célèbre comédienne et réalisatrice. Le second est le cofondateur et directeur de la publication du site Mediapart. Costume sombre, chemise bleue, Edwy Plenel s’avance à la barre pour raconter l’agression dont il a été victime il y a tout juste deux ans.

Les faits remontent au 22 février 2022. Ce soir-là, le journaliste dîne avec Jean-Pierre Mignard, un ami avocat, dans un restaurant du 12e arrondissement de la capitale. Soudain, vers 21 heures, une femme « qui avait l’air de dîner seule avec son téléphone et ses écouteurs » se lève et se jette sur lui, raconte-t-il. « Sans un mot, sans un commentaire, sans une phrase », elle l’attrape par les cheveux, lui renverse la tête en arrière et fait mine de lui cracher dessus. Puis elle quitte le restaurant précipitamment. Le personnel de l’établissement, qui n’a pas eu le temps de réagir à cette agression, identifie la cliente. Il s’agit de la comédienne et réalisatrice Maïwenn Le Besco. Edwy Plenel dépose plainte « par principe » quelques jours plus tard. Il a vécu avec « sidération » cette « agression physique » d’une « très grande violence ».

Un lien avec la publication d’un article

Le directeur de Mediapart ne connaît Maïwenn « ni d’Eve, ni d’Adam ». Il est donc très vite certain d’une chose : il a été « visé et attaqué en raison de la fonction sociale » qu’il occupe. Il comprend en effet que cette agression a un lien avec la publication d’une série d’articles portant sur Luc Besson. Maïwenn a épousé le réalisateur en 1992. Elle avait 16 ans, lui 32 ans. L’année suivante, elle a donné naissance à une petite fille. Le couple s’est séparé quelques semaines après la sortie du film Le Cinquième Elément, en 1997. Depuis, une actrice, Sand Van Roy, accuse le réalisateur de l’avoir violée à plusieurs reprises entre mars 2016 et mai 2018. Une enquête a été ouverte par la justice et son ex-épouse a été entendue dans ce cadre par la police.

Veste beige, pantalon marron, Maïwenn ne se contente pas de reconnaître les faits. Elle les revendique. Ce soir-là, elle devait dîner avec une personne qui, au dernier moment, s’est décommandée. Elle a aperçu le directeur de Mediapart dans le restaurant. « Le sang m’est monté », se souvient-elle. Elle a voulu lui cracher au visage « mais le crachat n’est pas sorti comme je l’aurais aimé ». Elle a ensuite « empêché » Edwy Plenel de se lever « en appuyant sur sa tête ». Puis elle est « partie sans rien dire ». « Quel regard portez-vous sur votre comportement de ce soir-là ? », lui demande le président. « Il n’est pas à la hauteur du bouleversement que cela a été dans ma vie, cette trahison de Mediapart », répond-elle. « Je ne m’excuse pas et je ne regrette pas, ajoute-t-elle. Un crachat et un tirage de cheveux, ce n’est rien par rapport au tsunami que ça a été dans ma vie intime. »

« Je n’ai pas défendu Luc Besson parce que c’était mon agresseur »

Maïwenn raconte avoir été contactée par Marine Turchi, une journaliste de Mediapart qui enquêtait sur les accusations de viols dont fait l’objet Luc Besson. Les deux femmes se sont parlé une heure au téléphone et se sont rencontrées le lendemain au domicile de l’actrice pendant trois heures. « Je lui ai dit que je ne voulais pas apparaître dans cette histoire. Ils savaient que je ne voulais pas faire de déclarations. » Un jour, elle découvre un article de Mediapart contenant « des bouts » de son audition devant la police judiciaire. « C’est censé être des pièces réservées à la justice, pas à Mediapart », peste-t-elle. Surtout, cet article « ne reflète pas » ce qu’elle à dit à la police. La voix troublée, elle lance à Edwy Plenel : « Je n’ai pas défendu Luc Besson parce que c’était mon agresseur, c’est faux de dire ça. »

Calmement, le directeur de Mediapart souligne que Marine Turchi, qui est spécialisée dans les violences sexistes et sexuelles, n’a pas « trahi » sa parole : comme promis, la journaliste n’a utilisé « aucune des déclarations » que lui a faites la comédienne lors de leur entretien. « Mediapart n’a fait que mentionner un document de justice que Paris-Match avait déjà cité auparavant », clame-t-il.

Un « acte d’intimidation »

« On n’est pas dans un dossier de diffamation mais de délinquance, de violences volontaires », martèle l’avocat du journal, Me Pierre-Emmanuel Blard. Les extraits du document publiés par le site sont d’ailleurs, dit-il, « d’intérêt public ». Il qualifie cette agression d’acte « d’intimidation ». « Ce n’est qu’une affaire de violence comme on en voit régulièrement devant cette juridiction », observe aussi le procureur. Notant que la prévenue « ne manifeste aucun regret quant à son geste », il requiert « une condamnation sévère : 700 euros sur les 750 encourus ».

L’avocat de Maïwenn, Me Jean Aittouares, reconnaît lui aussi que « l’infraction est constituée ». Oubliant que les médias sont indépendants et qu’ils n’ont pas besoin de permission pour publier un article, il tente comme il peut de justifier le geste de sa cliente. « Elle s’est sentie trahie », assure-t-il, avant de demander une dispense de peine. « Ce n’est pas une délinquante, c’est quelqu’un qui a eu un coup de sang. » Finalement, le tribunal condamne Maïwenn à 400 euros d’amende. Elle devra aussi verser 1 euro à Edwy Plenel, 1.500 euros à Mediapart, et régler les frais de justice de la victime et du journal.