High school lifeRemises de diplôme, sport et fraternités… On prend quoi aux Américains ?

Conférence de presse de Macron : Après les remises de diplômes, on prend quoi dans les lycées américains ?

High school lifePour le chef de l’Etat, le système éducatif américain a de quoi nous faire rêver. Mais tout n’est pas à copier
La remise de diplômes, les robes et les chapeaux, bientôt dans les lycées français ?
La remise de diplômes, les robes et les chapeaux, bientôt dans les lycées français ? - Canva / Canva
Xavier Regnier

Xavier Regnier

L'essentiel

  • Mardi soir, lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron s'est longuement attardé sur l'école. Le président souhaite notamment faire revenir ou créer certains rites, notamment la remise des diplômes, calquée sur le cliché américain.
  • Mais y a-t-il d'autres éléments que le système éducatif français pourrait piquer aux séries de Netflix et OBS ? 20 Minutes a fait le tour avec Esther Cyna, maîtresse de conférences en histoire des Etats-Unis.
  • Si la cérémonie de fin d'année ou le meilleur financement d'activité artistiques pourrait être une bonne idée, il y a des points à rejeter (comme l'admission à l'université) et d'autres qui sont tout bonnement impossibles à importer.

«Je vois que tous nos jeunes qui regardent les séries télévisées où il y a ces remises de diplômes, ils trouvent ça super. » Mardi soir, quand 20 Minutes lui demandait si les annonces sur l’uniforme à l’école et les cérémonies de remises de diplômes n’avaient pas un côté « vieux jeu », Emmanuel Macron a répliqué par l’exemple américain. Puisqu’on aime tant Glee, Riverdale, les intrigues à base de bal de promo ou d’acceptation à Stanford, pourquoi ne pas ramener un peu du American Dream dans le système éducatif français ? 20 Minutes a passé en revue les plus gros clichés des séries américaines avec Esther Cyna, maîtresse de conférences en histoire des Etats-Unis à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

La cérémonie de remise de diplôme et la grosse fiesta après

Ah, être parmi ses camarades, attendre de voir son nom appelé, monter sur l’estrade, recevoir son précieux diplôme des mains d’un professeur. Un grand moment d’émotion pour clore en beauté le chapitre du lycée avant de démarrer une autre vie. Emmanuel Macron rêve de l’importer en France, notamment au collège, pour sacraliser un brevet qui n’a plus grand sens. « Ces cérémonies existent déjà en France, elles sont courantes dans l’enseignement supérieur », note Esther Cyna. Si les écoles de commerces ont largement lancé le mouvement, « les universités publiques s’y mettent ».

Mais comment donner du sens à cette cérémonie et en faire un rite universel ? « Dans les lycées, la question du calendrier se pose avec le bac et les rattrapages », souligne Esther Cyna. Pas sûr qu’une cérémonie le 15 juillet attire grand-monde. La spécialiste des Etats-Unis en profite pour casser un peu le mythe. « Aux Etats-Unis, chaque lycée a son propre diplôme, il n’y a pas de bac national. Le lycée en France ne serait pas une échelle pertinente. On peut imaginer une cérémonie de fin d’année mais sans remise de diplôme », sachant que le joli papier arrive avec plusieurs mois de retard en France. Sans compter que l’évènement coûte cher aux établissements. « Traiteur, location d’espace… c’est délicat. »

Les robes et les chapeaux

Cliché à lui-seul, le jeté de chapeau en l’air a vécu. « C’est de plus en plus interdit, car ils sont très pointus et que ça peut faire mal », corrige l’historienne. Au-delà de ce geste libérateur, une question demeure : à qui sont ces tenues. Là encore, « il n’y a pas de système homogène aux Etats-Unis ». Bien souvent, les capes sont « louées par la famille au lycée, c’est l’option la moins chère ». Ce qui pose à nouveau la question du coût, au moins la première année, pour que les établissements se dotent d’une garde-robe.

« Je vois mal l’Etat payer pour ça, mais on peut imaginer des levées de fonds, avec des ventes de gâteaux et une implication des commerces locaux », imagine Esther Cyna, convoquant un autre cliché des séries de lycéens. Une sorte de tombola où les fonds récoltés iraient dans les capes noires. Quant aux chapeaux, « ils sont souvent achetés car les diplômés les customisent » et les gardent en souvenir.

Les arts au lycée

Série incontournable pour aborder les clichés du lycée américain, Glee met en lumière « la place importante des arts » dans ce système. Outre-Atlantique, les élèves ont du temps, du matériel et « un espace privilégié pour exprimer » leur talent, salue Esther Cyna. « Ça serait une bonne chose à prendre du système américain », même si cela demande encore un financement et de l’encadrement. « Il y a déjà de bonnes choses qui sont faites, avec des clubs théâtre par exemple, mais il faudrait faire plus en accord avec les équipes pédagogiques », demande-t-elle.

Les équipes de sport au lycée

Ils occupent une place à part dans la sociologie des lycées, puis des universités. Dans les séries, les athlètes et les cheerleaders sont des êtres à part, installés bien en haut de la pyramide sociale adolescente. Tout vêtus de bombers et de jupes aux couleurs de l’établissement, ils sont immanquables dans les couloirs. « Je ne vois pas comment ça serait possible en France », tranche Esther Cyna. Car autour de l’équipe de sport, « il y a toute une question de l’identité d’un lycée qui n’est pas aussi ancré en France ». Alors qu’on peine parfois à se souvenir du nom de notre collège lors d’une discussion entre amis, « les Américains vont se considérer comme ancien élève de leur établissement toute leur vie ».

L’idée a pourtant de quoi séduire, à quelques mois des Jeux olympiques. Et pourrait relancer Amélie Oudéa-Castéra, à la peine depuis son arrivée à la tête de l’Education nationale en plus de gérer les Sports. Mais « il y a beaucoup moins d’investissement dans le sport en France qu’aux Etats-Unis », souligne Esther Cyna. Et puis, vous avez déjà vu un gymnase de lycée avec des gradins dignes de ce nom en France vous ?

Les lettres d’acceptation dans une grande université

Depuis plusieurs années, Parcoursup concentre de vives critiques en France. Entre sélection cachée, classement des vœux et bugs informatiques, l’orientation post-bac tourne souvent à la déprime en plein labyrinthe. Et si on remplaçait cet obscur circuit par un retour aux dossiers de candidatures. Stanford, Columbia et autres Yale envoient chaque année des lettres, qui peuvent autant signifier le refus que l’admission. Les mains moites, le cœur qui tambourine pendant qu’on ouvre fébrilement l’enveloppe devant toute sa famille… Voilà un souvenir qui a de la gueule !

« C’est une image qui ne représente pas la réalité vécue par une immense majorité de lycéens », refroidit Esther Cyna. « La plupart ne postulent pas aux universités prestigieuses et se contentent de recevoir un mail de la fac locale », dépeint-elle. Même si Parcoursup n’a rien de sexy, « se diriger vers un modèle d’admission à l’américaine n’est pas un modèle à suivre », estime l’experte.

Les facs à 100.000 dollars l’année

Bon, pas besoin d’argumenter longtemps pour dire « on leur laisse ». « Ce n’est vraiment pas souhaitable si on tient à un modèle d’enseignement supérieur ouvert à tous », clame Esther Cyna, qui pointe un modèle américain « fondé sur l’exclusion ». L’endettement des classes moyennes pour financer les études est une « grande question politique et sociale pas résolue, et une grande déception du mandat de Joe Biden », souligne l’historienne.

Reste la fameuse question de la bourse « qui peut ouvrir les portes des universités », notamment pour les sportifs évoqués plus haut. « Mais attention, c’est surreprésenté dans les séries, on parle en fait d’à peine 100 personnes par promotion ». Sans compter que les conditions ne sont pas aussi idylliques que la fiction le dépeint. « Certes les athlètes ne paient pas de frais d’inscription, mais ils disent aussi que c’est du travail gratuit pendant quatre ans », prévient la spécialiste de l’histoire de l’éducation.

Les fraternités et sororités

Phi Beta Kappa ? Alpha Gamma Rho ? Derrière cet enchaînement de lettres grecques se cachent deux confréries, ces BDE version américaine, en plus grand et plus intense. « Dans le sud des Etats-Unis, ce sont des organisations extrêmement puissantes », décrypte Esther Cyna. On ne vous refait pas le dessin sur l’intégration, voire le bizutage, des petits nouveaux. Mais « rien que pendant les années d’université, il y a un contrôle de la scène sociale, des soirées organisées » par ces « maisons ». Comme pour le lycée, on est membre de la confrérie « pour toute la vie », et l’entraide entre membres se prolonge dans la vie active. Si bien « qu’il y a tout un secret autour, dans l’Alabama on pense que ces organisations contrôlent l’université, et pas seulement », dépeint l’historienne.

Elle prend en exemple la sororité Delta Delta Delta, créée en 1888, « qui existe sur presque tous les campus » américains. Ces fraternités et sororités « lèvent des fonds très importants » et, loin de la simple organisation de beuveries, sont pleinement impliquées dans la vie de l’université et au-delà. « Ce sont des organisations très anciennes, et ça serait incongru de les créer de toutes pièces car elles ont été créées pour compenser l’absence de noblesse aux Etats-Unis », indique Esther Cyna. A petite échelle, il existe pourtant de telles fraternités en France, qu’il s’agisse du « réseau très explicite des écoles d’ingénieurs » ou des restes de la faluche étudiante.