c’est chaudLes volcans se déchainent en chaine

De l’Islande aux Champs Phlégréens… Les volcans se déchaînent-ils en chaîne ?

c’est chaudL’éruption qui a touché la petite ville de Grindavik, dimanche et lundi, rappelle la forte activité volcanique de l’île et les efforts des volcanologues pour anticiper au mieux les futures coulées de lave
Malgré les efforts de protection, la lave a consumé plusieurs habitations de la ville de Grindavik, totalement évacuée en avance
Malgré les efforts de protection, la lave a consumé plusieurs habitations de la ville de Grindavik, totalement évacuée en avance  - Bjorn Steinbekk / AP / Sipa
Guillaume Carlin

Guillaume Carlin

Les images sont forcément impressionnantes : des coulées de lave engloutissant des maisons à Grindavik dans le sud-ouest de l’Islande. Le pays est heureusement habitué et préparé à ce type de situation et les habitants de la ville avaient été évacués bien avant. Parcourue par près de 130 volcans, l’île connaît depuis 2021 une activité volcanique plus importante au niveau de la péninsule de Reykjanes, au sud-ouest de la capitale, Reykjavik.

« On n’est pas étonné, avance Fabien Albino, géophysicien et volcanologue à l’Institut des sciences de la terre (ISTerre) de Grenoble, qui connaît bien les volcans islandais pour les étudier régulièrement. C’est la continuité de l’éruption de fin 2023. C’est une situation d’écartement des plaques américaines et européennes, qui crée un chemin facile pour le magma. Dans cette zone, on a des éruptions effusives, peu explosives, avec des coulées de lave. »

Un tout autre scénario que celui de l’éruption explosive de l’Eyjafjöll, en 2010, qui avait projeté un immense panache de fumée, paralysant l’espace aérien européen. A l’époque, « cette éruption avait interagi avec la glace du glacier, ce qui avait provoqué ce panache », explique le chercheur. Dans le cas du port de Grindavik, la vigilance des volcanologues a permis la mise en place de barrières pour éloigner le principal flot de lave des habitations. « On regarde aussi l’effet sur les habitants de la capitale [à une quarantaine de kilomètres], avec les gaz qui émanent de l’éruption », ajoute Fabien Albino.

Des cycles d’éruptions qui restent pourtant imprévisibles

Un volcan en activité très proche d’une grande ville, c’est aussi ce qui se passe à côté de Naples, dans la caldeira des Champs Phlégréens. « C’est un volcan qui n’a pas connu d’éruption depuis un grand nombre d’années, mais qui reste très surveillé, parmi les plus surveillés d’Europe, car il y a un potentiel d’éruption de grand volume », précise le volcanologue. Comme il l’explique, les deux situations ne sont pas liées et les événements en Islande n’influent pas sur ceux en Italie.

Une éruption massive, de type explosif, reste cependant possible. Parmi les près de 130 volcans d’Islande, le Katla, décrit comme encore plus dangereux que l’Eyjafjöll, n’est pas entré en éruption depuis 1918. Or, le volcan se réveille environ deux fois par siècle. Les volcanologues estiment donc probable une éruption dans les années à venir. « Il y a des cycles, mais c’est difficile de prévoir, rappelle Fabien Albino. Sur le Grímsvötn [un volcan au centre de l’île] il aurait dû y avoir une éruption en 2022-2023, mais les cycles peuvent s’arrêter ou évoluer. »

Le réchauffement climatique pourrait favoriser les éruptions

Le Grímsvötn est un volcan situé sous la calotte glaciaire islandaise et les effets du réchauffement climatique pourraient être un accélérateur d’une future éruption, selon le volcanologue : « Le glacier agit comme un bouchon, si on réduit cette pression, on s’attend à favoriser un peu les éruptions, à réduire le cycle entre les éruptions, ou à favoriser la remontée du magma. »

La situation reste donc surveillée de près en Islande, notamment grâce au suivi sismologique. « Le séisme, c’est un signe fort », souligne le chercheur grenoblois. « La difficulté, c’est de savoir si la crise sismique aboutit à une éruption, tempère Martine Simoes, chargée de recherche, tectonicienne à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP). En volcanologie, il existe la notion d’unrest. » C’est la période qui précède l’éruption, où le volcan montre des signes anormaux : des jets de vapeurs, des glissements de terrain, des fumerolles. Elle peut durer des mois, ou des années, comme c’est le cas, par exemple, dans la caldeira près de Naples, et peut aussi ne jamais aboutir à une éruption. A ces indices, s’ajoute désormais « l’imagerie satellitaire, qui apporte un complément d’informations, ajoute Fabien Albino. L’image radar arrive à détecter le gonflement du volcan. »

En France, le Piton de la Fournaise, sur l’île de la Réunion, est le volcan le plus actif. De nombreuses éruptions, parfois plusieurs par an, y sont observées depuis 2015. « C’est notre cas typique, note le volcanologue. Dès lors qu’on a un signal qui peut montrer une activité imminente, on est en lien avec les autorités. » La chance de voir de la lave en métropole est cependant quasi nulle. Si la chaîne des Puy en Auvergne connaît une faible activité sismique, il n’y a en revanche aucun signe d’activité volcanique.