VOTRE VIE, VOTRE AVIS« J’étais tranquille ! »… Ils ont kiffé être enfant unique

Famille : « Je suis devenu très tôt curieux de tout »… Ils ont adoré être enfant unique

VOTRE VIE, VOTRE AVISLa présence ou non de frères et sœurs ne serait pas du tout décisive dans l’épanouissement de l’enfant, selon Héloïse Junier, docteure en psychologie
Un enfant unique qui kiffe sa vie.
Un enfant unique qui kiffe sa vie. - Zurijeta / Canva
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • «Ça devait être si triste », « tu devais tellement t’ennuyer », « franchement, moi, je n’aurais pas aimé »… Les enfants uniques sont souvent plaints.
  • Longtemps minoritaires, ils deviennent de plus en plus nombreux. Car les Français font de moins en moins de bébés (1,68 enfant par femme en 2023, contre 1,79 en 2022).
  • Mais contrairement aux idées reçues, tous ne rêvent pas d’avoir un grand frère ou une petite sœur. Plusieurs enfants uniques (heureux) nous racontent donc les avantages de cette absence de fratrie.

«Ça devait être si triste », « tu devais tellement t’ennuyer », « franchement, moi, je n’aurais pas aimé »… Les enfants uniques sont souvent plaints (vous vous reconnaissez peut-être). Longtemps minoritaires, ils deviennent de plus en plus nombreux. Car les Français font de moins en moins de bébés. Les femmes ont eu en moyenne 1,68 enfant en 2023, contre 1,79 en 2022, selon les derniers chiffres de l’Insee publiés ce mardi.

Mais contrairement aux idées reçues, tous ne rêvent pas d’avoir un petit frère ou une petite sœur. Mathieu*, 50 ans, en fait partie. Il l’assure, « il a toujours extrêmement bien vécu la chose », obtenant « plus d’attention de la part de ses parents, plus de choses à soi et pour soi. » « Je pouvais (presque) agir comme je l’entendais. Rien à devoir partager avec personne ou devoir me battre pour obtenir quelque chose, pas de jalousie avec un frère ou une sœur. » Hervé, 42 ans, jure lui aussi n’avoir « jamais ressenti un manque énorme à jouer seul ». « Aujourd’hui père de deux enfants, je ne peux m’empêcher de me dire : ''Ah, la belle époque où j’étais tranquille !''' quand je les vois se chamailler pour des broutilles. »

La fratrie, un facteur non décisif au bien-être de l’enfant

Comment expliquer que certains s’épanouissent ainsi, tandis que d’autres ne rêvent que d’un mini eux ? « Globalement, tout ce qui alimente ou non le bien-être de l’enfant est très multifactoriel, assure Héloïse Junier, docteure en psychologie et autrice de la BD à destination des parents Ma vie d’enfant (Dunod Editions). Le lien avec les parents, la vie sociale, le tempérament sont autant de facteurs. » La présence ou non de frères et sœurs ne serait donc pas du tout décisive.

Un critère aurait tout de même son importance selon Emmanuelle Rigon, psychologue et psychothérapeute. « L’explication de la raison pour laquelle on a eu un enfant unique et la cohérence de cette explication fera que le petit vivra la situation plus ou moins bien, selon la professionnelle. Quand cela est vécu comme une frustration ou un manque de la part d’un ou des deux parents, cela aura des répercussions. »

Apprendre à s’occuper seul

Avoir grandi seul n’est donc un fardeau, loin de là. « Mes parents n’avaient pas beaucoup de moyens mais ils ont pu m’offrir un tas de choses comme des cours d’équitation ou des voyages. Et s’ils ont pu le faire, c’est parce qu’ils n’avaient qu’une enfant », estime France, 38 ans.

Une solitude qui aurait d’autres bénéfices. « On apprend peut-être plus à s’occuper, à jouer seul et à devenir autonome », suppose Mathieu. Un avis partagé par Hervé. « J’avais des amis et j’adorais partager des choses avec eux, mais j’adorais aussi ces moments seul rien qu’à moi à jouer à la maison. Moments que je considérais comme un repos par rapport aux autres. » Car qui dit enfant unique ne dit pas pour autant enfant moins sociable. « Certains enfants uniques sont beaucoup plus sociables car ils ont des démarches à entreprendre pour nouer des liens contrairement à ceux ayant des frères et sœurs à la maison », prévient Emmanuelle Rigon.

Profiter des moments seuls pour créer et imaginer

Autre bénéfice, selon Bruno 62 ans : le développement de sa créativité. « Je suis devenu très tôt curieux de tout. Je ne m’ennuyais jamais, je passais mon temps à dessiner, à lire, à observer. » Aujourd’hui, il se demande encore si le fait d’avoir eu des frères et sœurs lui aurait apporté suffisamment de calme et de temps nécessaire à la découverte.

« Quand on est seul, on est davantage confronté à son imaginaire, confirme Emmanuelle Rigon. Mais la question, c’est de savoir ce qu’on en fait. Certains vont se servir de leurs pensées pour développer leur créativité, d’autres vont en faire une angoisse ».

« Cela m’a rendu plus mature assez rapidement »

Etre le seul enfant au milieu d’adultes aurait aussi du positif. « Je passais mon temps à écouter les conversations des grandes personnes, ce qui m’a rendu plus mature assez rapidement », assure Bruno. Et la recherche scientifique lui donne raison. « Statistiquement, les enfants uniques, notamment ceux de milieu social favorisé, ont plus de chance d’avoir une meilleure scolarité et un meilleur niveau de langage », rappelle Héloïse Junier. Évidemment, ce n’est pas parce que vous avez un seul enfant qu’il sera forcément HPI. Cela dépend aussi de votre rôle en tant que parent, de votre milieu social mais aussi du profil du petit.

Et même une fois adulte, certains n’envient pas les familles nombreuses. « Je suis peut-être la seule à m’occuper de mes parents âgés mais au moins, je prends mes propres décisions sans avoir à en référer à un conseil de famille », considère, Marie, 49 ans. De quoi rendre jaloux le clan Delon.