Réseaux sociauxLe traumatisme d’un modérateur de contenu reconnu « maladie professionnelle »

Crises d’angoisse, cauchemars… Le traumatisme d’un modérateur de contenu reconnu comme « maladie professionnelle »

Réseaux sociauxUn tribunal espagnol a reconnu que les problèmes de santé mentale d’un modérateur étaient le résultat de son travail de surveillance de contenus violents
Un tribunal espagnol a reconnu que les problèmes de santé mentale d’un modérateur étaient le résultat de son travail de surveillance de contenus violents.
Un tribunal espagnol a reconnu que les problèmes de santé mentale d’un modérateur étaient le résultat de son travail de surveillance de contenus violents. - Timur Emek / Sipa
Hakima Bounemoura

H. B. avec AFP

C’est une décision de justice qui fera date. Les troubles psychologiques vécus par les modérateurs de contenus chargés de visionner des images choquantes doivent être considérés comme une « maladie professionnelle », a statué un juge espagnol dans une affaire impliquant un sous-traitant de la société mère de Facebook, Meta.

Selon les avocats de l’employé à l’origine de cette procédure, c’est la première fois qu’un tribunal espagnol reconnaît que les problèmes de santé mentale d’un modérateur sont le résultat de son travail de surveillance de contenus violents.

Crises d’angoisse, cauchemars, problèmes de sommeil, peur panique…

Révélée par le quotidien catalan La Vanguardia, l’affaire concerne un Brésilien de 26 ans ayant commencé à travailler en septembre 2018 pour CCC Barcelona Digital Services, entreprise appartenant au canadien Telus International et chargée de modérer des contenus sur Facebook et Instagram.

D’après le jugement publié cette semaine, son rôle consistait à examiner des contenus extrêmement violents, montrant des cas de torture, de décapitations de civils, d’automutilation et de suicide. Ce travail, qui permet la suppression des contenus (images, vidéos et commentaires) lorsqu’ils sont jugés non conformes aux règles des plateformes, l’avait conduit à un arrêt de travail huit mois après son embauche, en raison de graves troubles.

Le jugement, qui cite des rapports médicaux, évoque une multitude de problèmes, comme des crises d’angoisse, des cauchemars, des problèmes de sommeil et une peur panique. Le jeune homme, selon La Vanguardia, est toujours suivi psychologiquement.

Une plainte pénale contre CCC et Facebook Espagne

Le juge a estimé que les fonctions exercées par cet employé étaient « le déclencheur unique, exclusif et incontestable » de ses problèmes psychologiques. Le magistrat a ainsi suivi l’analyse de l’inspection du travail espagnole, qui avait publié en mai 2022 un rapport accablant et infligé une amende à CCC pour son inaction « alors qu’elle était consciente des problèmes psychologiques de ses travailleurs ».

L’avocat de l’employé, Francesc Feliu, qui représente également une vingtaine d’autres salariés de CCC, a précisé avoir déposé en octobre, parallèlement à cette procédure, une plainte pénale « contre CCC et Facebook Espagne » en raison des graves infractions citées dans le rapport et du préjudice subi par les employés. « L’entreprise tente d’éviter toute responsabilité […] en affirmant que la maladie mentale dont souffrent les modérateurs de contenus n’a aucun lien avec leur travail. Cette décision est donc extrêmement importante car elle rejette cet argument », a-t-il souligné.

Le groupe Telus International, qui a racheté CCC en 2020, s’est dit « déçu » par la décision de la justice espagnole et a annoncé sa décision de faire appel, assurant que le « bien-être » de ses salariés était sa priorité. La loi espagnole « stipule clairement que pour que ce type de maladies soient considérées comme des maladies professionnelles, elles doivent résulter exclusivement […] de ce travail », a poursuivi l’entreprise qui estime que ce n’était pas le cas dans cette affaire.