point de vueYaya, Hamdi… Ils sont d’origine étrangère et jugent la loi immigration

Loi immigration : Ils sont éboueur, étudiant, commercial, et ils sont d’origine étrangère… Voici leurs regards

point de vueDe nouvelles manifestations sont prévues ce week-end contre la loi immigration, avant la décision du Conseil constitutionnel jeudi sur ce texte controversé
D'origine sénégalaise, Yaya est doctorant au département de sociologie de l’université Rennes 2.
D'origine sénégalaise, Yaya est doctorant au département de sociologie de l’université Rennes 2.  - C.Allain/20 Minutes / 20 Minutes
C. G., C. A., A. L. et J. B.

C. G., C. A., A. L. et J. B.

L'essentiel

  • A l’appel de personnalités ou d’élus, de nouvelles manifestations sont prévues ce week-end partout en France contre la loi immigration.
  • Elles interviennent alors que le Conseil constitutionnel se prononcera sur le texte, adopté dans la douleur mi-décembre au Parlement.
  • Qu’en pensent les principaux intéressés ? Nous avons demandé leur avis à Yaya, Hamdi et Ousmane.

Strasbourg, Marseille, Lyon, Rouen, Rennes, Paris… Comme la semaine dernière, de nombreux rassemblements sont prévus ce week-end un peu partout en France pour dire « non » à la loi immigration. Ils feront notamment écho aux appels lancés par plus de 200 personnalités - acteurs, écrivains, journalistes, syndicalistes… –, lesquelles dénoncent un « tournant dangereux de notre République », et par des élus. Le texte, adopté dans la douleur mi-décembre, restreint le versement des prestations sociales pour les étrangers. il instaure aussi des quotas migratoires, remet en question l’automaticité du droit du sol et durcit la situation des étudiants étrangers. Dès son adoption, le Conseil constitutionnel avait été saisi. Il se prononcera dans quelques jours, le jeudi 25. Mais en attendant cette étape majeure, qu’en pensent les principaux intéressés ?

Pour le savoir, 20 Minutes a interrogé Yaya, Hamdi et Ousmane. Ils sont doctorant, responsable commercial, éboueur. Et ils sont d’origine étrangère. Voici leurs regards.

Yaya, étudiant en sociologie

Doctorant au département de sociologie de l’université Rennes 2, Yaya est élu étudiant à l’Union pirate. Arrivé en France il y a deux ans et demi, il avait alors obtenu une bourse pour étudier un semestre à Rennes. « Je m’y sens bien et j’ai décidé de continuer, je suis actuellement en première année de thèse », confie-t-il. Son but : « acquérir une certaine expérience avant de retourner au Sénégal pour enseigner à l’université ».

  • Sur la caution demandée aux étudiants extracommunautaires :

« Cette loi immigration est contraire aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Comment peut-on demander une caution à certains ? Le président lui-même a dit que c’était une mauvaise idée. L’université est universelle, l’intégration doit être inclusive… On ne peut pas demander 7.000 euros à certains et 200 à d’autres ! C’est le pouvoir du porte-feuille, où est l’égalité ?

C’est déjà extrêmement compliqué de venir étudier en France. La France voulait attirer davantage d’étudiants étrangers, mais auront-ils envie de venir s’ils doivent payer plus que les autres ? Le risque, c’est qu’ils décident d’aller ailleurs ».

  • Sur le suivi du caractère « réel et sérieux des études » :

« Si on veut contrôler le caractère sérieux des études, il faut contrôler tout le monde, pas seulement les étrangers. Tous ceux que je connais sont très sérieux. Ils travaillent beaucoup parce qu’ils sont venus pour ça. Du début à la fin, cette loi crée des inégalités ».

Hamdi, responsable commercial

Responsable commercial à Paris, Hamdi, d’origine tunisienne, est arrivé en France en 2000 comme étudiant. Il s’est marié deux ans plus tard avec une Française. « Si j’avais rencontré ma femme maintenant, avec cette loi immigration, je n’aurais sans doute jamais pu rester. Et on serait passé à côté de notre belle histoire d’amour », nous dit-il. Il a obtenu la nationalité un an après cette union.

  • Sur les régularisations des travailleurs sans papiers au cas par cas :

« L’accès de l’emploi est difficile pour un Français lambda, alors pour un étranger qui n’a aucune connaissance des méthodes de recherche et qui ne bénéficiera peut-être pas de l’appui d’une association, ça sera difficile de remplir les conditions requises *. D’autant que les étrangers sont davantage victimes de discrimination à l’embauche ».

  • Sur le droit du sol et la fin de la nationalité française automatique à 18 ans ** :

« Un enfant né en France de parents étrangers se sent davantage Français s’il obtient directement la nationalité. Là, il devra attendre d’avoir 16 ans pour demander lui-même. Il risque d’être confronté à un problème identitaire, surtout à l’adolescence. Personnellement, je me suis senti mieux quand je suis devenu Français. Tous mes complexes d’immigrés sont partis à ce moment-là.

De manière générale, si un étranger obtient une carte de séjour, il faut faciliter ses démarches. Car plus vite il se sentira Français, plus vite il deviendra un bon citoyen français. »

  • Sur la caution demandée aux étudiants extracommunautaires :

« Le fait d’ajouter des barrières financières fera que seuls les étudiants issus de familles aisées pourront venir en France ».

Ousmane, éboueur

Père de quatre enfants, Ousmane travaillait auparavant dans le secteur du BTP. Il est désormais éboueur. Ancien travailleur sans papiers, il a été régularisé en 2011.

  • Sur les régularisations des travailleurs sans papiers

« J’ai fait la grève des travailleurs sans papiers en 2008-2009. Grâce à elle, il y a eu la circulaire Valls, qui a réduit à trois ans de présence (la condition pour être régularisé par le travail). Il fallait aussi avoir travaillé 8 mois sur les deux dernières années mais maintenant, ils vont demander 12 mois.

Ça nous met à la merci des patrons encore plus longtemps. S’il te demande de commencer à 6 heures du matin et que tu dis non, il va te faire la misère quand tu demanderas à justifier ton travail. J’ai connu des gens dont le titre de séjour était bloqué pendant 6 à 8 mois. Cette loi, ça n’arrange pas du tout la situation des travailleurs sans papiers ».

  • Sur le droit du sol

« Les enfants nés sur le sol français ne seront plus automatiquement Français. Mais que se passera-t-il si le pays d’origine ne te reconnaît pas ? »

* Le texte prévoit notamment, pour les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, la délivrance d’un titre de séjour d’un an à condition d’avoir résidé en France pendant au moins trois ans et exercé une activité salariée durant au moins 12 mois sur les 24 derniers.

** La loi instaure la fin de l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers. Il faudra désormais que la personne en fasse la demande entre ses 16 et 18 ans.