money moneyDes athlètes obligés d’ouvrir des cagnottes pour payer leur prépa olympique

JO de Paris 2024 : En galère, des athlètes obligés d’ouvrir des cagnottes pour financer leur préparation olympique

money moneyPar manque de soutien financier, de nombreux athlètes sont obligés de demander de l’argent pour préparer au mieux leur saison olympique
Dorian Lairi, champion de France de saut en hauteur
Dorian Lairi, champion de France de saut en hauteur - STADION-ACTU/J.L JUVIN/SIPA / Sipa
Antoine Huot de Saint Albin

Antoine Huot de Saint Albin

L'essentiel

  • A six mois du début des Jeux olympiques de Paris, de nombreux athlètes se retrouvent dans l’obligation d’ouvrir des cagnottes pour financer leur préparation.
  • Pour être à 100 % focalisés sur leur préparation olympique, ces athlètes doivent délaisser leur travail ou leurs études, et se retrouvent donc en galère financièrement.
  • Pour eux, cela montre le décalage qu’il y a entre les moyens alloués, notamment dans l’athlétisme, et les exigences de résultats formulées par le président ou la ministre des Sports

Imaginez devoir grimper l’Everest en petites chaussures de ville, avec juste un pull sur les épaules. Vous n’iriez pas bien loin, à peine quelques mètres, avant de faire demi-tour et rentrer tranquillement en France les mains dans les poches, en vous demandant ce qui a bien pu se passer. Non, escalader le plus haut sommet du monde se prépare avec un équipement de qualité, en plus d’un entraînement intensif. Un peu comme les Jeux olympiques. Comment voulez-vous préparer le rendez-vous d’une vie, à Paris, si on ne vous en donne pas les moyens ?

C’est la situation vécue, en France, par plusieurs sportives et sportifs de très haut niveau qui, à six mois des Jeux, se doivent de trouver des ressources financières pour préparer au mieux cet événement. Alors, quand les partenaires, les fédérations, les équipementiers ne peuvent subvenir aux besoins nécessaires, ils se retrouvent dans l’obligation de lancer des cagnottes en ligne. « C’était vraiment la dernière option, j’étais obligé d’en arriver là, témoigne Dorian Lairi. Mais c’est toujours délicat de demander de l’argent à des inconnus. »

Un problème de légitimité

Le champion de France de saut en hauteur n’est malheureusement pas le seul à avoir dû passer par là. Même des noms ronflants de l’athlé français, comme Dimitri Bascou (médaillé de bronze aux JO de Rio en 2016 sur 110 m haies) ou Alexandra Tavernier (4e aux JO de Tokyo en 2021 au lancer du marteau) ont dû se résoudre à passer par là, dans le but de préparer au mieux les Jeux olympiques. « La question de la légitimité est omniprésente, et encore aujourd’hui, parce que mon objectif n’est pas de gagner les Jeux, c’est d’y participer, de me qualifier, ce qui est déjà énorme », assure l’heptathlonienne Elisa Pineau.

Pour se donner les moyens de rêver, Elisa Pineau a mis de côté pendant un an ses études de masso-kinésithérapie et son travail à temps partiel. Sounkamba Sylla (400 mètres), grâce à son comité de soutien qui a créé la cagnotte, a trouvé un accord avec son employeur pour être focus à 100 % sur les Jeux. Dorian Lairi, lui, a décidé de déléguer sa petite entreprise de photo et vidéo, « qui lui permettait de remplir le frigo », à son meilleur ami. Alors, pour financer les stages, notamment à l’étranger, les déplacements sur les compétitions, l’hébergement, le matériel, la nourriture… Créer une cagnotte était devenu indispensable.

« Le budget qu’il lui manquait par rapport à ce qu’elle a aujourd’hui est de 20.000 euros, explique Véronique Pieux, secrétaire du Laval Agglo Athlé 53, membre du comité de soutien de Sounkamba Sylla. Cette cagnotte, c’est surtout pour essayer de glaner des partenaires privés, et c’était l’orientation voulue par Sounkamba, plutôt que les particuliers. » Mais, vu la conjoncture actuelle, les petites et moyennes entreprises ne se pressent pas pour venir sponsoriser un athlète, et peinent à comprendre qu’on puisse communiquer par le sport.

« On se débrouille seul »

Alors, démarcher des entreprises prend du temps et de l’énergie mentale, au point de vite décourager si on ne trouve pas preneur. Et les clubs ne peuvent pas aider outre mesure leurs athlètes. « Aujourd’hui, c’est difficile de prendre en charge le coût d’une saison d’un athlète de ce niveau-là, qui a pour objectif de disputer les JO, indique Leo Nocaudie, du club d’Annecy [qui a lancé une cagnotte pour ses athlètes], où est licenciée notamment Alexandra Tavernier. On parle de stages, d’entraînements, d’équipements… On a compris qu’il fallait qu’on se débrouille seul. On prend des dispositions pour essayer d’accompagner les athlètes, mais le fond du problème est à voir avec les personnes à la tête de ce système. »

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La Fédération française d’athlétisme, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, aide bien ses athlètes, dans un système à trois cercles, mais ceux-ci sont très sélectifs. Certaines régions ou départements peuvent également aider des sportifs, comme l’Ain, qui a octroyé une bourse individuelle destinée aux sportifs engagés dans la sélection nationale pour participer aux JO. Enfin, des aides peuvent aussi être perçues via l’Agence nationale du sport, mais elles concernent un nombre réduit d’athlètes, les plus performants.

Et l’après JO de Paris ?

Tous les athlètes contactés déplorent, en tout cas, un réel décalage entre les moyens alloués, notamment dans l’athlétisme, et les exigences de résultats formulées par le président ou la ministre des Sports, qui visent un top 5 aux médailles aux Jeux olympiques de Paris (avec 16 ou 17 médailles d’or). Et tous font une comparaison avec les Jeux de Londres, qui avaient permis aux athlètes britanniques de franchir un cap.

« A Londres, en 2012, le Royaume Uni a eu énormément de médailles [65 médailles dont 29 en or], alors que quatre ans avant, ils en avaient beaucoup moins [30 médailles dont 9 en or], développe Elisa Pineau. Le Royaume-Uni a mis énormément d’argent, mais pas seulement un an avant leurs Jeux. Quand je vois mes concurrentes anglaises, elles ont accès à des installations incroyables, des moyens de récupération, des médecins… Toute leur vie d’athlète est beaucoup plus évidente, elles sont focus sur l’entraînement, et c’est un confort que j’aurais aimé avoir. » »

« Les politiques en place me font rire, conclut Dorian Lairi. La première chose qu’ils font, c’est remettre la faute sur les athlètes, alors que tous les athlètes sont à 200 %, tout le monde veut réussir, mais tout n’est pas fait pour qu’on réussisse. Avec le recul, en voyant le peu de moyens investis pour les sportifs alors qu’il y avait une échéance comme les JO à domicile, je me demande comment ça va se passer pour l’après. » Spoiler : pas super bien.

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