États-UnisC’est quoi cette technique d’exécution par inhalation d’azote en Alabama ?

Peine de mort en Alabama : C’est quoi cette nouvelle technique à base d’inhalation d’azote vue comme une « torture » ?

États-UnisEugene Smith, un détenu américain de 58 ans, doit être exécuté ce jeudi en Alabama. Il s’agit de la première mise à mort par hypoxie à l’azote aux Etats-Unis
Etats-Unis : C’est quoi cette technique d’exécution par inhalation d’azote en Alabama ?
Lise Abou Mansour

L.A.

L'essentiel

  • Une nouvelle méthode d’exécution - l’hypoxie à l’azote - doit être utilisée ce jeudi en Alabama pour tuer Kenneth Eugene Smith, un détenu américain de 58 ans.
  • Cette technique de mise à mort consiste à placer un masque sur le visage du condamné afin de lui faire respirer uniquement de l’azote, le privant ainsi d’oxygène dans le sang. La personne, asphyxiée, devient alors inconsciente dans les huit à dix secondes et finit par décéder dans les minutes qui suivent.
  • Plusieurs associations s’insurgent contre cette technique de mise à mort, qui n’aurait pas été suffisamment testée.

De la « torture ». La nouvelle méthode d’exécution qui doit être utilisée ce jeudi pour tuer Kenneth Eugene Smith, un détenu américain de 58 ans, fait polémique. Cette mise à mort par hypoxie à l’azote sera effectuée en Alabama, l’un des 26 États américains dans lesquels la peine de mort est encore appliquée. Il s’agit de la première exécution par hypoxie à l’azote dans le pays, bien qu’elle soit également autorisée dans l’Oklahoma et le Mississippi. Jusqu’à ce jeudi, la méthode était surtout utilisée pour l’abattage d’animaux.

Cette technique d’exécution, légalisée en 2018 par l’Alabama, consiste à placer un masque sur le visage du condamné et à le sceller autour de son nez et de sa bouche. Le but est de lui faire respirer uniquement de l’azote, le privant ainsi d’oxygène dans le sang. La personne, asphyxiée, devient alors inconsciente dans les huit à dix secondes et finit par décéder dans les minutes qui suivent. Selon l’agence AP, l’azote serait administré pendant au moins cinq minutes. Si l’électrocardiogramme n’est pas plat à ce moment-là, le processus se poursuit durant dix minutes.

Un risque de sensation d’étouffement

Plusieurs associations s’insurgent contre cette technique, qui n’aurait pas été suffisamment testée. Quatre rapporteurs de l’ONU s’inquiètent ainsi des « graves souffrances que l’exécution pourrait causer ». Ils affirment qu’il n’existe « aucune preuve scientifique » du contraire. « Nous craignons que l’hypoxie à l’azote n’entraîne une mort douloureuse et humiliante ».

Selon un professeur adjoint d’anesthésiologie à la Harvard Medical School, Robert Jason Yong, l’hypoxie à l’azote pouvait provoquer des nausées et créer un risque d’étouffement avec des vomissements, comme le rapporte le média britannique BBC. Le docteur a aussi estimé qu’il était possible que la méthode provoque une sensation d’étouffement. Cela « pourrait constituer de la torture ou d’autres traitements cruels ou dégradants au regard du droit international », craint de son côté Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l'homme.

Le protocole d’exécution par hypoxie à l’azote de l’Alabama ne prévoit pas de sédation, selon la porte-parole de l’ONU. Pourtant, l’Association américaine vétérinaire (AVMA) recommande d’administrer un sédatif aux animaux, même de grande taille, lorsqu’ils sont euthanasiés de cette façon.

Une diminution du nombre d’injections létales

Si l’État américain de l’Alabama a choisi d’exécuter désormais ses condamnés à mort par inhalation forcée d’azote, c’est en raison « de grandes difficultés à se procurer des substances pour les injections létales », avait expliqué Mike Hunter, le procureur général de cet État du Sud conservateur. Trois substances chimiques sont injectées en dose mortelle dans ce type d’exécution, selon Amnesty International : du thiopental de sodium, destiné à endormir rapidement le condamné ; du bromure de pancuronium, qui paralyse les muscles et provoque un arrêt respiratoire ; et du chlorure de potassium, qui provoque un arrêt cardiaque. Cette pénurie, qui dure depuis des années, s’explique par le refus des firmes pharmaceutiques - pour la plupart européennes - d’approvisionner en produits mortels les prisons américaines.

Tous les Etats américains privilégient aujourd’hui comme méthode d’exécution l’injection létale, bien qu’il en existe d’autres, comme la chambre à gaz ou l’électrocution. L’ONU a demandé aux autorités de l’Alabama de suspendre l’exécution de Kenneth Eugene Smith, condamné pour l’assassinat d’une femme en 1988.