animauxA l’abattoir de Mauléon, « on paye encore la vidéo de L214 huit ans après »

Abattoir de Mauléon : « Huit ans après, on paye encore la vidéo de L214 »

animauxLe président du conseil d’administration de l’abattoir de Mauléon (Pays basque), structure qui avait défrayé la chronique en 2016 après une vidéo de L214, vient de démissionner en raison d’un conflit larvé avec les services vétérinaires
L'abattoir de Mauléon-Licharre traite 3.500 tonnes de viande par an pour un chiffre d'affaires de 2,7 millions d'euros. Illustration.
L'abattoir de Mauléon-Licharre traite 3.500 tonnes de viande par an pour un chiffre d'affaires de 2,7 millions d'euros. Illustration. - CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • L’abattoir de Mauléon au Pays basque fait face à une démission collective des six membres de son conseil d’administration.
  • Son président dénonce un conflit larvé avec les services de la Direction départementale de la protection des populations, notamment en raison « de cette histoire de vidéo de L214 que l’on paye encore ».
  • Le préfet des Pyrénées-Atlantiques « réaffirme le rôle irremplaçable joué par l’abattoir de Mauléon-Licharre pour la filière ovine et bovine de notre département » mais estime qu’il lui reste des progrès à effectuer.

L’abattoir de Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques) à nouveau secoué par une crise, en pleines manifestations des agriculteurs. La structure qui avait défrayé la chronique en 2016 après la diffusion de vidéos, choquantes, tournées par l’association L214 et montrant des animaux mal étourdis avant d’être abattus, des moutons saignés encore conscients, fait aujourd’hui face à une démission collective des six membres de son conseil d’administration, a révélé France Bleu Pays basque.

Ces démissions présentées le 25 janvier, surviennent dans le cadre d’un conflit larvé avec la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), qui se serait installé au fil du temps. Il a atteint son paroxysme le 22 décembre, lorsque la DDPP a soumis au préfet une proposition de déclassement de l’abattoir du Pays de Soule.

« Nous avons très vite constaté que la situation était compliquée depuis l’affaire L214 »

Pour le conseil d’administration, présidé par Jean-Michel Arrayet, par ailleurs maire de la petite commune d’Ordiarp, c’était la goutte de trop. « Huit ans après, on paye encore cette histoire de vidéo de L214 » dénonce, désabusé, Jean-Michel Arrayet auprès de 20 Minutes. « Lorsque nous sommes arrivés au conseil d’administration en 2020, nous avons très vite constaté que la situation était compliquée depuis l’affaire L214, les rapports avec les services vétérinaires étaient difficiles, et cela s’est encore accentué en 2023 », poursuit l’élu. « Nous, nous considérons que la dette a été payée, qu’il faut désormais tourner la page, d’autant plus que nous avons fait beaucoup pour moderniser l’outil et nous adapter à ce que l’on nous demandait. » C’est ainsi qu’en 2023 « nous avons déboursé 250.000 euros rien que pour la mise en conformité, c’est énorme. »

Que s’est-il passé exactement ? Un audit réalisé au sein de l’abattoir, à la demande de la préfecture, s’est conclu le 10 décembre par « les félicitations des autorités pour le travail entrepris dans l’établissement » assure Jean-Michel Arrayet. Pourtant, le 22 décembre, le rapport de DDPP préconise un déclassement de l’abattoir, ce qui pourrait avoir pour conséquence la perte de certains clients. « On n’y comprend plus rien » lâche le président du conseil d’administration.

La DDPP a souligné une non-conformité sur trois aspects. « Sur l’étourdissement des agneaux on nous reproche qu’il y a encore des "reprises de conscience". Mais nous avons investi 30.000 euros dans une pince trois points, ce qui se fait de mieux en France, et nous avions même reçu les félicitations après avoir installé cette machine ! Ensuite, il a été pointé un problème de température au niveau des carcasses, que l’on ne pouvait pas mélanger avec les abats, nous avons donc proposé de séparer les deux, solution qui avait manifestement convaincu. Enfin, on nous reproche des dépassements horaires de salariés par rapport au planning, qui sont en réalité à la marge, et que l’on retrouve dans d’autres établissements. »

« De premiers progrès ont été enregistrés, mais le travail doit être poursuivi » dit la préfecture

Jean-Michel Arrayet pointe aussi un « problème de dialogue avec une "préposée" vétérinaire, qui dure depuis des années, et qui a été remonté au préfet. » Certains évoquent même une « trop grande pression » qui serait « quasiment du harcèlement. » Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a réagi, et « dénonce fermement ces propos, qui mettent gravement en cause le professionnalisme du service vétérinaire de la DDPP, et en particulier de l’agent chargé du suivi de la structure de Mauléon. »

Le préfet « réaffirme » néanmoins « le rôle irremplaçable joué par l’abattoir de Mauléon-Licharre pour la filière ovine et bovine de notre département. » C’est pour cette raison « qu’un processus spécifique d’accompagnement de la structure a été mis en place, à l’initiative de l’État, afin de lui permettre de se conformer pleinement à la réglementation précise qui s’applique aux abattoirs. » C’est ainsi que « pendant trois mois, cet automne, des spécialistes de la filière de l’élevage et du ministère de l’agriculture se sont mobilisés pour conseiller l’abattoir dans ses démarches de mise en conformité ; ils ont dressé un plan d’actions concrètes, partagé et validé par l’ensemble des acteurs. A ce jour, de premiers progrès ont été enregistrés, mais le travail doit être poursuivi. »

Pour le moment, le déclassement, décision qui reviendra in fine au préfet, n’a pas été évoqué. La démission du conseil d’administration, quant à elle, n’empêche pas l’abattoir et ses 35 salariés de fonctionner. Le quotidien de l’établissement, qui traite 3.500 tonnes de viande par an pour un chiffre d’affaires de 2,7 millions d’euros, n’est donc pour le moment pas bouleversé. « Mais il faudra un vote des élus de la communauté d’agglomération du Pays basque pour désigner de nouveaux dirigeants, car ce sont eux qui décident des investissements notamment » souligne Jean-Michel Arrayet.

Pour rappel, le tribunal correctionnel de Pau avait condamné en 2018, à l’issue d’un procès très médiatisé, l’ancien directeur de l’abattoir de Licharre-Mauléon à six mois de prison avec sursis pour « tromperie sur marchandises », presque 14.000 euros d’amende pour le même chef ainsi que des « mauvais traitements aux animaux », tandis que trois salariés avaient écopé d’amendes allant de 80 à 910 euros.