défenseL’Armée de l’air vise « 185 avions de combat Rafale d’ici à 2030 »

Armée de l’air : « Notre objectif est d’atteindre 185 avions de combat Rafale d’ici à 2030 »

défense« 20 Minutes » a balayé avec le général Laurent Lherbette, nouveau commandant territorial de l’Armée de l’air, et le général Laurent Charrier, général adjoint « Défense Sécurité », les grands enjeux qui attendent les bases aériennes françaises
Le Rafale peut emporter jusqu'à 6,7 tonnes de carburant grâce à des bidons supplémentaires accrochés sous l'appareil, et voler 3h15 sans ravitaillement.
Le Rafale peut emporter jusqu'à 6,7 tonnes de carburant grâce à des bidons supplémentaires accrochés sous l'appareil, et voler 3h15 sans ravitaillement. - Mickaël Bosredon/20 Minutes / 20 Minutes
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • «Nous possédons une centaine de Rafale et un peu moins de 100 Mirage 2000, résume le général Laurent Lherbette. L’objectif de l’Armée de l’air est d’atteindre 185 avions de combat de type Rafale d’ici à 2030. » Pour les accueillir, un nouvel escadron Rafale sera notamment créé à Orange (Vaucluse) « d’ici à la fin de l’année 2024. »
  • L’Armée de l’air participe à des exercices militaires qui montent en puissance depuis deux ans. « Nous sommes sur un changement d’échelle qui fait partie du signal stratégique : avant, nous faisions des entraînements pour monter notre niveau ; désormais, c’est aussi un acte dissuasif. »
  • Parmi les menaces contre les bases françaises, les drones sont surveillés de près. « C’est la menace susceptible d’évoluer le plus rapidement », annonce le général Laurent Charrier.

C’était il y a près de deux ans. Le 24 février 2022, jour de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. « Six heures après la demande de l’Otan, nos avions étaient à la frontière avec l’Ukraine, rappelle le général de corps aérien (GCA) Laurent Lherbette. C’est bien la preuve que l’Armée de l’air et de l’espace (AAE) est une armée de réactivité. Mais tout va de plus en plus vite, la prise en compte des aléas dans le monde doit se faire quasiment dans les 24 heures, et nous avons besoin d’être encore plus rapides dans nos prises de décision. »

Un constat qui a amené l’Armée de l’air à réorganiser tout récemment sa chaîne de commandement. Le général Laurent Lherbette a ainsi pris la tête du nouveau Commandement territorial de l’Armée de l’air et de l’espace (CTAAE) , installé à Bordeaux. « Un commandement de mise en œuvre qui fait le lien entre les décisions et leur application sur le terrain avec les bases aériennes », résume le général.

Après avoir vu pendant vingt ans son nombre de bases, d’avions, et ses effectifs diminuer, aujourd’hui, « les choses sont en train de bouger. » « Avec la guerre en Ukraine qui dure, nous avons changé de paradigme, analyse le général. Les armées ont été dotées de 413 milliards d’euros lors de la dernière loi de programmation militaire 2024-2030, cela faisait bien longtemps qu’elles n’avaient pas obtenu une telle enveloppe. Il y a une volonté de remonter nos stocks, de faire le nécessaire pour que cet outil [les bases] puisse être utilisé à 150 % de ses capacités. » Réception de nouveaux Rafale, projections à l’étranger, exercices militaires de plus en plus imposants… 20 Minutes a balayé avec le général Laurent Lherbette, et le général Laurent Charrier, général adjoint « Défense Sécurité », les grands enjeux qui attendent les 25 bases aériennes situées en métropole, dont 19 dépendent du nouveau CTAAE.

Intégrer de nouveaux chasseurs Rafale

La commande de 42 Rafale de l’Etat français au profit de l’Armée de l’air pour 5 milliards d’euros, annoncée le 12 janvier, n’est pas passée inaperçue. Elle fait suite à une commande début 2021 de 12 Rafale au standard F4, destinés à remplacer ceux cédés d’occasion à la Grèce.

Le général Laurent Lherbette, nouveau commandant territorial de l’Armée de l’air, à la BA106 de Mérignac, près de Bordeaux.
Le général Laurent Lherbette, nouveau commandant territorial de l’Armée de l’air, à la BA106 de Mérignac, près de Bordeaux. - Mickaël Bosredon

« Nous possédons une centaine de Rafale et un peu moins de Mirage 2000 [94 selon les chiffres de l'AAE], ce n’est pas tant que cela, estime le général Lherbette. L’objectif de l’Armée de l’air est d’atteindre 185 avions de combat de type Rafale d’ici à 2030, auxquels il faut ajouter la quarantaine de Rafale de l’aéronavale. Petit à petit, nous allons donc remplacer les Mirage 2000 par des Rafale de nouvelle génération, que nous avons commencé à réceptionner en 2023. » Pour accueillir ces appareils, un nouvel escadron Rafale sera créé à Orange (Vaucluse) « d’ici à la fin de l’année 2024. » Il viendra compléter les trois escadrons de chasse de Mont-de-Marsan (Landes), où une quarantaine de Rafale sont positionnés à la BA 118, et les trois escadrons de la BA 113 de Saint-Dizier (Haute-Marne), où se trouvent notamment les deux escadrons de dissuasion nucléaire composant les Forces aériennes stratégiques.

Participer à des exercices de plus en plus importants

90.000 soldats, 80 avions et 1.100 véhicules de combat… L’Otan a annoncé le 18 janvier le lancement ces jours-ci d’un vaste exercice militaire, baptisé « Steadfast Defender » ( « Défenseur inébranlable »), le plus important « depuis des décennies ». « L’Otan devait renouer avec ce genre d’exercice, car cela faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas fait, ni démontré cette capacité de défense commune, analyse le général Laurent Lherbette. La France prendra sa part, nos bases seront au rendez-vous, comme elles l’ont été en 2023 pour l’exercice Orion. Cela faisait vingt-cinq ans que nous n’avions pas réalisé un exercice avec autant de personnels déployés. C’est un changement d’échelle qui fait partie du signal stratégique : avant, nous faisions des entraînements pour monter notre niveau, désormais, c’est aussi un acte dissuasif. La crédibilité de votre outil militaire dépend de sa capacité à dissuader votre adversaire de venir vous chercher. »

Les bases françaises se projettent également de plus en plus à l’étranger pour réaliser plusieurs types de missions. « Nous avons identifié, à l’échelle de l’Otan, des bases qui seraient en mesure de recevoir de petits détachements français, rapides et très mobiles, avec une empreinte logistique la plus taillée possible. »

Renforcer la défense des bases aériennes

Général adjoint « Défense Sécurité », le général de brigade aérienne Laurent Charrier est chargé d’assurer la défense des bases aériennes françaises. « Je dois m’assurer que chacune a le dispositif qui convient face à la menace qui s’exerce sur elle, résume-t-il. Il y a vingt ans, nous bénéficiions des dividendes de la paix et étions encore sereins, puis il y a eu 2015 et les attentats terroristes, et nous avons redécouverts ce qu’était cette menace terroriste sur le territoire national, et que la défense-sécurité était un vrai impératif pour nos installations militaires. »

Parmi ces menaces protéiformes, les drones sont surveillés de près. « Même si elle n’est pas la plus dangereuse actuellement, pour moi, c’est la menace susceptible d’évoluer le plus rapidement » analyse le général Laurent Charrier. « Avec la multiplication des drones que l’on peut acheter dans le commerce, nous connaissons effectivement un certain nombre de survols de nos bases. Même s’il s’agit, dans la grande majorité des cas, de personnes qui ne savent pas qu’elles ne doivent pas être là. » S’il convient donc « de ne pas exagérer cette menace », un ensemble de mesures de lutte contre les drones est désormais intégré. Il y a bien entendu les fusils brouilleurs de drones, « mais aussi des moyens plus complexes permettant de disposer d’un périmètre de détection et de rayons d’action plus étendus, notamment lorsqu’on opère des "dispositifs particuliers de sûreté aérienne." » Il s’agit de « bulles de protection » temporaires mises en place à l’occasion d’événements particuliers, ce qui sera le cas lors des prochains JO de Paris cet été.

Assurer la police du ciel

La mission de police du ciel (assurée par le Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes, CDAOA) est l’une des « postures permanentes » de l’Armée de l’air. « Tous nos escadrons, sauf les Mirage 2000-D, concourent à cette mission H24, explique le général Laurent Lherbette. Il s’agit d’aller secourir un petit avion de tourisme en difficulté, ou d’effectuer une vérification lorsqu’un appareil ne répond plus à la radio et quitte son plan de vol… » Le 13 janvier par exemple, un bimoteur qui effectuait un vol au-dessus de La Rochelle constate une panne de son train d’atterrissage. Après avoir donné l’alerte, un premier Rafale de Mont-de-Marsan décolle « pour effectuer une identification et lever le doute », avant d’être rejoint par un second chasseur, qui effectue une mission d’assistance en vol et accompagne l’appareil. Ce dernier a finalement réussi à se poser, sans train d’atterrissage et sans encombre, à Rochefort.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Des hélicoptères, « équipés avec des tireurs de précision et une capacité d’échanger visuellement avec les petits avions de tourisme » participent aussi à la police du ciel. Près de 900 décollages ont eu lieu en 2023 dans ce cadre.

Diminuer l’empreinte carbone

Quand on sait qu’un Rafale embarque entre 4,7 tonnes et 6,7 tonnes de carburant, que son autonomie (sans ravitaillement) peut aller jusqu’à 3h15 maximum, et que l’heure de vol coûte environ 20.000 euros, on ne peut pas dire qu’il rime avec écologie. Pourtant, « nous sommes nous aussi confrontés à des enjeux de réduction de consommation de carburant » assure le général Laurent Lherbette.

« On ne peut pas faire moins consommer le Rafale, et il ne va pas devenir électrique du jour au lendemain, mais on peut le faire consommer différemment, en rajoutant notamment jusqu’à 20 à 25 % d’additif bio. » Pas plus, « pour ne pas réduire ses capacités opérationnelles. » En revanche, pas question - surtout dans le contexte international actuel - de réduire son activité. « Les équipages ont besoin de maîtriser cette bête de combat dans son environnement, insiste le général Lherbette. Si on réduit notre activité, il y aura forcément des effets sur le niveau opérationnel de nos équipages. »

L’Armée de l’air souligne par ailleurs avoir « diminué par quatre la consommation » de ses avions de formation, en remplaçant ses vieux alphajet par des turbopropulseurs Pilatus PC21. « La simulation concourt également à la formation des pilotes sans consommer » pointe le général.