A QUI LE TOUR ?Contrôler l'identité pour jouer au Loto ou au PMU ? Les Lyonnais mitigés

Contrôler l'identité pour jouer au Loto ou au PMU ? Une « connerie », une « hypocrisie », selon des joueurs

A QUI LE TOUR ?L'Autorité nationale des jeux souhaite mettre fin à l’anonymat en points de vente pour mieux lutter contre l’addiction de jeux. Joueurs et revendeurs de Lyon sont mitigés sur cette stratégie
Pour jouer au Loto ou au PMU, les joueurs pourraient bientôt devoir montrer leur carte d'identité, sur le modèle de ce qui se fait dans les casinos (Illustration)
Pour jouer au Loto ou au PMU, les joueurs pourraient bientôt devoir montrer leur carte d'identité, sur le modèle de ce qui se fait dans les casinos (Illustration) - E. Martin / 20 Minutes / 20 Minutes
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Jeudi, l'Autorité nationale de jeux, autorité indépendante chargée de la régulation des jeux d'agrent, a dévoilé « son plan stratégique » pour 2024-2026, avec, comme priorité « s'attaquer à l’addiction au jeu ».
  • Elle réfléchit alors à un moyen de contrôler l'identité des joueurs, à l'image de ce qui peut se faire aujourd'hui pour les casinos, où il est nécessaire montrer une pièce d'identité pour entrer à l'intérieur.
  • 20 Minutes est allé à la rencontre des joueurs et des revendeurs de jeux à Lyon, pour leur demander leur avis. Pour certains, cette mesure pourrait leur « faire perdre des clients », d'autres estiment que ça n'arrêtera pas les personnes addictes, comme c'est le cas pour le tabac ou l'alcool.

L’annonce a été faite jeudi. Trois ans après sa mise en place, l’Autorité nationale de jeux (ANJ), une autorité administrative indépendante chargée de la régulation des jeux d’argent et paris autorisés, a dévoilé « son plan stratégique » pour 2024-2026 avec, comme priorité « s'attaquer à l’addiction au jeu ». Ainsi pour réduire le nombre de joueurs excessifs, qui seraient 400.000 en France et près d’1,5 million identifiés comme « à risque », l’ANJ aimerait mettre fin à l’anonymat en points de vente. A l’image de ce qu’il se fait pour rentrer dans les casinos, les parieurs se retrouveraient alors à sortir leur carte d’identité pour pouvoir miser au Loto ou au PMU.

« La seule chose que ça va changer, c’est qu’on va perdre des clients », râle Mousa, gérant d’un bureau de tabac dans le 7e arrondissement de Lyon. Avant de reprendre : « Il n’y a pas d’être pour ou contre. Mon métier c’est de vendre des jeux, du tabac et des paris. Si je ne le fais pas, je ne travaille pas. Je ne suis pas la police, je n’ai pas à gérer ça. Si le client est majeur et qu’il a de l’argent, il fait ce qu’il veut avec sa poche ! »

L’addiction aux jeux, « pire qu’une drogue »

A quelques mètres de là, Kim, qui gère un café-tabac PMU depuis cinq ans et demi, s’insurge : « Je ne vais pas demander à tout le monde ! Tout ce que cette mesure va faire, c’est créer un problème de plus. Et croyez-moi, on en a déjà assez ! » Il estime qu’il y a « vraiment beaucoup » de personnes dans sa clientèle qui participent aux paris de courses hippiques. « En début de mois, ils sont plus nombreux qu’en fin de mois », plaisante-t-il.

Bilal en fait partie. Cet homme de 28 ans, qui a commencé les jeux « depuis trois ou quatre ans », aimerait d’ailleurs arrêter. « Avant, je jouais par plaisir, dit-il. Maintenant, c’est par habitude. » Montrer sa pièce d’identité ? Pas un problème pour lui. « J'en connais qui vivent pour ça. Faut assister à un quinté pour comprendre. Ce n’est pas ça qui va arrêter les passionnés, confie-t-il. C’est vraiment pire qu’une drogue. Personnellement, je n’ai même pas envie de compter tout ce que j’ai déjà dépensé pour ça. Avec tout ce que j'ai donné, je nourris les chevaux moi ! Je travaille pour le PMU même ! »

« Ceux qui veulent vraiment jouer, trouveront un moyen de continuer »

A la terrasse d’un autre café du quartier, Kristof, 64 ans, est en pleine mise. Il remplit sa grille de la Française des jeux. Son truc à lui ? Les paris sportifs. « J’adore le football », sourit-il, un stylo dans une main, une cigarette dans l’autre. « Oui, c’est un vice, reconnaît-il. Mais c’est pour ça qu’on aime ça, n’est-ce pas ? ». Il assure jouer « raisonnablement », calculant chaque euro. Pour lui, aucune mesure ne pourra arrêter les joueurs addicts. « C’est une connerie. La meilleure façon de contrôler ces problèmes et de réduire ces addictions, c’est d’arrêter d’en vendre et de tout fermer. C’est pareil pour le tabac d’ailleurs ! », affirme-t-il en prenant une taffe.

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Fabrice, propriétaire d’un bureau de tabac sur les quais du Rhône depuis vingt-cinq ans, partage cet avis. Il y voit une sorte « d’hypocrisie ». « S’il n’y avait aucun profit de l’Etat derrière, peut-être que ces enjeux sociétaux de santé n’existeraient simplement pas, relève-t-il. En attendant, ceux qui veulent vraiment jouer, ils iront ailleurs et trouveront un moyen de continuer. Peut-être que des salles de jeux sauvages verront le jour… ». De son côté, il reste « pour davantage de contrôle ». Ce buraliste ne voit « aucun problème » à demander la pièce d’identité de ses clients. « On le fait déjà pour les mineurs », fait-il remarquer.