PseuDo-RageC’est quoi cette « maladie d’Aujeszky » qui inquiète les chasseurs ?

Pourquoi la « maladie d’Aujeszky », qui touche les sangliers, inquiète les chasseurs

PseuDo-RageDes cas ont été détectés dans plusieurs régions de France. Avec à chaque fois des chiens qui meurent après avoir été en contact avec des sangliers. Quelle est cette « maladie d’Aujeszky »… qui n’est pas dangereuse pour l’homme ?
Les chiens Sébastien Sarrau en plein battue.
Les chiens Sébastien Sarrau en plein battue. - SS / SS
Thibaut Gagnepain

Thibaut Gagnepain

L'essentiel

  • Plusieurs chasseurs ont récemment perdu des chiens de chasse à cause de la « maladie d'Aujeszky » contractée au contact de sangliers.
  • « C'est vraiment affreux », décrit l'un d'eux, Sébastien Sarrau, en repensant à la scène.
  • Ce chasseur du Gers espère que la communication autour de cette maladie permettra de trouver des solutions comme un vaccin totalement efficace, car il estime que le contact entre chiens et sangliers est inévitable pendant la chasse.

Sébastien Sarrau n’est pas retourné à la chasse depuis. « Et je sais déjà que je ne vais pas dormir pendant quatre jours si un de mes chiens touche un sanglier la prochaine fois », lance cet habitant de la petite commune de Montesquiou, dans le Gers. Le trentenaire sort d’un mois de décembre particulièrement pénible : il a vu mourir trois des huit membres de sa meute. Un de ses amis a connu le même sort avec cinq chiens perdus, toujours des « Bruno du Jura et Grand gascon ».

« On est préparé à les voir touchés sur un contact mais pas à les voir partir comme ça. C’est vraiment affreux », reprend le trentenaire en repensant à la scène. « Ils se grattent la gorge, la tête, ils deviennent tout rouge et gonflé. Ils se mutilent en cherchant à respirer car ils étouffent », détaille-t-il, lui qui ne savait alors pas ce qu’il se passait. La battue avait eu lieu quatre jours avant, sans qu’aucun signe précurseur ne soit ensuite visible. Puis le diagnostic est tombé chez le vétérinaire : « maladie d’Aujeszky », euthanasie.

Tous les chiens des deux « collègues de chasse » sont décédés à cause de cette pseudo-rage contractée après un contact avec un sanglier. Ils ne sont pas les seuls : des cas ont aussi été signalés ces dernières semaines en Essonne, Dordogne, Aube, Haute-Saône etc. Soit un peu partout sur le territoire. « Il y a quand même des endroits épargnés comme le Gard et l’Hérault. On ne sait pas trop pourquoi car ce sont des départements où il y a aussi beaucoup de sangliers », précise Eva Faure, vétérinaire à la Fédération nationale des chasseurs.

Elle le reconnaît bien volontiers : « il y a encore beaucoup de choses qu’on ne sait pas sur cette maladie » dont le virus avait été isolé au début du XXe siècle par un Hongrois qui lui a laissé son nom. « Mais on sait que l’homme n’est pas menacé. On n’en meurt pas, il n’y a pas de symptômes, il faut bien le dire », insiste la spécialiste. Non, les cibles sont à chercher du côté des porcs et donc des sangliers. Pour les élevages porcins, le problème « a été éradiqué grâce notamment à des campagnes de vaccination ». Sauf que ce type de mesures peut très difficilement être mené auprès des sangliers… Qui sont ensuite transmetteurs.

« La probabilité d’infection n’est pas énorme »

Comment ? « Cet herpès virus est latent et ressort à l’occasion d’un stress ou d’une baisse d’immunité, détaille Eva Faure. La probabilité d’infection n’est pas énorme mais existe lors d’un contact nez à nez ou à proximité des nerfs. Quand par exemple les chiens s’attaquent à la carcasse de l’animal. » C’est ce qui est arrivé pour la meute de Sébastien Sarrau.

« C’était en pleine battue et les chiens avaient attrapé un jeune sanglier de 15 kg. Il s’est passé moins de cinq minutes le temps qu’on arrive mais ils l’avaient mordu et ne lâchaient plus vu que c’était un petit… Ils l’ont quasi tué et c’est nous qui l’avons achevé », reprend le chasseur en reconnaissant avoir pensé à ce moment-là à la « maladie d’Aujeszky ». « Mais c’était difficile d’arriver plus rapidement avec les ronces et on a le plus vite possible écarté la meute. » Comme la semaine suivante, quand un autre de ses chiens a encore été le premier sur place. Quelques jours plus tard, il décédait des mêmes causes…

Un vaccin existe mais…

Depuis, le Gersois a décidé de ne pas reprendre son fusil tant que ses cinq chiens restant ne seront pas vaccinés. Car une solution existe : « l’auskipra ». « Il a été déposé pour les porcs et on n’a pas d’étude spécifique sur son efficacité », nuance la vétérinaire de la Fédération nationale, qui est justement en train d’en mener une. « Ce n’est pas fini. » Alors en attendant, la prévention compte. Un peu partout, le message est passé d’éviter au maximum les contacts entre sangliers et chiens et de ne pas donner à ses derniers de la viande des premiers.

Pas toujours avec succès. « Il faudrait plus de communication », plaide Sébastien Sarrau, qui reçoit justement de nombreux appels « des collègues de tout le département » depuis sa mésaventure. « C’est impossible qu’il n’y ait pas de contact alors plus on en parlera, plus on a des chances de trouver des solutions de vaccin », espère-t-il, encore traumatisé. « J’y pense tout le temps. »