flippantOui, on peut entendre des voix longtemps après avoir pris des champis

Oui, on peut entendre des voix des années après avoir pris des champignons hallucinogènes

flippantDans son dernier spectacle « O dedans », l’humoriste Roman Frayssinet confie qu’après avoir pris de la drogue, il a entendu des voix pendant près d’un an. Comment est-ce possible ? On a cherché à savoir
Les champignons qui murmuraient à l'oreille de la femme.
Les champignons qui murmuraient à l'oreille de la femme. - Yarphoto / Toms93 / Getty Images
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Dans son nouveau spectacle, l’humoriste Roman Frayssinet explique avoir entendu des voix pendant un an après avoir consommé des champignons hallucinogènes.
  • « C’est relativement rare mais suffisamment remarquable pour avoir été remonté assez tôt, dès les années 1960 », explique Philippe Batel, psychiatre addictologue.
  • « La terreur de ces patients, c’est la crainte de devenir fou, assure Jean-Michel Delile, psychiatre addictologue et président de Fédération Addiction. Le problème c’est que plus on est angoissé, plus les hallucinations vont s’amplifier. »

«A cause d’une prise de drogue, j’ai eu des voix dans ma tête pendant un an », confie Roman Frayssinet dans son nouveau spectacle « O dedans », visible depuis la semaine dernière sur la plateforme de replay My Canal. L’humoriste de 29 ans parle de son combat contre ses addictions et raconte avoir eu des hallucinations auditives longtemps après avoir pris des champignons hallucinogènes. Comment est-ce possible ? Nous avons posé la question à plusieurs addictologues.

« C’est relativement rare mais suffisamment remarquable pour avoir été remonté assez tôt, dès les années 1960 », explique Philippe Batel, psychiatre addictologue. Si ces phénomènes résultent le plus souvent d’une prise de LSD, le produit hallucinatoire le plus puissant, elles peuvent aussi survenir avec des champignons hallucinogènes, aussi appelées psilocybine, de l’ecstasy ou de la MDMA.

Des flash-back

Les cas remontés dans la littérature scientifique concernent surtout des hallucinations visuelles mais elles peuvent toucher les cinq sens. Une théière qui se met à nous parler, l'impression que notre main est en train de se dissoudre, par exemple. « Ce ne sont pas réellement des hallucinations mais plus une distorsion de la réalité, une anomalie dans la perception des sens », précise Philippe Batel.

Pour Hervé Martini, médecin addictologue et secrétaire général de l’association Addictions France, « il s’agit davantage de sorte de flash-back, qui arrivent un mois, six mois, un an, voire deux ans après la prise du produit ». La plupart du temps, la personne ressent le même type de troubles de la perception ou le même type d'hallucinations que lors de l'expérience initiatiale. Ces effets à long terme surviendraient surtout lorsque la prise a déclenché des hallucinations très importantes et angoissantes. Le fameux bad trip. « Il y a une sorte de phénomène traumatique qui peut se réveiller dans des contextes tendus, des grosses périodes de stress, un évènement de vie douloureux ou une émotion négative », précise Jean-Michel Delile, psychiatre addictologue et président de Fédération Addiction.

Davantage de risque chez les polyconsommateurs

Une première et unique prise peut provoquer des effets à longs termes. « On n’a pas fait de lien entre la fréquence ou l’importance de l’usage du produit et le fait d’avoir des flash-back », confirme Philippe Batel. En revanche, un lien a été établi avec le fait de prendre d’autres produits pouvant le déclencher, comme le cannabis. « Des personnes ayant pris à un moment du LSD et qui, après, fument un joint de temps en temps n’ont pas l’effet du joint mais du LSD », résume le médecin.

« Les personnes ayant déjà des pathologies psychiatriques ou consommant d’autres produits sont plus fragiles, poursuit Hervé Martini. Elles cumulent des facteurs de risque. » La question étant aussi de savoir si ces hallucinations ne sont pas révélatrices d’une pathologie psychiatrique, telle que la schizophrénie. « On sait aujourd’hui que c’est le cas avec le cannabis, dont la prise peut provoquer des schizophrénies, explique Philippe Batel. Mais il s’agit de schizophrènes qui prennent du cannabis et non l’inverse. Si on n’a pas la preuve que LSD peut déclencher des schizophrénies, je peux toutefois dire que le LSD ne rend pas schizophrène.

« Le LSD ne rend pas schizophrène »

Selon les médecins interrogés, le fait d’entendre des voix après avoir pris des champignons hallucinogènes est toutefois atypique et peut être évocateur d’une vulnérabilité psychotique, voire d’un trouble psychiatrique. « 10 % de la population générale a une vulnérabilité psychotique mais parmi elles, une bonne partie ne développera jamais la maladie », détaille le président de Fédération Addiction.

Si ces personnes prennent du LSD ou de la psilocybine, elles ont plus de risque d’avoir des hallucinations plus construites que les autres. « La prise de cette substance peut créer chez elles une crise aiguë, ajoute Jean-Michel Delile. Mais en les apaisant, en les soutenant, les épisodes peuvent finir par s’éteindre et ne pas déboucher vers un trouble psychiatrique. » « Peuvent » donc, mais pas toujours. La personne entendant des voix est donc encouragée à consulter un psychiatre pour déterminer s’il y a ou non une pathologie derrière.

Car cette situation n’est jamais simple. « La terreur de ces patients, c’est la crainte de devenir fou, assure le psychiatre. Le problème, c’est que plus on est angoissé, plus les hallucinations vont s’amplifier. » La solution : les rassurer, les soutenir, les dégager des éléments stressants et leur rappeler qu’a priori, cela ne signifie pas nécessairement qu’elles vont développer un trouble mental sévère. Les voix de Roman Frayssinet ont d’ailleurs disparu depuis une dizaine d’années.

Si vous ressentez des idées suicidaires ou êtes proche d’une personne qui en a, vous pouvez appeler le numéro national Souffrance et Prévention du Suicide au 31 14 (écoute professionnelle et confidentielle 24h/24 et 7j/7).

Si vous vous sentez mal et avez besoin de parler, n’hésitez pas à appeler au 09 72 39 40 50 l’association SOS Amitié (disponible 24h/24 et 7j/7).