enqueteFaux policiers, faux douaniers… « Encore trop de victimes » de vols par ruse

Faux policiers ou faux douaniers… Une victime de vols par ruse, « c’est toujours une victime de trop »

enqueteDes malfaiteurs se font passer pour des gendarmes ou des policiers afin de se faire ouvrir le domicile des victimes, qu’ils volent ensuite discrètement
Les voleurs, déguisés en policiers, entrent dans le domicile des victimes en prétendant venir arrêter celui qui est en réalité leur complice (illustration)
Les voleurs, déguisés en policiers, entrent dans le domicile des victimes en prétendant venir arrêter celui qui est en réalité leur complice (illustration) - J. Gicquel / 20 Minutes / 20 Minutes
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Faux plombiers, faux policiers ou faux gendarmes… Des malfaiteurs n’hésitent pas à se faire passer pour des professionnels afin de se faire ouvrir le domicile des victimes qui ont été mises en confiance. Ils en profitent ensuite pour leur dérober leurs objets de valeur.
  • Les victimes sont très souvent des personnes âges, isolées ou souffrant d’un handicap. Les auteurs agissent souvent en équipe et ciblent une ville ou un quartier. « Cela crée de l’émoi localement et donne la sensation que le phénomène augmente », explique à 20 Minutes la porte-parole de la gendarmerie nationale, la colonelle Marie-Laure Pezant.
  • Pourtant, le nombre d’infractions enregistrées par les forces de l’ordre ces dernières années est en baisse, tant en zone gendarmerie que sur le ressort de la préfecture de police de Paris.

La technique n’est pas nouvelle mais elle a fait ses preuves. Il n’est pas 13 heures, ce 24 janvier, lorsqu’un agent des eaux se présente au domicile d’un couple de personnes âgées à Mitry-Mory, en Seine-et-Marne. Les victimes, âgées de 79 et 82 ans, ouvrent la porte de leur pavillon afin que ce technicien puisse effectuer des vérifications. Quelques instants plus tard, deux policiers débarquent à leur tour. Les fonctionnaires expliquent que l’employé qu’elles ont laissé rentré est en réalité un voleur venu les cambrioler. Ils leur demandent de s’assurer qu’aucun objet de valeur n’a disparu depuis son arrivée.

Le couple l’ignore, mais il s’agit d’un trio de cambrioleurs qui, après avoir détourné leur attention, va leur dérober bijoux et argent liquide. Les victimes ne s’en rendront compte qu’après leur départ. Une enquête a été ouverte par le parquet, confiée au commissariat local.

La même méthode a été employée quelques jours plus tôt à Gressy, toujours en Seine-et-Marne. La victime, cette fois un homme de 85 ans, s’est fait voler le 10 janvier la somme de 820 euros, qu’il conservait dans son portefeuille. « Il s’agit souvent d’équipes de malfaiteurs qui commettent une série d’infractions de ce type en ciblant une ville ou un quartier. Cela crée de l’émoi localement et donne la sensation que le phénomène augmente », explique à 20 Minutes la porte-parole de la gendarmerie nationale, la colonelle Marie-Laure Pezant.

Des chiffres en baisse

Pourtant, le nombre de faits recensés par les gendarmes dans leur zone de compétence « reste assez stable depuis 2022, et a même tendance à baisser un peu. On dénombre environ chaque année 1.200 vols par ruse. »

Sur le ressort de la préfecture de police, les « vols avec entrée par ruse » sont également en forte baisse ces dernières années : Il y en a eu 1.904 en 2021, 1.528 en 2022 et 1.236 en 2023, soit une diminution de 35 % en deux ans, selon les derniers chiffres communiqués à 20 Minutes. Et les faits pour lesquels les auteurs usurpent la qualité de policiers sont en baisse de 24 % sur la même période. « Les chiffres sont très encourageants, ils montrent que le travail effectué par les policiers et la prévention fonctionnent », souligne Loubna Atta, la porte-parole de la préfecture de police.

« Mais une victime, c’est toujours une victime de trop, poursuit-elle. En général, leur profil est assez similaire : il s’agit de personnes dites vulnérables : des personnes âgées, isolées, ou souffrant d’un handicap, et qui sont considérées comme des cibles plus faciles à avoir par les malfaiteurs. »

Les auteurs sont rarement interpellés en flagrant délit. Le plus souvent, les forces de l’ordre sont prévenues après leur départ, quand les victimes découvrent qu’elles se sont fait avoir. « Les policiers se rendent à leur domicile pour effectuer des constatations, mais aussi pour prendre la plainte des victimes si nécessaire. Elles peuvent aussi prendre rendez-vous et se déplacer plus tard au commissariat, où elles seront accueillies dans les meilleures conditions », ajoute Loubna Atta.

« On constate aussi ce type de faits sur la voie publique »

Dans la capitale et dans les départements limitrophes, les investigations sont confiées aux services de la Dspap, « mais aussi à des services judiciaires de pointe : la BRI et la BRB s’intéressent aussi à ces faits », indique la porte-parole de la préfecture de police.

Investigations techniques, auditions de témoins… Les enquêteurs doivent réaliser un travail minutieux pour les identifier et remonter jusqu’aux auteurs. Et souvent, cela paie. En mai dernier, les gendarmes de la brigade de recherches de Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, ont interpellé plusieurs hommes suspectés de s’être fait passer pour… des gendarmes. Ils ont employé ce stratagème notamment pour voler, en janvier 2023, de l’argent à une personne âgée. L’exploitation des images de vidéosurveillance à permis aux enquêteurs de les retrouver. Lors d’une perquisition, ils ont découvert 2 kg de cocaïne.

« On constate aussi ce type de faits sur la voie publique », prévient la colonelle Marie-Laure Pezant. Elle cite l’exemple d’un homme qui a été arrêté en Haute-Garonne et qui se faisait passer pour un douanier. Il conduisait un véhicule blanc équipé d’un gyrophare, comme un vrai gabelou, contrôlait d’autres automobilistes. Il profitait de fouiller leur coffre afin de voler les objets qu’il contenait. Il avait notamment subtilisé la carte bleue d’une de ses victimes pour effectuer des paiements. « On a fini par retrouver cet individu qui, chez lui, avait tout l’arsenal du douanier : une réplique de pistolet, un holster, des gyrophares », détaille la porte-parole de la gendarmerie, qui appelle la population « à être très vigilante ».

Quelques conseils

Les forces de l’ordre rappellent quelques conseils utiles pour éviter de tomber dans le piège tendu par les malfaiteurs. « Quand quelqu’un se présente à la porte, il faut utiliser un entrebâilleur ou le judas pour échanger avec lui. Il faut aussi exiger qu’il présente une carte professionnelle ou un ordre de mission. En cas de refus ou de doute, il ne faut surtout pas le laisser rentrer dans son domicile », insiste Loubna Attal.

« On peut faire le 17 pour vérifier que cette personne est bien un gendarme ou un policier en mission. Mais il ne faut surtout pas appeler le numéro que cette personne pourrait vous donner. Rien n’empêcherait un de ses complices de répondre à l’appel », complète la colonelle Marie-Laure Pezant. Et la porte-parole de la gendarmerie de conclure : « Il ne faut jamais laisser entrer un inconnu, et encore moins lui montrer où se trouvent ses objets de valeur. Enfin, il est préférable de ne pas préciser sur sa boîte aux lettres qu’on habite seul(e). »