DécryptageQu’est-ce que « Rivarol », ce journal apparu sur scène à la « Star Academy » ?

« Star Academy » : Qu’est-ce que « Rivarol », ce journal d’extrême droite apparu sur la scène de la finale ?

DécryptageLe journal « Rivarol », apparu sur la scène de la finale de la « Star Academy », samedi, s’inscrit depuis des dizaines d’années dans une rhétorique d’extrême droite teintée d’antisémitisme et de négationnisme
Titraille de l'édition du 31/01/2024 de l'hebdomadaire « Rivarol ».
Titraille de l'édition du 31/01/2024 de l'hebdomadaire « Rivarol ». - Capture d'écran Rivarol / Rivarol
Achille Dupas

Achille Dupas

L'essentiel

  • La finale de la « Star Academy » diffusée sur TF1 samedi a fait l’objet d’une polémique après qu’un exemplaire du journal Rivarol est apparu à l’écran.
  • Le journal dont « le racisme et l’antisémitisme font partie du bagage dès sa fondation », comme l’explique l’historien des médias Patrick Eveno, défend des thèses à la droite la plus extrême de l’échiquier politique.
  • Jérôme Bourbon, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire, a été condamné à plusieurs reprises, notamment pour contestation de crime contre l’humanité et provocation à la haine envers les juifs.

Invité surprise encombrant lors de la finale de la « Star Academy » samedi soir, le journal Rivarol est au cœur d’une polémique après que des internautes ont remarqué sa présence dans les mains de figurants sur scène au cours de l’une des chansons interprétée par le finaliste Julien et Patrick Fiori.

Endemol, société de production du télécrochet, a présenté ses excuses dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, déclarant : « Nous regrettons et condamnons fermement qu’un journal de propagande, en totale opposition avec les valeurs de la Star Academy, soit apparu dans un tableau hier soir lors de la finale. »

Dans un récent édito (qui se réjouit de la remise en liberté du négationiste néonazi Vincent Reynouard), le journal déclare quant à lui : « Disons-le franchement, nous n’avons aucune information sur le sujet, nous sommes aussi surpris que tout un chacun. »

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Il semble que le journal en question ait en partie été flouté dans le replay de l’émission disponible sur le site de TF1.

Si la présence du journal sur scène a fait autant parler d’elle, c’est que l’hebdomadaire situé à l’extrême droite de l’échiquier politique est connu pour ses prises de position antisémites, négationnistes et xénophobes. « Politiquement on peut dire que c’est un journal qui est ouvertement xénophobe, négationniste, antisémite et complotiste », résume l’historienne et spécialiste de l’extrême droite Valérie Igounet.

Une orientation antisémite dès sa création

Le journal est créé en au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en 1951. Dès ses débuts, il adopte une ligne éditoriale à l’extrême droite et un penchant pour l’antisémitisme. « Après les amnisties des différents collaborateurs peuvent réapparaître des gens qui étaient des pétainistes convaincus et même des collaborateurs. […] Le racisme, l’antisémitisme, la défense de l’Europe blanche et chrétienne font partie du bagage de Rivarol dès sa fondation en 1951 », contextualise l’historien des médias Patrick Eveno.

Un constat partagé par Valérie Igounet. « On voit des noms comme François Brigneau, un des cofondateurs du FN au passé d’ancien milicien, François Dupras, qui est une figure tutélaire de l’histoire du négationnisme, Maurice Bardèche, un des premiers négationnistes français, et très vite d’autres auteurs négationnistes. »

Comme l’explique Patrick Eveno, le nom du journal vient quant à lui d’Antoine de Rivarol, polémiste connu pour ses positions anti-révolutionnaires. « A sa création, le journal est composé d’héritiers du vieil antisémitisme et racisme français et européen, avec, en plus, du négationnisme. » De son côté, le site Internet de Rivarol préfère quant à lui se décrire comme un journal « persécuté par la Justice pour son anticonformisme et son culte de la vérité ».

Un tournant encore plus marqué à droite avec Jérôme Bourbon

Avec l’arrivée de Fabrice Jérôme Bourbon (dit Jérôme Bourbon) en tant que directeur de la rédaction en 2010, Rivarol affirme encore davantage une radicalité dans son orientation à l’extrême droite. « En 2010, Jérôme Bourbon rachète le journal, beaucoup de gens s’en vont parce qu’il l’extrémise encore plus. Il trouve notamment Marine Le Pen trop molle, mais garde la sympathie de Jean-Marie Le Pen. »

C’est d’ailleurs ce journal que choisira le patriarche Le Pen pour donner un entretien où il tacle sa fille, qui en réaction s’opposera à sa candidature aux élections régionales en Provence-Alpes-Côtes-d’Azur. Jean-Marie Le Pen en profitait aussi pour réaffirmer sa sympathie pour Pétain, assurant ne l’avait « jamais considéré comme un traître ». Des propos en accord avec la ligne du journal.

« Jérôme Bourbon ne cache pas son négationnisme, appuie Valérie Igounet. Ce qui choque quand on parle de Rivarol, c’est que c’est un journal qui se glorifie quasiment d’être antisémite et négationniste. Jérôme Bourbon est un ancien du Front national, il assume totalement la ligne qu’il défend. » Pour Patrick Even, « sans dire que la Shoah n’a pas existé, il relativise. C’est ça le négationnisme : une relativisation systématique de la Shoah. »

Condamnations et suppression des aides à la presse

Les prises de position du journal et de Jérôme Bourbon lui ont valu de nombreuses condamnations, notamment pour contestation de crime contre l’humanité et provocation à la haine envers les juifs, en 2021. Ces condamnations expliquent notamment la suppression des aides à la presse pour l’hebdomadaire décidée en 2022 par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), comme l’avait révélé par le site Conspiracy Watch.

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« La CPPAP a estimé qu’après une série de condamnations pour provocation à la haine, contestation de crimes contre l’humanité et injures racistes du directeur de publication, Rivarol ne devaient plus être subventionnés. Ce ne sont pas des aides à la presse très importante, mais un tarif postal un peu réduit pour les abonnés », détaille Patrick Eveno.

L’hebdomadaire connaît depuis une disparition progressive dans les enseignes de grande distribution notamment, n’étant de fait plus considéré comme un titre d’information politique et générale.

La suppression de ces aides fait notamment suite à une tribune signée par une trentaine d’historiens et de personnalités dans Le Monde. « Le collectif est monté au créneau pour dénoncer le fait que notre pays accorde des subventions à cet hebdomadaire alors qu’il n’y a pas plus négationniste, antisémite et raciste », raconte Valérie Igounet, elle-même signataire de la tribune. « On est sur des thématiques qui sont condamnées par la justice française et malgré tout cet hebdomadaire continue à être vendu. »

Pourquoi le journal existe-t-il encore ?

On pourrait alors se poser la question de la légalité de l’existence d’un tel titre. Mais, comme le rappel Patrick Eveno, il est quasiment inenvisageable de censurer complètement un journal en France, au nom de la liberté de la presse.

« On peut néanmoins condamner systématiquement le directeur de la publication ou l’auteur d’un article qui fait l’apologie de tout ce qui est interdit par la loi de 1881 [qui fixe un cadre légal à toute publication de presse]. Mais sinon on ne peut pas interdire un titre, en dehors des titres considérés comme collaborateurs par les ordonnances de septembre 1944. La liberté de la presse prime. »