FootballJoueur, dirigeant, sponsor, socio… Ils ont permis à Sochaux de renaître

Coupe de France : « Un phare qui éclaire notre région »… Ils nous racontent comment ils ont fait renaître le FC Sochaux

FootballLe FC Sochaux-Montbéliard retrouve la lumière, ce mardi soir en Coupe de France. Une situation quasi inespérée l’été dernier, quand le club était proche de la disparition. Avant que joueur, dirigeant, sponsor, socio s’allient pour le sauver
Les supporters sochaliens avaient largement encouragé les leurs au tour précédent, contre Reims.
Les supporters sochaliens avaient largement encouragé les leurs au tour précédent, contre Reims. - S. Bozon / AFP
Thibaut Gagnepain

Thibaut Gagnepain

L'essentiel

  • Le FCSM affronte ce mardi soir le Stade Rennais en huitièmes de finale de la Coupe de France (20h45).
  • Relégué l’été dernier en National (3e division) et au bord du gouffre, le FC Sochaux-Montbéliard est reparti sur un nouveau projet.
  • 20 Minutes a interrogé quatre personnes (et une cinquième en bonus) qui ont participé au sauvetage de ce club, un des monuments du foot français.

Le stade Bonal sera comble ce soir. Comme lors des plus belles heures du club au lion, les places se sont arrachées. La plupart étant réservées aux abonnées, celles qui restaient se sont arrachées en moins de quarante-huit heures. Pas pour voir le Borussia Dortmund, l’Inter Milan ou Newcastle comme au début des années 2000. Non, l’Europe est bien loin pour le FC Sochaux-Montbéliard. Mais le revoir en huitièmes de finale de la Coupe de France, face à Rennes après avoir éliminé Reims au tour précédent, est déjà fabuleux pour les supporters francs-comtois. Surtout quelques mois après avoir craint de voir disparaître leur équipe favorite.

Après de multiples rebondissements, le FCSM est finalement reparti en National (3e division) l’été dernier. Grâce à des dirigeants, joueurs, sponsors ou supporters-socios qui ont fait front ensemble. 20 Minutes en a choisi quatre et leur a laissé la parole à propos de cet épisode douloureux mais aussi fondateur. Témoignages.

Pierre Wantiez, président délégué du FCSM

« J’avais fait le choix de vie d’arrêter mes activités et je me voyais bien tranquille à Grenoble. Mais Sochaux, c’est Sochaux ! Je voulais rendre au FCSM tout ce qu’il m’a donné. L’été dernier, j’avais échangé avec Romain Peugeot quand il s’est penché sur la reprise du club. Je n’ai pas du tout été surpris début août quand la justice a confirmé que ce ne serait pas en Ligue 2. Jean-Claude Plessis (l’ancien président historique) m’a appelé et on s’est dit qu’on allait essayer de repartir en National. Honnêtement, on ne se donnait pas beaucoup de chances de réussir mais on voulait tenter. Deux gros problèmes se posaient alors : il fallait trouver de l’argent mais aussi un support juridique. Heureusement, on a tout de suite trois, quatre personnes qui appellent spontanément. Je pense à Xavier Thévenot, qui est un particulier et me dit un dimanche après-midi qu’il peut mettre un million d’euros. Je l’ai fait répéter deux fois et le lendemain, il déposait l’argent ! Le groupe Eimi, qui est maintenant notre sponsor maillot, avait lui déjà dit qu’il serait là même en cas de N3 ou R1. Donc très vite, on a levé des premières sommes et calculé qu’il nous faudrait environ 5 millions d’euros de fonds privés pour présenter à la DNCG le 17 août. Le 16, on a à peu près 10 millions d’euros, grâce aussi aux collectivités et aux Sociochaux et on transmet tous les documents. Notre budget a été validé et on a pu repartir, certes avec un encadrement de notre masse salariale. »

Pierre Wantiez
Pierre Wantiez - Christian Lemontey

« Après, on a un peu passé le relais au sportif qui a construit une équipe en dix jours avant notre premier match. Aujourd’hui, il y a 46 actionnaires dans « FCSM 2028 » qui a repris toutes les actions de l’ancien propriétaire, le groupe Neking. Pour un euro symbolique mais avec aussi 23 millions d’euros de passif à rembourser sur trois ans. Ce ne sont pas des dettes mais des charges. Ce qu’on veut, c’est que le club se reconstruise étape par étape. Aujourd’hui, on est économiquement un peu en avance ; structurellement on a gardé notre centre de formation grâce au statut pro, c’était primordial ; sportivement, on est très en avance ! L’objectif vital était le maintien mais on ne s’interdit pas du tout de penser à la Ligue 2. Et je dois parler de la ferveur actuelle. Le stade aujourd’hui est beaucoup plus vivant et chaleureux que quand on était en Coupe d’Europe. Tout ça donne beaucoup d’énergie et l’envie de ne pas lâcher. »

Mathieu Triclot, président des Sociochaux

« Ça faisait plusieurs années qu’on se demandait si on aurait encore un club l’année suivante. C’est pour ça que notre association qui portait l’idée d’un actionnariat populaire s’était montée en 2018, dans le but d’être prête le jour-J. Mais on n’avait jamais levé de fonds ! On l’a lancé le 17 juillet sur HelloAsso et ça a fonctionné tout de suite. Il y avait un montant minimum de 50 euros, sans maximum. En un week-end, on avait environ 100.000 euros et 200.000 en une semaine. L’échec de Romain Peugeot, avec qui on était en discussion, a semé le doute mais on a ensuite vite rallié l’actuelle direction. On s’est mis d’accord sur l’entrée des supporters à l’actionnariat, leur place à la gouvernance etc. Et juste avant le passage devant la DNCG, on a pu apporter 400.000 euros. Ce n’était que la première vague. Au total, on a versé 780.000 euros avec 11.000 contributeurs. Aujourd’hui, on est donc dans une position unique en France : nous sommes au conseil d’administration du club. On porte des projets et on les apporte au club. L’exemple, c’est le maillot qu’on a créé et qui sera porté par les joueurs à un match, certainement début mars face au Mans. Il y a les 11.000 noms des socios dessus et on en a vendu 8.000. C’est tellement émouvant de le voir déjà au stade… »

Mathieu Triclot, le président des « Sociochaux ».
Mathieu Triclot, le président des « Sociochaux ». - Samuel Coulon

Malcolm Viltard, capitaine du FCSM

« L’été dernier, je revenais de prêt à Chateauroux et j’avais un peu suivi la saison du FCSM. J’étais revenu dans l’idée de m’imposer en Ligue 2 et je ne pensais pas qu’il y aurait autant de problèmes. On reprend avec le staff, le groupe et on entend parler des soucis avec la DNCG. Avec les relégations en N1 voire le dépôt le bilan. Puis il y a le projet de Romain Peugeot et là, c’est le drame car ça ne fonctionne pas. Je me souviens très bien du dernier entraînement qu’on fait début août à Bonal. Il y a les supporters autour du terrain. C’était la fin du FCSM, tout le monde était triste, avait les larmes aux yeux. Julien Cordonnier (le directeur sportif) nous dit de rentrer chez nous et quatre jours après, il nous envoie un message pour dire que tout va peut-être s’arranger. Moi j’avais des pistes pour partir mais je voulais attendre de voir où allait le FCSM. J’avais un goût d’inachevé dans ce club et je voulais m’y imposer. Ça faisait sept ans que j’y étais, j’y ai été formé, je voulais vraiment jouer avec le maillot. Finalement, il y a des sauveurs ! On a rebâti une équipe au plus vite, sans vraiment de prépa… et tout va bien maintenant ! Je suis vraiment fier de tout ce que le staff a fait depuis août. Personne ne pensait qu’on serait aussi haut sur cette première partie de saison. La montée ? On ne regarde pas trop le classement mais on ne se met pas de limites. On peut encore vivre de belles choses jusqu’en mai. Avec les supporters, on sent une vraie force. Ça nous pousse à faire de belles choses. »

Malcolm Vilatrd (à droite), en seizièmes de finale contre Reims.
Malcolm Vilatrd (à droite), en seizièmes de finale contre Reims. - S. Bozon

Sandro Nardis, président du groupe EIMI, sponsor maillot du FCSM

« On est sponsor du FC Sochaux depuis 1979 avec panneaux, places de match etc. Cet été, on a accéléré notre soutien en devenant actionnaire et sponsor maillot. Pourquoi ? J’étais déjà aux côtés de Romain Peugeot dans le projet de reprise version Ligue 2. Ça a échoué. Quand Pierre Wantiez m’a contacté, j’ai tout de suite suivi aussi. Quand on aime son club, on l’aime dans toutes les circonstances. Nous sommes des industriels (spécialisés « dans les services d’efficacité énergétique et environnementale ») dont le siège est à Montbéliard. Nous sommes amoureux de foot et de notre région, qui est quand même assez difficile. Il y a assez peu d’activités pour se divertir. Le FC Sochaux est pour moi un phare qui éclaire notre région… Il n’y a pas d’autre endroit que le stade Bonal qui réunit tous les quinze jours 10.000 à 15.000 personnes de tous les statuts sociaux. Maintenant, il faut inscrire le club dans la durée, c’est pour ça qu’on a un projet baptisé “FCSM 2028”. »

Xavier Thévenot, généreux mécène

« Quand j’avais entre 8 et 15 ans, j’allais beaucoup avec mon père à l’ancien stade Bonal. L’été dernier, j’ai vu un reportage sur le FC Sochaux, sur des gamins du centre de formation qui étaient malheureux tellement les Chinois avaient abîmé le club… Ça m’a donné envie de ne pas laisser le club et j’ai pris contact avec Pierre Wantiez. Pourquoi avoir mis 1 million d’euros ? Je me pose encore la question aujourd’hui ! Moi je suis un homme de flair, je ne réfléchis pas vingt-cinq ans avant de prendre une décision et je m’y tiens ensuite. C’est plus une donation qu’autre chose. Je ne vais pas à tous les matchs mais je m’investis dans les décisions. Je connais un peu le milieu du foot et c’est devenu une passion. J’avais déjà un peu investi au Racing Besançon mais j’ai laissé le club depuis et j’ai lâché tous mes autres mandats (il a aussi vendu son entreprise d’intérim). Ça fait plaisir de voir repartir le FCSM comme ça, avec les Sociochaux, avec des partenaires locaux. On veut sauver le club. Pour l’instant, ça ne se passe pas trop mal mais il faut raison garder. Ce match contre Rennes ? Bien sûr que j’y serai. Cette coupe de France est la cerise sur le gâteau. Je nous vois bien nous qualifier aux tirs au but. »

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