amère bièreLes brasseurs « au bord du gouffre » manquent de « tracteur pour bloquer »

Après les agriculteurs, les brasseurs « qui n’ont pas de tracteur pour bloquer » veulent aussi des aides

amère bièreBaisse de la consommation, hausse des matières premières et de l’énergie : la filière brassicole souffre. Certains seraient même au « bord du gouffre » et en appellent à l’Etat
Dans un magasin de bières à Strasbourg (illustration).
Dans un magasin de bières à Strasbourg (illustration). - B. Poussard / 20 Minutes
Thibaut Gagnepain

Thibaut Gagnepain

L'essentiel

  • Des brasseries font face à de graves difficultés financières dues à l’augmentation des coûts de l’énergie et des matières premières. Le président du SNBI, Jean-François Drouin, craint que les petits brasseurs ne ferment les uns après les autres.
  • « L’an dernier, une étude avait montré qu’un brasseur sur dix envisageait une fermeture. Un sur deux avait aussi subi une baisse de sa trésorerie. On va vers une grave catastrophe », alerte-t-il.
  • Le syndicat des brasseurs de France appelle également à la mise en place de mesures pour soutenir la trésorerie des brasseurs, notamment l’étalement du remboursement des prêts garantis par l’État.

Va-t-on bientôt voir des litres de bière déversées sur la route en signe de protestation ? « Oh non, c’est bien trop précieux », répond-on avec humour chez Brasseurs de France, le principal syndicat de la filière. A en croire un autre, les actions d’envergure ne seraient plus très loin. « Ce n’est pas l’envie qui nous manque mais on n’a pas de tracteur pour bloquer les routes », lance Jean-François Drouin, le président du Syndicat national des brasseries indépendantes.

Le SNBI a lancé ce mardi une « action commune pour faire entendre (sa) voix ». La campagne de communication est limpide avec une bouteille à la renverse et un slogan « Brasseries indépendantes au bord du gouffre ». « Ça fait des mois qu’on alerte sur les difficultés de nos TPE (très petites entreprises) brassicoles mais il n’y a rien qui bouge, reprend l’élu. Les collègues sont en train de fermer les uns après les autres mais on nous dit que ce n’est pas possible d’avoir des aides de l’Etat. Sauf que, comme par magie, les vignerons indépendants viennent d’obtenir 230 millions d’euros. »

Son organisation réclame, elle, 20 millions d’euros ainsi que trois mesures phares. Soit une baisse de taxes (les droits d’accises), la dispense de licence pour la dégustation de bière lors des ventes directes ou encore la revalorisation de la consigne du fût. « L’an dernier, une étude avait montré qu’un brasseur sur dix envisageait une fermeture. Un sur deux avait aussi subi une baisse de sa trésorerie. On va vers une grave catastrophe », alerte encore Jean-François Drouin, qui doit rencontrer ce mercredi soir « le conseiller PME de Bruno Le Maire (le ministre de l’Economie) ».

Le prix du verre a explosé, comme celui du malt et du houblon

Il devrait lui parler des soucis qui touchent actuellement tout le secteur et sont communs à d’autres : les hausses des coûts de l’énergie et des matières premières. Le prix du verre a par exemple explosé (« +60% sur deux ans »), comme celui du malt, du houblon, etc. Et à l’autre bout de la chaîne, le client ne suit plus. « L’année 2023 a été fortement marquée par l’inflation des produits alimentaires, ce qui a contraint les consommateurs à procéder à des arbitrages dans leurs achats du quotidien : le marché brassicole de la grande distribution affiche une baisse d’environ -4,5 % en volume sur l’année par rapport à 2022 », écrit Brasseurs de France en s’appuyant sur une enquête interne.

Le syndicat, moins vindicatif que le SNBI, appelle aussi à des mesures dans un communiqué. Des « propositions » seront soumises « aux pouvoirs publics dans les prochains jours : « mettre en place un soutien à la trésorerie ; étaler le remboursement des PGE (prêts garantis par l’Etat) ; mettre en place un moratoire sur la fiscalité ».

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Peut-être que la filière devra aussi se repenser. Adhérent au SNBI et sans nier le caractère urgent d’aides, Benjamin Pastwa appelle à « développer un modèle plus pérenne ». Sa brasserie « Bendorf », implantée à Strasbourg, n’a aujourd’hui « pas de problème de trésorerie ». Les raisons ? Elle a réussi à limiter les hausses de coûts. « On a mis en place les bouteilles consignées. Avec un taux de retour de 30 à 40 %, ça absorbe l’augmentation du prix du verre. On les met dans des caisses plastiques donc on ne subit pas non plus les fluctuations des coûts du carton. On a aussi créé une filière stable avec des agriculteurs. On s’est engagé à acheter de l’orge locale sur plusieurs années en négociant un prix stable. » Des pistes pour la suite…