toujours làPlongée dans un univers parallèle chez les jeunes accros à Facebook

Facebook a 20 ans : « On a grandi, on est né avec ça »… Immersion chez les jeunes accros au réseau social

toujours làFacebook a 20 ans et si le réseau social est souvent décrit comme « has been », les jeunes qui ont grandi avec restent en réalité très attachés à la plateforme
Meta (Facebook, Instagram) va proposer des abonnements payants, sans publicités, aux utilisateurs européens à partir de novembre prochain
Meta (Facebook, Instagram) va proposer des abonnements payants, sans publicités, aux utilisateurs européens à partir de novembre prochain - Michael Dwyer/AP/SIPA / SIPA
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Facebook fête déjà ses vingt ans le 4 février
  • Si on a l’impression que plus personne ne s’intéresse à ce vieux réseau social, un peuple incorrigible continue de squatter la plateforme : les jeunes.
  • Pourquoi et comment ? 20 Minutes s’est immergé au cœur du Facebook des jeunes nostalgiques du réseau social avec lequel ils ont grandi.

«Non mais comment ça, tu crées encore des évènements privés sur Facebook ? Et tu parles encore à tes potes sur Messenger ? ». Une pointe de jugement et d’ironie de la part des aînés. Certes, la rédactrice de cet article a des goûts plus vieux que son vrai âge – la réglisse, Michel Legrand et la Suze – mais ce n’est pas pour autant que le réseau social doit être considéré comme un premier pas vers l’Ehpad. Chez 20 Minutes, pour se rassurer de notre jeunesse éternelle, on s’est demandé si le réseau social n’était pas encore un peu tendance chez ceux coincés entre la génération Y et Z. Immersion au cœur du Facebook des jeunes, boomeurs précoces d’un réseau social avec lequel ils ont grandi.

Quand Emeline, 27 ans, se réveille le matin, elle ouvre automatiquement Messenger, la messagerie instantanée de Facebook. « Toutes mes connaissances les plus proches parlent sur cette application et continuent d’organiser leur anniversaire sur Facebook ». La plateforme lui permet aussi de trouver des évènements autour de chez elle ou de savoir qui est intéressé par les prochaines soirées. « Même des brocantes, des friperies ». De quoi se créer un petit agenda en ligne. « Tu peux même avoir la primeur d’un évènement parce que tu suis un collectif. Il y a un truc assez communautaire qui est resté sur Facebook, ça te permet de voir ce que tes potes vont faire et t’en inspirer pour les sorties ».

L’importance des communautés

C’est d’ailleurs cet esprit communautaire qui maintient notre dizaine de jeunes interrogés sur Facebook. Manon, 27 ans, utilise les groupes pour trouver des bons plans immobiliers ou même pour organiser ses vacances. En avril, elle se rendra à New York et c’est grâce à un groupe Facebook qu’elle a pu trouver un logement. « Quand tu te mets à fond sur les bons plans, tu peux avoir tout en avant-première », se réjouit-elle. La passionnée de mode admet qu’il existe tout de même un peu de voyeurisme sur les groupes, notamment sur le groupe des Sezanettes – dédié à la marque de vêtements Sézane. « Les meufs me tuent de rire. Avec mes potes, on est toutes sur le groupe et on s’échange les messages les plus marrants ».

Mais les groupes peuvent aussi aider les jeunes engagés dans le milieu associatif. Eva, 28 ans, est bénévole pour l’association Paillettes pompettes – « une nana qui paillette en soirée » – dont l’organisation grossit de plus en plus. « Sur Facebook, on utilise vachement ça pour nos propres soirées et pour créer toute une communauté autour, ainsi que de l’engagement ». Pour Maxime, 25 ans, les groupes Facebook sont aussi l’occasion de rencontrer des personnes qui partagent nos passions. Le gaming, par exemple, dans son cas. « Ça me permet d’interagir avec une communauté de gameurs sur des points spécifiques plus confidentiels. Et ça, je ne le trouve que sur Facebook ». Pour le fan de jeux vidéo, c’est aussi l’occasion de trouver des informations qu’ils ne voient pas sur les médias mainstream.

Impossible de parler des groupes sans évoquer les Neurchis de mèmes, groupes rendus aussi célèbres grâce à Facebook. Neurchi de mèmes extra-muros, neurchi de mèmes d’Actualités, neurchi de Top chef… et on en passe. Guillaume, 26 ans, continue de zieuter les images humoristiques pendant ses trajets de métro « pour faire passer le temps ». « J’en ai créé moi-même, mais j’ai jamais été mème lord », se marre-t-il.

« Je me rends compte que je n’ai pas le numéro de téléphone de certaines personnes »

Beaucoup se surprennent à encore regarder leur fil d’actualité, comme ils le font machinalement sur X (anciennement Twitter) ou Instagram. « Je l’ouvre un peu par réflexe avec toutes les autres applications. Je m’en sers pour regarder des infos à la con », raconte Marion*, 26 ans. D’autres comme Adrien, 22 ans, vont même plus loin et l’utilisent comme une plateforme vidéo. « Je suis accro, ça m’arrive de passer pas mal de temps dessus », nous raconte-t-il. « Je ne saurais pas expliquer pourquoi, mais j’aime bien y regarder des petits extraits de séries style Rookie : Le Flic de Los Angeles ou Docteur House de cinq minutes ou des bouts d’interview de l’émission Amuse-Bouche ».

Mais si les jeunes sont autant connectés à Facebook aujourd’hui, tous avouent qu’il s’agit surtout d’une question d’habitude. Pour la plupart, Facebook était leur premier réseau social, adopté dès le collège. « On a grandi, on est né avec ça », souligne Emeline. « Je dirais que la force de Facebook c’est de contenir toutes les amitiés de notre scolarité. Il y a plein de gens que j’ai sur ce réseau que je ne suis pas sur Instagram », ajoute Jean-Loup, 32 ans. La plupart avouent même n’être pas réellement prêts à discuter autrement que sur Messenger. « Je me rends compte que je n’ai pas le numéro de téléphone de certaines personnes car on a toujours utilisé ce support pour se parler », admet Elise, 26 ans. Passer à une messagerie comme WhatsApp semble difficile pour certains. « Pour moi, cette application sert surtout pour la famille et les amis à l’étranger », précise Emeline. Jean-Loup, lui, voit mal proposer à d’anciennes amitiés de déménager sur une autre plateforme.

Et si c’était la fin ?

Pour beaucoup de jeunes nostalgiques, la question des archives est aussi importante et Facebook renferme parfois de nombreux souvenirs. « Ça m’arrive de temps en temps de remonter dans le passé », raconte Maxime. Avouons-le tout de même, nos dix jeunes sont bien conscients que le Facebook d’aujourd’hui ressemble au cimetière des éléphants. « Mon feed n’a plus du tout le même intérêt qu’avant », admet Manon. Si la plupart se sont déjà faits à l’idée que le réseau social pourrait mourir un jour, tous tentent de trouver des solutions de substitution… en vain. « Je ne sais pas si je trouverai les groupes ailleurs », s’inquiète Marion. D’autres se demandent même comment ils vont pouvoir se souvenir de l’anniversaire de leurs proches. « Facebook me sauve à chaque fois », avance Marie, 22 ans.

Pour Eva et Emeline, la mort envisagée de la plateforme ne serait pas sans émotions. « Franchement ça me ferait chier quand même, je l’utilise quotidiennement » , raconte la première. « Ça me ferait un pincement au cœur », corrobore la seconde.

*Le prénom a été changé pour éviter le doublon de prénom d’une autre interlocutrice et faciliter la compréhension du lecteur