AGISMEPrésenter un « vieux » aux européennes, un choix devenu impossible ?

Elections européennes : Est-ce devenu impossible de présenter un « vieux » à ce scrutin ?

AGISMELes principaux partis présentent des candidats relativement jeunes pour le scrutin de juin prochain
Et si une mamie venait mettre une claque aux jeunots pour les européennes ?
Et si une mamie venait mettre une claque aux jeunots pour les européennes ?  - photomontage sur une photo de @cristiannegroni/Canva / Canva/Sipa
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Les élections européennes se dérouleront en France le 9 juin prochain.
  • Pour ce scrutin, les têtes de liste des principaux partis sont relativement jeunes (34 ans en moyenne).
  • Alors que le camp présidentiel se cherche un candidat, est-il devenu impossible de présenter un vieux briscard pour cette élection ?

Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. La célèbre phrase de Corneille (pas le chanteur, l’autre) pourrait très bien s’appliquer à la future campagne des européennes. Car les têtes de liste des principaux partis ne sont pas des briscards : Jordan Bardella (RN), 28 ans, Manon Aubry (LFI) 34 ans, Marion Maréchal (Reconquête) 34 ans, François-Xavier Bellamy (LR) 38 ans, Marie Toussaint (EELV) 36 ans, et Léon Deffontaines (PCF) 27 ans…

Seul Raphaël Glucksmann, 44 ans, intronisé ce jeudi par le PS, dépasse la barre fatidique des 40. Alors que le camp présidentiel se cherche toujours un champion, une question plane : est-il encore possible de présenter un « vieux » à ce scrutin ?

Compétition autour du renouveau

Aux dernières élections européennes de 2019, les macronistes et les écologistes avaient opté pour deux quinquagénaires comme tête de listes, Nathalie Loiseau (54 ans à l’époque) et Yannick Jadot (51 ans). Le scrutin précédent, en 2014, voyait s’affronter* Jean-Luc Mélenchon (62 ans), Jean-Marie Le Pen (85 ans), Marielle de Sarnez (62 ans) ou encore José Bové (60 ans). Un casting inimaginable dix ans plus tard ?

« Le jeune âge, qui pouvait poser problème à une époque, n’est plus un sujet aujourd’hui, avance François Patriat, patron des sénateurs Renaissance. L’élection de Macron à l’Elysée et l’arrivée d’une nouvelle génération aux responsabilités ont ringardisé les anciens. J’ai l’impression d’être Toutânkhamon ou Akhenaton », s’amuse le jeune septuagénaire.

« Il y a depuis quelques années une forme de compétition autour de l’image du renouveau, et une volonté de rupture avec l’ancienne génération, qui a cumulé de nombreuses fonctions et postes pendant des années, analyse Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS et au Cevipof. Les partis politiques souhaitent également s’adresser à l’électorat le plus jeune, qui s’abstient le plus, notamment lors des européennes », ajoute le chercheur. En 2019, 73 % des 18-24 ans et 64 % des 25-34 ans s’étaient abstenus, contre 49,9 % au niveau national.

Incarner l’Europe de demain

« Etre jeune est un atout, car ça répond à des enjeux du scrutin. Quelle Europe on souhaite construire pour 2040 ou 2050 ? Comme moi, beaucoup de jeunes n’ont pas eu leur mot à dire sur cette construction libérale incapable de répondre aux défis actuels, assure Léon Deffontaines, qui mènera la liste du Parti communiste. Je préfère débattre face à Bardella ou Aubry que face à Le Pen ou Mélenchon. Ça me semble plus pertinent pour évoquer un projet politique d’avenir, ajoute-t-il. Mais être jeune ne suffit pas pour convaincre les jeunes de voter ».

L’âge des artères, en effet, n’est pas un élément déterminant dans l’isoloir, rappelle Frédéric Dabi, directeur général Opinion de l’institut Ifop. « Ce n’est pas un facteur central pour les Français. L’appartenance partisane et le projet sont des ressors plus importants », dit-il. A la présidentielle 2022, par exemple, les 18-24 ans ayant voté se sont tournés en premier lieu vers Jean-Luc Mélenchon, pourtant le candidat le plus âgé du scrutin (70 ans). « Mais il y a tout un imaginaire autour de la jeunesse, à travers le dynamisme et le mouvement, des éléments qui ressortent par exemple dans la confiance accordée par les Français à Gabriel Attal », reprend le sondeur.

La jeunesse des candidats en lice pour la bataille du 9 juin prochain est donc surtout liée au renouvellement de la classe politique, tendance de fond depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. « Le Parlement européen permet à des jeunes de faire leurs armes, on l’a vu avec Bardella ou Aubry. D’autant que les problèmes environnementaux, la guerre ou les questions agricoles rendent ce scrutin stratégique. Il est plus difficile d’envoyer des bras cassés sous forme de placard doré comme ça se faisait avant », assure Luc Rouban.

« Moi, tu me parles pas d’âge »

Face à cette jeunesse triomphante, le camp présidentiel pourrait-il opter pour le contre-pied ? « C’est quand même plutôt une campagne de jeunes loups brillants qu’une campagne de vieux. Donc soit on joue là même stratégie, avec une figure montante. Soit on fait l’inverse avec un Le Maire, un mec un peu chiant, mais qui a la stature », hésite un député Renaissance. Le profil de noms évoqués ces dernières semaines, comme le commissaire européen Thierry Breton (69 ans), l’ancien porte-parole Olivier Véran (43 ans) voire François Bayrou (72 ans), récemment mis hors d’affaire judiciaire, ne fait pas vraiment rêver les macronistes.

« C’est sûr que ça dénoterait. Mais je ne suis pas sûr qu’on soit dans le bon ton en mettant une figure de… maturité », sourit une députée Renaissance. « D’autant plus qu’on prône une Europe rénovée et dynamique. On a su faire émerger des profils, autant en profiter ». Un de ses collègues soupire : « Breton ou d’autres, ça ressemblerait un peu à la saison de trop ». Beaucoup poussent pour des profils plus jeunes comme Maud Bregeon, députée Renaissance de 32 ans, ou Valérie Hayer, eurodéputée sortante de 37 ans.

Pour rester dans la métaphore foot, on résume tout ça avec un autre philosophe, Kylian Mbappé (qui n’a rien à envier à Corneille). « Y’a pas de ''t’as l’âge ou t’as pas l’âge'', ça veut rien dire. Si t’es bon, t’es sur le terrain, t’assumes. Si t’es pas bon, tu vas sur le banc, tu regardes les autres. Moi, tu me parles pas d’âge. » Compris ?

* Le scrutin européen se faisait alors à la proportionnelle sur huit circonscriptions régionales, et non pas sur une circonscription nationale comme aujourd’hui.