FOOTBALLComment Léonard Aggoune a-t-il rendu folle l’AS Monaco aux tirs au but ?

Coupe de France : Comment le gardien rouennais Léonard Aggoune a-t-il rendu folle l’AS Monaco aux tirs au but ?

FOOTBALLLe gardien de but de 26 ans, formé au PSG et habituel remplaçant au FC Rouen (National), est devenu le héros des huitièmes de finale de la Coupe de France en éliminant jeudi soir l’AS Monaco (1-1, 6-5) grâce à ses facéties durant les tirs au but
Léonard Aggoune est parvenu à entrer dans la tête des tireurs monégasques, notamment celle du jeune Maghnes Akliouche (21 ans).
Léonard Aggoune est parvenu à entrer dans la tête des tireurs monégasques, notamment celle du jeune Maghnes Akliouche (21 ans).  -  Lou BENOIST / AFP / AFP
Jérémy Laugier

Jérémy Laugier

L'essentiel

  • La sensation des huitièmes de finale de la Coupe de France est venue jeudi soir du FC Rouen, vainqueur aux tirs au but de l’AS Monaco (1-1, 6-5).
  • Le grand héros de la soirée se nomme Léonard Aggoune, habituel gardien remplaçant du club normand, qui a signé deux sublimes parades sur les derniers tirs au but de Folarin Balogun et de Maghnes Akliouche.
  • Un exploit qui s’accompagne d’un drôle de one man show, entre tentatives diverses pour perturber les tireurs et interview rafraîchissante sur beIN SPORTS derrière.

Et si le football français tenait son Emiliano Martinez ? Avec Léonard Aggoune, on n’a en tout cas pas du tout affaire au profil de gendre idéal à la Hugo Lloris. A savoir un gardien de but hypra fair-play, qui traverse en toute discrétion une série de tirs au but, avec un wagon de contrepieds encaissés, le tout en s’appuyant sur la fameuse théorie 100 % française de « la loterie ». Après l’Annécien Thomas Callens (alors doublure en Ligue 2), héros de trois séances de tirs au but de rang la saison passée, dont une qualif inattendue contre l’OM, la Coupe de France vient donc de révéler jeudi un autre gardien anonyme décisif dans l’exercice. Doublure du FC Rouen (7e de National), Léonard Aggoune est parvenu à faire craquer les nerfs des Monégasques Folarin Balogun et Maghnes Akliouche.

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Au bout d’une séance de tirs au but haletante, on a donc eu droit au scalp de l’ASM (1-1, 6-5) et à un Léonard Aggoune radieux, bob multicolore sur la tête, et réaction rafraîchissante à souhait au micro de beIN SPORTS, après un tour d’honneur en sprintant dans un stade Robert Diochon en fusion. Car oui, le gaillard est du genre à troller un attaquant référence comme Folarin Balogun (22 ans), vendu 30 millions d’euros l’été dernier par Arsenal, et buteur jeudi durant le match (0-1, 35e... sur penalty).

« Balogun, j’ai senti qu’il n’allait pas retirer de la même manière que pendant le match. Il est un peu jeune je pense. Et dédicace à tous ceux qui ne croyaient pas en moi. Je suis toujours là, n’oubliez jamais que je suis là. » »

« Il aime bien dire qu’il "chatouille" un peu ses adversaires »

Son entraîneur des gardiens, Mathieu Lacaille, ne risque pas de l’oublier. « Léonard, c’est un personnage, un soleil dans un vestiaire, confie-t-il ce vendredi. Il a tout le temps le sourire. Après, cette décla à chaud, dans l’euphorie de la qualif, disons que ça fait partie du personnage de balancer une saucisse. D’ailleurs, mon téléphone sonne beaucoup depuis hier, on me demande qui est ce clown de gardien dont je m’occupe ! » Car si ce joueur de 26 ans, formé au PSG (un match de Youth League disputé en 2015 aux côtés de Nkunku et Ikoné), fait tant parler de lui, c’est pour son one man show durant toute la séance de tirs au but, qui lui a valu un carton jaune de Ruddy Buquet. Bras agités, grimaces, gestes pour suggérer aux Monégasques de tirer d’un côté, échange amusé avec l’arbitre et chambrage systématique, Léonard Aggoune a sorti toute la panoplie du gardien relou qui entre dans votre tête.

Ruddy Buquet a fait connaissance avec un sacré personnage jeudi soir, à qui il a fini par mettre un carton jaune en pleine séance de tirs au but pour gain de temps.
Ruddy Buquet a fait connaissance avec un sacré personnage jeudi soir, à qui il a fini par mettre un carton jaune en pleine séance de tirs au but pour gain de temps. - Capture d'écran beIN SPORTS

« Il aime bien dire qu’il « chatouille » un peu ses adversaires, résume Mathieu Lacaille. Mais ce n’est pas du tout le genre de gars à balancer une insulte à un joueur. Il essaie juste de trouver des trucs pour déstabiliser le tireur et il fait pas mal de spectacle, quoi. Je sais que tout est de plus en plus policé autour des tirs au but, mais ça fait partie du folklore du foot. Un gardien doit faire preuve de vice dans cet exercice pour espérer s’en sortir en perturbant son adversaire. »

Il arrive volontairement le plus tard possible dans son but

Une autre caractéristique de cette séance de tirs au but a été le (très) long temps d’attente pour chaque tireur monégasque, qui a dû poireauter environ 50 secondes à partir de la précédente tentative rouennaise (contre 40 secondes dans le camp d’en face). C’est ce gain de temps systématique de Léonard Aggoune, carrément assis avec sa bouteille alors que Aleksandr Golovin était prêt à tirer, qui lui a valu un avertissement. Pour le coup, cette méthode de déstabilisation vient de l’entraîneur des gardiens normands, qui assume son choix : « J’ai expliqué à Léonard qu’il était important de laisser le tireur arriver face à un but vide, car celui-ci lui paraît super grand quand il le regarde. Et là, lorsque le gardien arrive le plus tard possible sur sa ligne, c'est à dire quand le joueur a posé le ballon, la perception visuelle n’est plus du tout la même. Ca peut avoir un impact sur le tireur ».

Autre petit tip travaillé la semaine de ce huitième de finale de Coupe de France : son étonnante posture, les deux pieds bien derrière la ligne, lorsque le tireur engage sa course d’élan. « Le fait de reculer ainsi, c’est pour s’assurer d’avoir au moins un pied sur la ligne lorsque le joueur frappe, comme l'exige désormais le règlement, explique Mathieu Lacaille. Car lorsqu'un tir au but arrêté est à retirer, c’est vraiment dur à digérer pour un gardien. » Le plus dingue, dans l’histoire de ce gardien d’1,84 m soudain héros des Diables rouges, c’est de découvrir qu’il n’était absolument pas un spécialiste de l’exercice jusqu’à ce jeudi de rêve éveillé.

Lorsque Ruddy Buquet siffle pour permettre à Folarin Balogun de frapper son tir au but, Léonard Aggoune se trouve encore largement derrière sa ligne.
Lorsque Ruddy Buquet siffle pour permettre à Folarin Balogun de frapper son tir au but, Léonard Aggoune se trouve encore largement derrière sa ligne. - Capture d'écran beIN SPORTS

Quatorze tirs au but consécutifs encaissés face à Toulouse

En 2018, alors qu’il évoluait à l’US Créteil-Lusitanois, il avait ainsi perdu un match de Coupe de France aux tirs au but (1-1, 9-10) contre Limonest. Puis lors du précédent exploit face à Toulouse, le 21 janvier, Léonard Aggoune n’avait pas réalisé le moindre arrêt, dans une interminable série remportée après un tir de Gabriel Suazo sur son poteau (3-3, 15-14). Comme contre l’AS Monaco, Mathieu Lacaille avait pourtant glissé à son gardien des indications sur les habitudes des tireurs adverses. L’anecdote quant au déroulé moins favorable est savoureuse de la part du coach spécifique.

« J’avais placé cette feuille d’indications sur sa bouteille. Le problème, c’est que Léonard ne pouvait pas voir le numéro des joueurs toulousains, qui n’apparaissait qu’à l’arrière de leur maillot. Vu qu’ils sont un peu moins connus que ceux de l’ASM, il ne reconnaissait pas non plus leur visage donc il n’a pas pu suivre leurs habitudes de tirs. » »

Un fail sans conséquence donc, notamment car l’ancien gardien du Pafos FC (Chypre) avait transformé sa tentative avec sang-froid. Léonard Aggoune s’est rattrapé d’une sacrée manière jeudi avec deux horizontales parfaites, d’abord pour sauver la balle de match qu’avait Folarin Balogun, avant de s’opposer à la patte gauche de Maghnes Akliouche. « Cette fois, j’ai pris beaucoup de temps, juste avant le début de la séance, pour faire mémoriser à Léonard les visages des joueurs monégasques, sourit Mathieu Lacaille. Mais pour Akliouche, on avait aucune info à lui transmettre. Il a fait parler son instinct. » Et de l’instinct, ce fantasque personnage, qui défiera désormais Valenciennes en quarts (le 28 février), n’en manque pas.