RugbyLe message de Fabien Galthié passe-t-il toujours au sein des Bleus ?

Ecosse-France : « Epuisant » et « exigeant »… Le message de Fabien Galthié passe-t-il toujours au sein des Bleus ?

RugbyLa raclée contre l’Irlande, après le revers en quart de finale du Mondial, a sérieusement ébranlé le XV de France, avant le déplacement en Ecosse ce samedi, lors de la deuxième journée du Tournoi des VI Nations
Fabien Galthié au milieu des joueurs du XV de France, mercredi lors d'un entraînement au Centre national du rugby de Marcoussis (Essonne).
Fabien Galthié au milieu des joueurs du XV de France, mercredi lors d'un entraînement au Centre national du rugby de Marcoussis (Essonne). - Emmanuel Dunand / AFP / AFP
Nicolas Stival

Nicolas Stival

L'essentiel

  • Huit jours après l’aussi sévère qu’inattendue défaite à domicile contre l’Irlande à Marseille (17-38), la France va tenter de se reprendre ce samedi (15h15) à Edimbourg, lors de la deuxième journée du Tournoi des VI Nations.
  • Le XV d’Ecosse, vainqueur au pays de Galles (26-27), peut plonger les Bleus dans la crise, et fragiliser Fabien Galthié.
  • Pour l’heure, le sélectionneur, ses adjoints et son équipe affichent leur solidarité face à l’adversité.

Il n’y a même pas quatre mois, le matin du 15 octobre 2023, les amoureux du XV de France se réveillaient le cœur gonflé d’espoir, avant un quart de finale de Coupe du monde à domicile contre l’Afrique du Sud, antépénultième étape sur la route d’un sacre espéré. Ce samedi, les mêmes redoutent de vivre en Ecosse une troisième défaite d’affilée.

Entre-temps, le maillot bleu a sérieusement pâli pendant que les visages de ceux qui le portent rougissaient, sonnés par l’énorme claque face aux Springboks (28-29), puis par l’impensable rouste du week-end dernier à Marseille contre l’Irlande (17-38), en ouverture du Tournoi des VI Nations. Tout simplement la plus large défaite de l’ère Fabien Galthié, démarrée au lendemain du Mondial 2019.

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Puisque c’est la règle dans le sport de haut niveau, le sélectionneur autrefois loué se retrouve en première ligne face aux critiques. Surtout depuis l’« exfiltration » du manager général Raphaël Ibañez, ancien acolyte de Galthié lors des conférences de presse d’avant-Mondial, quand le patron pouvait s’enorgueillir des « 80 % de victoires » des Bleus sous ses ordres.

Jeudi, au moment d’annoncer le groupe qui ira chercher la rédemption à Murrayfield, le Lotois était accompagné du responsable des avants William Servat. « Nous participons tous à l’orientation donnée par notre chef de file qui est Fabien, a lâché l’ancien talonneur face aux médias. Mais à l’intérieur [du groupe], nous avons tous des responsabilités, nous transmettons tous ce message qui fait qu’il ne vient pas d’une seule voix, mais qu’il est retranscrit à tout le monde par l’intégralité du groupe. »

« Nous faisons corps »

C’est un peu abscons, on vous l’accorde, mais l’idée est là : la parole du Lotois porte toujours à l’intérieur de la maison bleue, malgré l’échec dans un Mondial qui était la compétition d’une vie pour l’encadrement comme pour les joueurs. « Notre chemin ne ressemble pas à un long fleuve tranquille, a lancé le sélectionneur jeudi. Il n’y a aucun joueur, aucun membre du staff qui a connu une allée bien ombragée, pour arriver ici. Aujourd’hui, nous rencontrons clairement un moment difficile. C’est là que nous faisons corps, que nous faisons groupe. »

Paul Boudehent et ses coéquipiers doivent prouver en Ecosse qu'ils ont digéré le camouflet infligé par l'Irlande (17-38), vendredi dernier à Marseille.
Paul Boudehent et ses coéquipiers doivent prouver en Ecosse qu'ils ont digéré le camouflet infligé par l'Irlande (17-38), vendredi dernier à Marseille. - Manuel Blondeau / AOP / Sipa

Galthié a convoqué à trois reprises dans la même conférence de presse les sacro-saintes « valeurs du rugby », et assuré que tout le monde avait fait son autocritique, dans le cadre feutré et feuillu de Marcoussis. Vraiment ? Le patron du XV de France a clairement été dominé tactiquement par ses homologues (le duo Rassie Erasmus – Jacques Nienaber puis Andy Farrell) lors des deux défaites face aux Boks et aux Irlandais.

Jeudi, en revenant sur le fiasco du Vélodrome, il a pourtant surtout insisté sur le fait que ses Bleus se sont retrouvés trop vite à 14, après le carton jaune (8e) puis rouge (31e) de Paul Willemse, pour justifier l’outrageuse domination adverse en conquête (mêlée exclue)…

« On continue de se faire confiance »

Sans surprise, du côté des joueurs, on affiche la carte « solidarité », comme d’ailleurs sur la pelouse d’entraînement, où l’intensité est montée d’un cran cette semaine après la vexation marseillaise. « Ce n’est pas parce qu’un match ne s’est pas déroulé comme on le souhaitait que tout le système est à revoir, a plaidé le 3e ligne Paul Boudehent. L’effectif et le staff ont fait leurs preuves jusqu’à présent. On continue de se faire confiance, de travailler. Mais oui, on s’est remis en question, pour aller chercher quelque chose en Ecosse et surtout montrer un autre visage. »

Un nouvel échec ferait vraiment tache sur le début du second mandat de Galthié qui court jusqu’à la Coupe du monde 2027 en Australie. Une durée jamais vue en équipe de France depuis l’ère Bernard Laporte, qui avait enquillé Mondiaux 2003 et 2007, tous deux conclus à la 4e place. « Quand j’ai appris qu’il restait, je me suis dit : "c’est très long", glisse Anthony Mette, psychologue du sport implanté dans le rugby professionnel. C’est quelqu’un qui a tendance à épuiser les joueurs, il est très exigeant. A partir du moment où il continue, cela demande de repartir avec beaucoup de nouveautés. »

Dans le staff, Nicolas Jeanjean, déjà présent, a pris du galon pour succéder à Thibault Giroud comme directeur de la performance, alors que Laurent Sempéré et Patrick Arlettaz ont remplacé respectivement Karim Ghezal et Laurent Labit dans les secteurs de la conquête et des trois-quarts. Pas vraiment une révolution de palais. Quant à l’effectif, on a quasiment repris les mêmes et recommencé, à l’exception de l’intérimaire du rugby à VII, Antoine Dupont, dont l’ombre n’a pas fini de planer au-dessus des Bleus. « Au niveau des joueurs, cela demande de renouveler un bon pourcentage de l’équipe qui a perdu, reprend Anthony Mette. Ils sont rincés, physiquement et mentalement. La chute de la motivation est inévitable. »

Pour le psychologue, le revers en quart de finale du Mondial n’a pas forcément été évacué, ni collectivement, ni individuellement : « L’erreur de beaucoup de joueurs de cette équipe-là, c’est qu’ils font comme si ça allait bien, comme si ce n’était pas grave. » Un peu comme les Gaulois d’Astérix après la débâcle d’Alésia, en somme.

« La France n’est pas devenue une mauvaise équipe »

Si le nouveau capitaine Grégory Alldritt a pu se laver les méninges en se mettant quelques semaines sur « pause » après le passage du cyclone Bok, beaucoup de ses collègues ont vite replongé dans le rude quotidien du Top 14, presque comme si de rien n’était. Puis ils ont retrouvé en masse les Bleus, et le petit nuage gris qui (sur)plombe la sélection depuis cette maudite soirée d’octobre à Saint-Denis.

Samedi à Edimbourg, c’est un temps tout aussi maussade et frisquet (environ 4 °C) qui les attend, sous l’œil expert de Scott Hastings, l’ancien trois-quarts centre aux 65 sélections avec le XV du Chardon dans les années 1980 et 1990. « La France n’est pas devenue une mauvaise équipe mais après la défaite contre l’Afrique du Sud, où elle a commis des erreurs, les doutes refont indiscutablement surface », relève le vainqueur du Grand Chelem 1990 avec son frère Gavin, qui souligne par ailleurs l’impact de l’absence de Dupont, le « ciment » de l’équipe.

« Le revers [contre l’Irlande] va faire mal et l’Ecosse y verra une opportunité. Cela devrait être un match serré. » Et donc un rendez-vous déjà crucial pour Fabien Galthié, alors que les Bleus ont pour l’instant réussi à camoufler d’éventuelles lézardes dans leur édifice.