INTERVIEW« Bien sûr que ce métier est usant », déclare Zazie

« The Voice » : « Mon travail en dit plus sur moi que les télés que je fais », assure Zazie

INTERVIEW« 20 Minutes » s’est entretenu avec Zazie qui rempile dès ce samedi pour une nouvelle saison en tant que coach de « The Voice » sur TF1 et qui partira prochainement sur les routes avec son « Nouvel Air Tour »
Zazie au Festival Sœurs Jumelles, le 30 juin 2023, à Rochefort (Charente Maritime).
Zazie au Festival Sœurs Jumelles, le 30 juin 2023, à Rochefort (Charente Maritime).  - Franck Castel / MPP/SIPA / Sipa
Fabien Randanne

Fabien Randanne

L'essentiel

  • La saison 13 de « The Voice » commence samedi 10 février à 21h10 sur TF1. Zazie retrouve son fauteuil de coach aux côtés de Vianney, Bigflo et Oli et de Mika, qui fait son retour dans l’émission.
  • « Le côté auteure, compositrice, interprète peut intéresser des talents qui sont dans une démarche de compo ou de texte. Donc ils veulent des tuyaux ou, pourquoi pas, des collabs, parce qu’ils savent que ça peut m’arriver d’en faire », estime Zazie quand 20 Minutes lui demande ce qui, selon elle, motive les talents à rejoindre son équipe.
  • Au sujet de son absence de nominations aux Victoires de la musique 2024, elle déclare : « Les trophées, c’est bien pour éclairer, pour faire vitrine. J’ai la chance, pour le moment, de ne plus avoir besoin de ça. Je suis d’accord pour éteindre ce côté-là et le laisser aux autres. »

On retrouve Zazie, un lundi midi de janvier, dans sa loge au studio du Lendit à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) où se tourne « The Voice ». Le temps de l’interview, elle baisse le son du téléviseur qui offre un retour des répétitions des « super cross battles » qui se déroulent au même moment sur le plateau à quelques pas (et un tour en ascenseur) de là. Tout en répondant à nos questions, elle garde une oreille sur les voix de son équipe, nous glisse une anecdote sur l’une, nous fait l’éloge d’une autre. La coach du télécrochet de TF1, dont la saison 13 sera lancée samedi à 21h10, prend son rôle au sérieux. Cela ne l’empêche pas de glisser quelques notes d’humour au détour d’une phrase. Mais attention à ne pas se fier de trop près à cet air zen, et décontracté : la gravité n’est jamais loin pour qui y prête attention.

Cette saison a-t-elle une spécificité ? Quelque chose qui la distingue des précédentes ?

Comme cette émission est maintenant ancienne, il y a des gamins qui ont grandi en la regardant et, au lieu d’envisager faire du judo ou du piano, se sont dit : « Je veux chanter ». On hérite de ceux-là, qui ont pris des cours et qui arrivent, à 17 ans, avec des voix dont on se demande d’où elles viennent. Ces jeunes chantent des trucs « de vieux » comme si c’était un refuge. Jacques Brel, Brassens, Sardou… C’est un peu systématique. Les plus jeunes nous sortent des trucs qui ne sont pas très modernes, pas très tendance, pas très de leur époque. L’autre spécificité, c’est que le casting est très éclectique, hétérogène et c’est une bonne nouvelle.

C’est-à-dire ?

Il y a des gens qui poussent la porte de « The Voice » et qui sont différents. Certains viennent de l’étranger et connaissent peu la France, d’autres viennent d’un univers entièrement gospel. Il y a des gens qui sont coiffeuse, contrôleur de finition, élève en pharmacie, etc. Ce sont des profils différents et ça fait une émission riche. Il y en avait moins avant, ils n’osaient pas, pour eux la messe semblait dite. Ils ramènent leur histoire dans le concours, pas en mode storytelling – le gros mot – mais pour raconter qu’ils ont vécu deux ou trois trucs. On n’est pas dans une approche scolaire du coaching, on est « psy-coach-logues ». On doit s’adapter rapidement à ces singularités.

Certain reprochent à « The Voice » de trop mettre en avant le « storytelling » des candidats, qu’ils aient vécu un événement traumatique ou aient un parcours de vie singulier. Qu’en pensez-vous ?

C’est une réflexion qu’on peut se faire également en tant que coachs. On a vu qu’insister sur le storytelling n’était pas forcément à l’avantage du talent. Je pense que la production en est consciente aussi. C’est une émission de divertissement, qui est populaire, il est normal qu’il y ait différents profils, que la société soit représentée. Mais c’est fait avec intelligence. Les gens qui bossent sur ce programme cherchent des moments de télévision, mais, que ce soit Mathieu Grelier, Pascal Guix [respectivement producteur et producteur artistique chez ITV Studios France] ou les autres, ils sont le contraire du cynisme. C’est un jeu. Cela ajoute une face au dé. A nous de faire quelque chose qui ne soit pas sensationnaliste, vulgaire ou « peopolisant ». Mais je suis d’accord, on est dans une émission de chant, pas dans une émission de téléréalité. La frontière, parfois, bouge un peu. Parfois, la production va filmer chez certains candidats pour faire leurs portraits parce que ce sont des « héros de télévision ». Mais il y en a parmi eux qui ne dépassent pas le stade de l’audition à l’aveugle. Heureusement, entre nous, les coachs, et le public, on garde quand même la main.

Qu’est-ce qui, selon vous, motive les talents à rejoindre votre équipe ?

Le côté auteure, compositrice, interprète peut intéresser des talents qui sont dans une démarche de compo ou de texte. Donc ils veulent des tuyaux ou, pourquoi pas, des collabs [collaborations], parce qu’ils savent que ça peut m’arriver d’en faire. Parfois, une fois les auditions à l’aveugle passées, on leur demande quelles étaient leurs intentions de vote avant leur passage. Et là, on se rend compte que certains qui voulaient clairement venir « chez moi » sont venus « chez moi ». Mais

j’en ai aussi récupéré alors que j’étais leur troisième ou dernier choix, comme Priska la saison dernière. Là, on se dit qu’on a bien fait notre boulot pour les convaincre. Ils y vont au feeling. En rejoignant mon équipe, ils cherchent peut-être aussi l’expérience. Il faut bien que ça serve à quelque chose d’être la plus vieille (elle sourit).

En novembre, vous receviez un prix de la Sacem pour l’ensemble de votre carrière. Dans votre discours, vous avez déclaré : « Trente ans de showbiz, ça use, ça abuse et ça désabuse aussi. » Le public peut avoir une image de vous « zen » et forte, ce n’est pas si simple ?

La politesse avec laquelle je me présente aux gens est une chose. Je laisse mes « trucs » chez moi. Et puis il y a mon travail, qui en dit plus sur moi que sur les télés que je fais. Cela dit les doutes, que l’on n’échappe pas à l’époque à laquelle on vit, la dépression parfois, les chagrins… J’ai la chance de pouvoir exprimer tout cela, je n’ai pas non plus besoin d’en faire trois tomes en mode « Je suis dépressive, je vous le dis ». C’est une question d’éducation, j’essaie d’avoir une pudeur par rapport à ça.

Le showbiz, c’est usant ?

Bien sûr que c’est usant. Par exemple, j’avais une conviction sur un titre comme Speed, j’avais l’intuition que ça allait marcher. J’ai défendu cette chanson huit mois et pendant huit mois mon label n’était pas d’accord avec moi et ne voulait pas la sortir [le morceau finalement exploité en single en 2018 a atteint la deuxième place des meilleures ventes].

« En changeant de label, on recommence à zéro. J’ai encore des gens de mon nouveau label qui viennent me voir et me disent : « En fait, t’es vachement rock ! » Parce qu’ils ne connaissaient que Je suis un homme, Rue de la paix… Alors oui, ils ont dû louper deux ou trois trucs (rires). »

Je ne peux pas leur en vouloir parce que quand on a mon âge, presque 60 ans, il y a forcément des gens de 20 ou 25 ans qui travaillent avec vous. C’est usant aussi en tant que femme, par rapport à cette société qui reste machiste, et c’est très isolant. Rencontrer quelqu’un quand vous gagnez plus que lui… C’est un exemple cliché mais, quand on est au restaurant et que c’est à moi qu’on fait goûter le vin, ça peut agacer quelques hommes (rires). C’est compliqué, il y a beaucoup de solitude dans mon métier et mon âge. D’où l’importance de souhaiter les moments heureux.

Les chanteuses ayant commencé leur carrière dans la décennie 1990 et qui sont encore dans les radars médiatiques sont peu nombreuses…

Il y a Mylène [Farmer]… Non, c’était dans les années 1980, elle. (Elle réfléchit) Il y a des garçons mais pas beaucoup de filles, c’est vrai. Qu’est-ce qu’elles ont fait les filles de cette époque ? Je ne sais pas.

Ça dit la difficulté de durer ?

Pour s’inscrire dans la durée, il ne faut pas prévoir la durée, c’est la première chose. Il faut être honnête, parce que, quand on est soi-même, c’est plus simple de le rester plutôt que d’avoir une sorte d’avatar. Et puis, il est important de réinvestir dès que l’on peut « la vraie vie ». J’ai eu un enfant. Peut-être que d’autres femmes auraient arrêté parce que c’est trop épuisant, etc. Moi, les trois premières années, j’ai emmené ma fille, tant qu’elle n’était pas scolarisée, dans le tour bus avec moi. Je ne manquais pas mon rôle de maman. Toute la journée elle était avec moi, je finissais avec huit de tension, mais j’enchaînais les biberons, puis les « Faites du bruit ! » au Zénith. C’est aussi fabuleux de vivre toutes ces vies-là. C’est peut-être aussi un coup de chance car à l’époque, la société était bien plus machiste.

Vous n’êtes pas nommée aux prochaines Victoires de la musique et ne l’avez pas été davantage l’an passé. Cela vous attriste ? [L'entretien s'est déroulé avant que Zazie soit nommée présidente d'honneur des Victoires 2024.]

J’ai reçu six Victoires, je crois, donc, au bout d’un moment, il est assez normal de jouer à autre chose que ce jeu-là. Dans pas longtemps, ils vont me faire un hommage, ça va être terrible (rires). Les trophées, c’est bien pour éclairer, pour faire vitrine. J’ai la chance, pour le moment, de ne plus avoir besoin de ça. Je suis d’accord pour éteindre ce côté-là et le laisser aux autres. J'essaye juste de faire en sorte que le public ait accès à mon travail, quand je l’ai bien fait.

Après le « Air Tour », une tournée des Zéniths, vous vous lancerez en mars dans le « Nouvel Air Tour ». A quoi peut-on s’attendre avec ces concerts ?

Je trouvais un peu dégueulasse qu’on fasse les Zéniths et qu’on demande à des gens de faire, parfois, 60 km pour venir et de payer des places plus chères que dans les théâtres qu’on va faire avec cette nouvelle tournée. Si je revenais, trois mois plus tard, à côté de chez eux, avec le même show mais moins cher, ils auraient les boules. Alors on fait autre chose. On sera quatre, et non cinq, sur scène. Mon clavier ne sera pas le même donc on repart en répétitions comme si c’était le jour 1. La moitié de la set-list change. Il y aura des chansons que les gens n’ont pas entendues sur la tournée précédente.