Tour de crisesEntre insécurité et multicrises, Mayotte en détresse

Mayotte : Insécurité, immigration, eau, pénuries… Les multiples crises qui mettent l'île en détresse

Tour de crisesEn déplacement à Mayotte, Gérald Darmanin a annoncé la fin du droit du sol pour le département en réponse à la colère contre l’insécurité et l’immigration
Des manifestants contre la pénurie d'eau et l'insécurité qui frappe l'île, le 8 décembre 2023.
Des manifestants contre la pénurie d'eau et l'insécurité qui frappe l'île, le 8 décembre 2023. - GREGOIRE MEROT/SIPA / SIPA
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

L'essentiel

  • Gérald Darmanin a annoncé dimanche à Mayotte une révision constitutionnelle destinée à supprimer le droit du sol sur l'île de l'océan Indien, confrontée à une grave crise migratoire et à une situation sociale et sécuritaire explosive.
  • Le 101ème département français, que visite le ministre de l'Intérieur avec la nouvelle ministre déléguée aux Outre-mer Marie Guévenoux, est paralysé depuis le 22 janvier par des blocages et des barrages routiers installés par des « collectifs citoyens » qui protestent contre l'insécurité et l'immigration incontrôlée.
  • Le point sur les crises qui se multiplient à Mayotte.

La dernière annonce suffira-t-elle à rétablir un sentiment de sécurité aux habitants de Mayotte ? En déplacement sur l’île française de l’Océan indien, Gérald Darmanin a promis dimanche une révision constitutionnelle pour supprimer le droit du sol. Une réponse aux manifestations et blocages qui secouent le département le plus pauvre de France depuis près d’un mois. Mais l’île ne souffre pas seulement d’insécurité. Manque d’eau, pénuries alimentaires en vue et immigration… Le point sur les crises qui se multiplient à Mayotte.

Colère contre l’insécurité

La mesure exceptionnelle et drastique annoncée par Gérald Darmanin entend calmer la colère d’une partie des habitants de l’île qui bloquent depuis le 22 janvier la circulation de grands axes routiers. Le collectif des « Forces vives de Mayotte » maintient des barrages aux quatre coins de Mayotte, sur les routes et sur le port, paralysant la circulation et perturbant la vie économique du département.

Ils se dressent contre l’insécurité et la délinquance, en lien avec une immigration clandestine qu’ils jugent incontrôlée. Plus précisément, ils demandent l’expulsion de réfugiés originaires d’Afrique des Grands lacs, installés dans un camp de fortune autour du stade de Cavani, à Mamoudzou, et réclament la fin des actes de délinquance et des affrontements. Sur la suppression du « séjour territorialisé », qui empêche les détenteurs d’un titre de séjour à Mayotte de se rendre en métropole, ils ont obtenu gain de cause car la fin du droit du sol permettra de « mettre fin au visa territorialisé », a précisé le ministre de l’Intérieur.

Cette colère montre aussi l'échec de l'opération Wuambushu lancée au printemps 2023, pendant laquelle des centaines de policiers et gendarmes supplémentaires avaient été déployés à Mayotte pour tarir le flux d'arrivées de migrants des Comores et combattre la délinquance et l'habitat insalubre. Le ministère de l'Intérieur a néanmoins annoncé préparer « une nouvelle opération d'ampleur contre la délinquance et l'immigration illégale », l'entourage de Gérald Darmanin évoquant une « opération Wuambushu 2 ».

Des blocages jusqu’aux pénuries

A cause de ces barrages de la colère, Mayotte voit les rayons de ses supermarchés se vider et les risques de pénurie poindre. Selon l’Agence de la transition énergétique (Ademe), le port de Longoni (nord de l’île), ciblé par la contestation, couvre 65 % des besoins alimentaires du territoire. Et même quand les camions parviennent à sortir du port, leur arrivée n’est pas garantie. Dans les supermarchés, la situation commence donc à devenir critique.

« Depuis le début du mouvement, nous n’avons pas été approvisionnés », avait témoigné début février Zouhaïri Tadjiri, représentant du groupe Bourbon Distribution Mayotte, devant les rayons presque vides d’un supermarché de Sada, dans l’ouest de l’île. Depuis, la situation s’est aggravée. Seules quelques bouteilles de soda trônent encore sur les rayonnages du commerce. Du côté des produits locaux, la distribution est aussi complexe. Au total, « 80 % des éleveurs de notre syndicat sont des petits agriculteurs et ils ne parviennent pas à écouler leurs stocks », s’inquiète Ali Ambody, le président du syndicat des éleveurs de Mayotte.

Tensions entre habitants

Des tensions naissent aussi de ces blocages. Car, au-delà de ces actions des collectifs, des barrages sont érigés par des jeunes encagoulés qui s’en prennent aux automobilistes. « Des délinquants munis d’armes blanches cherchent à profiter de la situation », confirme la préfecture. Certains jours sont ainsi ponctués « d’affrontements sporadiques entre des jeunes et les forces de l’ordre, cibles de caillassages », indiquent les forces de l’ordre.

Parfois, ils s’en prennent à des citoyens lambda comme fin janvier, près d’un club de tennis, où des habitants ont été caillassés. Ils ont aussi ciblé des automobilistes, essayant de leur voler leur voiture, selon les forces de l’ordre qui estiment qu’une centaine de jeunes au total ont participé à ces violences. Quelques jours plus tôt, des agents et professeurs d’un collège ont exercé leur droit de retrait après la tentative d’intrusion d’une cinquantaine de jeunes extérieurs à l’établissement. Dans ce contexte, l’hôpital ne peut aller chercher les personnes blessées ou malades que par hélicoptère.

Une crise de l’eau qui se résorbe

Depuis six mois, l’île souffre par ailleurs d’une terrible sécheresse qui oblige les autorités à mettre en place des restrictions d’eau. Grâce à une récente amélioration de la situation météorologique, et donc à des précipitations, les coupures d’eau ont été allégées mi-janvier, ramenées à un jour sur deux. Depuis fin août 2023, l’eau courante était en effet disponible seulement un jour sur trois à Mayotte en raison d’une sécheresse historique, couplée à un manque d’infrastructure et d’investissements.

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L’arrivée de la saison des pluies, courant décembre, a notamment fait remonter le niveau des deux retenues collinaires (lacs artificiels) qui assurent, avec les rivières, 80 % de l’approvisionnement en eau de Mayotte. Fin décembre, quinze habitants et une entreprise de l’archipel ont déposé plainte au parquet de Mamoudzou contre le Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (SIEAM) et son délégataire, les accusant de les exposer à un risque immédiat de mort ou de blessures.