Pas du ventL’éolienne tient sa « success story » en Europe, mais pas encore en France

Energie : La revanche de l’éolienne, mal-aimée en France mais incontournable en Europe

Pas du ventEn 2023, les éoliennes ont produit plus d’électricité que les centrales à gaz en Europe. Mais le mouvement a encore du mal à prendre en France
Moquée et critiquée, l'éolienne est en train de prendre sa revanche.
Moquée et critiquée, l'éolienne est en train de prendre sa revanche. - Montage X.R./20 Minutes / Canva
Xavier Regnier

Xavier Regnier

L'essentiel

  • L’électricité produite par les éoliennes a dépassé celle des centrales à gaz en Europe en 2023, ce qui en fait la deuxième source d’énergie du continent. Parmi les bons élèves : l’Allemagne, l’Espagne et le Danemark.
  • Si la France est troisième productrice européenne d’énergie éolienne, des procédures juridiques lourdes freinent encore le développement de cette technologie. Il y a « des oppositions assez fortes au niveau local » en France, « pas étrangères au poids du nucléaire », note Camille Dafard, cheffe du centre énergie de l’Institut Jacques Delors.
  • Pour convaincre et rendre l’éolien plus acceptable, il faut associer les citoyens et les « éduquer, inciter et montrer les avantages », comme la sécurisation d’une énergie nationale et la création d’emplois locaux.

Un vent d’avenir souffle sur l’Europe. En 2023, la production d’électricité par les éoliennes a dépassé celle des centrales à gaz sur le Vieux Continent, faisant des graciles moulins à trois pales la deuxième source d’énergie européenne, selon un rapport du think tank britannique Ember. Une « success story » pour Camille Defard, cheffe du centre énergie de l’Institut Jacques Delors. « Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, les Européens ont compris que le gaz, notamment russe, n’était pas une énergie d’avenir », analyse-t-elle.

Plusieurs éléments permettent d’expliquer cette « étape historique ». D’abord, sur le plan structurel, « partout en Europe on développe les capacités éoliennes », parfois plus vite qu’en France, indique Carine Sebi, professeure titulaire de la chaire Energy for Society à la Grenoble Ecole de management. Voilà pour l’augmentation de la production, passée à 475 TWh, soit 13 % de plus que l’an dernier. Vient ensuite la conjoncture économique et climatique. Sur le réseau, « on prélève les énergies renouvelables en premier, puis on allume le thermique pour compenser les besoins », explique Carine Sebi. Or, « on est sur une économie qui repart doucement et sur un huitième mois consécutif » battant un record de chaleur, « donc on utilise moins d’électricité ». Et hop, respectivement 15 % et 26 % de production en moins côté gaz et charbon, et une bonne nouvelle pour la planète.

Allemagne, Espagne et Danemark, exemples à suivre

Parmi les bons élèves figurent l’Allemagne et l’Espagne, les deux plus gros producteurs européens, mais aussi le Danemark, qui tire plus de 40 % de sa consommation électrique de l’éolien. Trois pays qui disposent de « nombreuses entreprises spécialisées » et de « lois stables et d’objectifs clairs », insiste Carine Sebi. Hors Union européenne, il faut ajouter le Royaume-Uni à ce groupe, « historiquement à l’avant-garde du passage à l’éolien ». Mais aussi l’Irlande et le Portugal, convertis, et la Belgique et les Pays-Bas qui « disposent d’une forte industrie offshore et maritime » en adéquation avec leur géographie. « C’est le résultat de dix à quinze ans d’efforts politiques » constants, appuie Camille Defard.

Et la France dans tout ça ? Troisième plus gros producteur européen d’énergie éolienne, l’Hexagone souffre néanmoins d’un développement encore trop faible. Bruxelles avait fixé un objectif « de 23 % de production d’énergies renouvelables en 2021, on n’était qu’à 19 % », compte Carine Sebi. La faute notamment « à des procédures juridiques lourdes » qui entraînent une difficulté à obtenir des permis de construire. « Il a fallu dix ans pour que le projet offshore de Saint-Nazaire voie le jour », rappelle l’experte. Un rapport de la Cour des comptes publié le 16 octobre pointait également les freins réglementaires au développement de l’éolien.

« Il faut changer le narratif associé aux éoliennes »

« Il y a des oppositions assez fortes au niveau local », ajoute Camille Defard. Bruit, pollution visuelle, doutes sur les capacités de production et impact environnemental de la technologie, les éoliennes ont longtemps été décriées en France. Une vision « pas étrangère au poids du nucléaire », singulier par rapport à nos voisins, mais aussi « aux signaux envoyés par le gouvernement », selon elle. « Il faut changer le narratif associé aux éoliennes, éduquer, inciter et montrer les avantages », pousse Carine Sebi.

Si l’on veut finir par convaincre, notamment à droite, l’experte met en avant les « arguments sensibles que sont la sécurisation d’une énergie nationale et la création d’emplois locaux ». « En Allemagne, on a beaucoup associé les citoyens, ça donne une plus grande acceptabilité », abonde Camille Defard. L’urgence de la transition énergétique outre-Rhin, où le nucléaire a été abandonné, a aussi aidé à faire pousser les éoliennes. « On pourrait mettre en place des mesures additionnelles à la création d’un parc, propose Carine Sebi, comme la replantation d’arbres ou la rénovation de bâtiments collectifs. » Pour que, enfin, l’éolienne achève sa revanche dans le cœur des Français.