récap'Tout savoir sur les élections hors normes qui se déroulent en Indonésie

Présidentielle en Indonésie : Buffle, TikTok, 800.000 bureaux… Tout savoir sur l’un des plus grands scrutins au monde

récap'En Indonésie, pays d’Asie du Sud-Est de plus de 270 millions d’habitants à majorité musulmane, près de 205 millions d’électeurs sont appelés aux urnes ce mercredi à l’occasion du scrutin présidentiel
Un travailleur porte une boîte de bulletin préparée pour les élections du 14 février 2024 qui se tiendront dans un stade de Jakarta, en Indonésie, troisième plus grande démocratie au monde.
Un travailleur porte une boîte de bulletin préparée pour les élections du 14 février 2024 qui se tiendront dans un stade de Jakarta, en Indonésie, troisième plus grande démocratie au monde. - V.Thian/AP/SIPA / SIPA
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Près de 205 millions d’Indonésiens sont appelés aux urnes mercredi pour élire leur président et leurs députés. Le pays prépare depuis des mois ce qui s’avère être l’un des plus grands scrutins au monde, organisé sur une seule journée, un exploit qui nécessite de transporter le matériel électoral par bateau, avion, à dos de cheval ou de buffle, à travers l’archipel aux 17.000 îles. 20 Minutes vous dit tout sur ce scrutin hors normes alors que trois candidats sont en lice et qu’un second tour pourrait être nécessaire en juin si aucun d’entre eux n’obtient plus de 50 % des voix au premier.

Qui sont les candidats en lice ?

L’élection présidentielle met aux prises Prabowo Subianto, actuel ministre de la Défense, 72 ans, issu de la vieille élite politique du pays et deux candidats qui se présentent pour la première fois. Ganjar Pranowo, 55 ans, candidat du Parti démocratique indonésien de lutte (PDI-P), un temps favori, est désormais devancé dans les sondages par Anies Baswedan, 54 ans, ancien ministre de l’Education, considéré comme proche des musulmans conservateurs.

En jeu, la succession de Joko Widodo, surnommé « Jokowi », élu une première fois en 2014, puis pour un second mandat en 2019, et qui ne peut pas se représenter. Battu à deux reprises par Jokowi, Prabowo Subianto a cette fois pour colistier le fils aîné du président sortant, Gibran Rakabuming Raka, maire de Surakarta. Promettant de poursuivre la politique de Jokowi, l’ex-général est largement en tête des intentions de vote.

Sur ce montage, les candidats à la présidentielle indonésienne, de gauche à droite, Anies Baswedan, Prabowo Subianto et Ganjar Pranowo.
Sur ce montage, les candidats à la présidentielle indonésienne, de gauche à droite, Anies Baswedan, Prabowo Subianto et Ganjar Pranowo.  - AP/SIPA

Comment va se dérouler la présidentielle indonésienne ?

Sur un territoire qui s’étend sur 5.000 kilomètres et trois fuseaux horaires, les bureaux de vote ouvriront à 7 heures du matin à l’ouest de l’archipel (heures locales) et ne resteront ouverts que durant six heures. Des milliers de bénévoles préparent depuis des mois le matériel électoral et plus de cinq millions de volontaires se relaieront pour tenir plus de 800.000 bureaux de vote.

A noter que près d’1,7 million d’Indonésiens vivant à l’étranger ont déjà commencé à voter, certains par correspondance. Pour rendre la tâche encore plus compliquée, en plus de l’élection présidentielle, le pays choisira aussi ses députés et des élus locaux. Outre l’élection présidentielle, qui nécessitera un second tour en juin si aucun des candidats n’obtient la majorité, 20.000 sièges d’élus régionaux et locaux sont donc en jeu ainsi que 580 sièges de députés que se disputent 18 partis.

Pourquoi la tâche est-elle justement si compliquée ?

Parce que… la météo. « La distribution du matériel et le vote auront lieu en pleine saison des pluies », a relevé il y a quelques mois le président de la commission électorale, Hasyim Asyari, espérant que « le pire ne se produirait pas » dans un pays où des quartiers entiers sont régulièrement inondés.

Puis… la géographie. Par tous les moyens de transport possibles, les autorités ont commencé à distribuer les urnes sous la protection d’agents armés, dans tous les coins de l’immense archipel qui abrite des centaines de groupes ethniques et de langues. Dans la province occidentale d’Aceh, sur la grande île de Sumatra, les autorités s’interrogeaient encore en fin de semaine pour savoir si des éléphants seraient de nouveau utilisés pour transporter les urnes comme en 2019. Dans celle de Lampung, sur la même île, des buffles sont les seuls à pouvoir emprunter les pistes boueuses pour atteindre quatre villages isolés. Enfin, des hors-bord achemineront les bulletins vers les Mille-îles, éparpillées au large de Jakarta et des navires de guerre ont également été mobilisés dans d’autres régions.

Et enfin… le clientélisme. A l’approche de l’élection, cadeaux et enveloppes s’échangent encore dans une Indonésie toujours marquée par la corruption. Un habitant, interrogé par l’AFP, s’est, par exemple, vu remettre un tee-shirt et 100.000 roupies, soit environ six euros, contre la promesse de voter pour un candidat. Pour s’attaquer au problème, l’agence de supervision des élections, Bawaslu, a appelé les citoyens à dénoncer tout achat ou tentative d’achat de voix. En vain. Au moins 56 candidats précédemment reconnus coupables de corruption sont encore en lice cette année pour les élections législatives. Autre menace, les cyberattaques. Une force spéciale a été créée pour l’occasion afin de se prémunir contre de possibles attaques intérieures ou venant de l’étranger. Plusieurs fuites de données, notamment au niveau de la commission électorale centrale, ont d’ores et déjà suscité l’inquiétude.

Quel rôle de la désinformation ?

A l’approche de l’élection, la désinformation fleurit sur les réseaux sociaux. De petites armées de fact-checkers, tous bénévoles, consacrent leur temps libre à lutter contre les « fake news ». La désinformation à l’approche d’une élection n’est pas propre à l’Indonésie, mais l’archipel est particulièrement concerné en raison de l’énorme audience des réseaux sociaux et du faible niveau de culture numérique. Selon le site d’analyse DataReportal, 167 millions de personnes, soit près des deux tiers de la population, étaient actives sur les réseaux sociaux en Indonésie début 2023.

Tout savoir sur l'Indonésie

Le nombre de fausses informations repérées quelques semaines avant le scrutin est cependant inférieur à celui constaté lors de l’élection de 2019. Parmis elles, une infox affirmait que l’Indonésie avait délivré plus de 13.000 documents d’identité à des citoyens chinois pour qu’ils puissent voter, tandis qu’un documentaire affirmant que le président indonésien Joko Widodo a utilisé les ressources de l’État pour tenter d’influencer l’élection en faveur de son ministre de la Défense est devenu viral. L’AFP n’a pas pu vérifier de manière indépendante les affirmations du documentaire. Enfin, la police soutiendrait ouvertement Prabowo Subianto, grand favori pour succéder au président sortant Joko Widodo. Là aussi, c’est faux.

Le portage des urnes aux bureaux de vote avant les élections du 14 février, dans le village de Kanekes, en Indonésie, le mardi 13 février 2024.
Le portage des urnes aux bureaux de vote avant les élections du 14 février, dans le village de Kanekes, en Indonésie, le mardi 13 février 2024.  - Rangga Firmansyah/AP/SIPA

Pourquoi les candidats misent-ils sur le vote jeune ?

Dans un pays où les moins de 40 ans représentent plus de la moitié des quelque 205 millions d’électeurs, le favori Prabowo Subianto, 72 ans, et ses deux rivaux Anies Baswedan et Ganjar Pranowo ont multiplié les messages sur Instagram, TikTok et les autres plateformes à même de faire basculer le vote jeune. Forte de ses 125 millions d’utilisateurs, l’Indonésie représente le plus grand marché de TikTok au monde, derrière les Etats-Unis, et le premier en Asie du Sud-Est.

Si Facebook et Twitter étaient dominants lors de la précédente élection en 2019, aujourd’hui, la bataille se joue sur TikTok. A l’issue du premier débat présidentiel en décembre, des extraits vidéo ont été visionnés 300 millions de fois en douze heures sur TikTok, dont les trois quarts téléchargés par des utilisateurs engagés en faveur d’un candidat,

Quel est le principal enjeu du scrutin ?

Ce sera de savoir si le successeur de Jokowi mènera à bien sa décision de déplacer la capitale de Jakarta à Nusantara, sur l’île de Bornéo. En plus d’être fortement polluée, Jakarta, métropole de 30 millions d’habitants, s’enfonce sous le poids des constructions, ses fondations étant fragilisées par le pompage des nappes phréatiques et est menacée par la montée du niveau de la mer. Nusantara doit être officiellement inaugurée le 17 août prochain, anniversaire de l’indépendance.

Si Prabowo Subianto et Ganjar Pranowo ont promis de poursuivre le développement de Nusantara, Anies Baswedan a déclaré dans un entretien à l’AFP que la priorité était de résoudre les problèmes de Jakarta, où de vastes zones pourraient être inondées d’ici 2050.