gourous médicauxC’est quoi ce nouveau délit de « provocation à l’abandon de soins » ?

Loi sur les dérives sectaires : « On ne soigne pas les gens en faisant n’importe quoi »

gourous médicauxL’Assemblée a adopté ce mercredi un texte de lutte contre les dérives sectaires, avec un suspense autour d’un nouveau délit pour punir « la provocation à l’abstention de soins » médicaux
L'Assemblée nationale s'est opposée à la création d'un nouveau délit de « provocation à l'abandon de soins ».
L'Assemblée nationale s'est opposée à la création d'un nouveau délit de « provocation à l'abandon de soins ». - SYSPEO/SIPA / /SIPA
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • L’article controversé sur la création d’un délit pour « provocation à l’abandon de soins » de la loi sur les dérives sectaires a finalement été adopté par l’Assemblée nationale après modification, mercredi.
  • Il vise les « solutions miracles proposées par certains pseudo-thérapeutes contre des pathologies cancéreuses, comme des injections de gui » ou « des jus de citron », selon la Miviludes.
  • Mais en quoi et dans quels cas l’arrêt des traitements et des soins peut-il être dangereux pour les patients ? Comment les médecins luttent-ils contre ces discours qui peuvent avoir des conséquences dramatiques ? Réponses avec Margot Bayard, vice-présidente du syndicat des médecins généralistes, MG France.

C’est l’une des mesures phares et controversées du texte sur les dérives sectaires. L’article 4 proposant la création d’un nouveau délit de « provocation à l’abandon de soins » visant notamment ces gourous 2.0 qui convainquent certains patients à se soigner avec des méthodes dites naturelles ou de « médecine douce », a dû être modifié pour être adopté par l’Assemblée nationale mercredi.

Mais pourquoi l’abandon de soins peut-il être dangereux ? Comment les médecins tentent-ils de légitimer leur discours face à certains « pseudo-thérapeutes » ? Réponses avec Margot Bayard, vice-présidente du syndicat des médecins généralistes, MG France.

La provocation à l’abandon de soins, c’est quoi ?

Vous les avez peut-être déjà croisés sur les réseaux sociaux ou Doctolib. Certains naturopathes, « gourous 2.0 » ou « pseudo-thérapeutes » comme les qualifie la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), incitent des patients à abandonner leur traitement et les soins de la médecine traditionnelle occidentale au profit de méthodes dites plus naturelles.

Des « solutions miracles […] contre des pathologies cancéreuses, comme des injections de gui » ou « des jus de citron », résume la Miviludes. L’article 4 avait comme objectif de punir cette incitation notamment quand elle expose le patient à un risque « grave » pour la santé.

Pourquoi arrêter le traitement peut-il être dangereux ?

Si les antibiotiques ce n’est pas automatique comme le rabâchait le slogan lancé en 2002, d’autres médicaments et traitements sont indispensables pour certaines maladies. « Ne plus recevoir de soins peut aboutir à des complications, au développement de maladies chroniques indolentes et discrètes, comme le diabète », pose Margot Bayard qui rappelle simplement « que l’espérance de vie en bonne santé est liée à des soins de qualité ».

Lorsque l’on entre dans le détail de certaines pathologies, comme le cancer, « la chimiothérapie, qui peut être curative ou palliative, améliore et augmente l’espérance de vie donc proposer d’arrêter les traitements c’est criminel », développe la médecin généraliste qui exerce dans le Tarn. « Certains qui se disent thérapeutes se prennent pour de vrais médecins et se permettent de donner un avis médical à l’encontre de l’intérêt du patient. Il faut faire attention, on ne soigne pas les gens en faisant n’importe quoi », abonde-t-elle.

Même si le traitement est repris par la suite, l’interruption momentanée peut avoir de lourdes conséquences sur la suite. Pour ce qui est de l’exemple du cancer, « lorsqu’on interrompt la chimiothérapie, on augmente le risque que le cancer évolue, métastase et s’étende alors une fois qu’on reprendra la chimio, la maladie aura évolué et on ne sera pas face au même risque vital », explique Margot Bayard.

Comment lutter contre ce discours à contre-courant ?

Margot Bayard reste alors « vigilante » quand ses patients lui annoncent aller voir tel ou tel thérapeute « par eux-mêmes ». « Quand une personne est tentée, je lui dis de faire attention », ajoute-t-elle. Le médecin généraliste doit instaurer et garder un lien de confiance avec son patient. Car « c’est dans le dialogue qu’on peut faire contrepoids, après quand le patient est sous emprise, c’est plus compliqué car on ne le voit plus », souligne Margot Bayard. Autrement dit, il est déjà trop tard et c’est alors la famille qui vient témoigner et s’inquiéter auprès du médecin. C’est pourquoi la médecin généraliste insiste sur l’importance de « l’écoute du patient, de la transparence et du dialogue ».

L'info en + sur les dérives sectaires

Depuis la crise sanitaire, une défiance envers la parole du corps médicale et qualifiée « d’infodémie » par l’Organisation mondiale de la santé, s’est amplifiée, et pas seulement en France. Là encore, pour Margot Bayard, il s’agit d’un « problème lié à la confiance ». « Quand vous expliquez avec des arguments scientifiques en prenant en compte le contexte de chaque patient avec approche globale, on arrive à faire tomber des défiances », assure-t-elle.