FOOTBALLComme son modèle Ben Arfa, Saïd Benrahma « a besoin d’amour » pour briller

OL-OGC Nice : Comme son modèle Ben Arfa, l’ancien Niçois Saïd Benrahma « a besoin d’amour » pour briller

FOOTBALLLe nouvel ailier de l’Olympique Lyonnais va retrouver ce vendredi (21 heures) en Ligue 1 l’OGC Nice, où il a passé cinq saisons sans jamais s’y imposer, de 2013 à 2018
Saïd Benrahma, ici lancé dans un numéro de dribbles, pour son premier match sous ses nouvelles couleurs, dimanche dernier à Montpellier (1-2).
Saïd Benrahma, ici lancé dans un numéro de dribbles, pour son premier match sous ses nouvelles couleurs, dimanche dernier à Montpellier (1-2). - Manuel Blondeau/AOP/SIPA / SIPA
Jérémy Laugier

Jérémy Laugier

L'essentiel

  • L’Olympique Lyonnais accueille ce vendredi (21 heures) l’OGC Nice, en ouverture de la 22e journée de Ligue 1.
  • L’une des principales recrues de l’imposant mercato hivernal lyonnais, Saïd Benrahma (28 ans), va en profiter pour découvrir le Parc OL, et retrouver le Gym, où il a signé son premier contrat professionnel, sans jamais parvenir à s’y imposer, de 2013 à 2018.
  • Révélé en Championship (avec Brentford) puis en Premier League (avec West Ham), l’ailier international algérien cite Hatem Ben Arfa comme source d’inspiration majeure et présente un parcours et une personnalité atypiques.

Malgré cinq années passées entre Ligue 1 et Ligue 2, il ne faut pas parler de retour en France à l’international algérien Saïd Benrahma (28 ans), l’une des recrues majeures de l’Olympique Lyonnais cet hiver. « Oui, j’y ai joué mais j’étais super jeune. C’est surtout une nouvelle histoire qui commence vraiment pour moi ici », indiquait-il ainsi sur OL Play, juste après son arrivée assez rocambolesque. Il n’empêche que pour son deuxième match avec l’OL, ce vendredi (21 heures), l’ancien ailier de West Ham aura forcément des tas de souvenir qui vont remonter, puisqu’il affronte l’OGC Nice, où il évoluait de 2013 à 2018. S’il a signé son premier contrat pro avec le Gym, en juin 2015, juste avant d’avoir 20 ans, pouvoir vivre du football n’apparaissait pas comme une évidence dans le parcours atypique de Saïd Benrahma.

Arrivé dans la région toulousaine à 15 ans, avec sa mère et l’une de ses grandes sœurs, en provenance d’Algérie, cet adolescent passionné de foot se retrouve en U15 régionaux pendant quelques mois à Balma (Haute-Garonne), avant de rejoindre Colomiers en 2011. Fabrice Dubois, qui l’a surclassé en 2011-2012 dans son équipe de U19 nationaux à Colomiers, raconte son évolution brutale : « Saïd a explosé lors de sa saison en U19. En tant que milieu percutant allant très vite, il sautait immédiatement aux yeux de tous. Il se passait toujours quelque chose quand il touchait le ballon. C’est pourquoi Bordeaux, Monaco et Nice se sont mis dessus ».

L'un des plus déroutants dribbleurs de l'histoire de notre Ligue 1 et Zlatan Ibrahimovic.
L'un des plus déroutants dribbleurs de l'histoire de notre Ligue 1 et Zlatan Ibrahimovic. - J.E.E/SIPA

« Il a eu besoin d’un peu de temps pour rendre son jeu moins foufou »

Contrairement à la plupart des jeunes talents dans l’Hexagone, Saïd Benrahma n’intègre donc un centre de formation de club pro qu’à 18 ans, en optant pour l’OGC Nice. Claude Puel convoque vite le prometteur milieu offensif dans les entraînements du groupe professionnel. « Claude Puel avait un côté paternaliste avec Saïd, se souvient Fabrice Dubois, resté très proche de son ancien joueur. Il l’a pris sous son aile et il a poussé pour lui faire signer son premier contrat pro en 2015. Je me souviens qu’il lui avait dit "Fais tes projets en silence, la réussite se chargera du bruit". »

Dès le 5 octobre 2013, Saïd Benrahma se retrouve lancé dans le grand bain avec un match de Ligue 1 à Toulouse (1-0). « Tout le monde a immédiatement vu qu’il avait plein de qualités, explique Paulin Puel, le fiston de Claude, qui a lui aussi découvert l’effectif professionnel niçois la même saison. Il était imprévisible et il a eu besoin d’un peu de temps pour structurer son jeu, pour le rendre moins foufou. » Il lui faut attendre avril 2015 pour inscrire son premier but dans l’élite, synonyme de succès (0-1) à Reims. L’un des tournants de la période azuréenne de Saïd Benrahma a lieu deux mois plus tard, lorsqu’un certain Hatem Ben Arfa rejoint les Aiglons.

Avant de partir en prêt à Angers en janvier 2016, Saïd Benrahma a pu côtoyer pendant six mois un Hatem Ben Arfa en pleine saison de sa vie au Gym.
Avant de partir en prêt à Angers en janvier 2016, Saïd Benrahma a pu côtoyer pendant six mois un Hatem Ben Arfa en pleine saison de sa vie au Gym.  - JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

« Saïd a besoin d’une connexion spéciale avec son entraîneur »

Lors de sa récente interview pour OL Play, c’est ce nom qui a spontanément fusé lorsqu’on lui demandait quel joueur lui évoquait le club lyonnais. « Lui, c’est un génie, il m’a donné envie de jouer au football, précise le nouvel ailier gauche de l’OL. Il m’a vraiment impressionné. Après, j’ai pu jouer avec lui, et je ne regrette pas de l’avoir suivi. » Hatem Ben Arfa pourrait-il donc encore être un modèle à suivre lorsqu’on ambitionne de s’installer durablement au plus haut niveau ?

« En tout cas, je me souviens qu’ils étaient très proches en dehors du terrain, indique Paulin Puel. Saïd n’hésitait pas à charrier un peu Hatem. Entre les dribbles et le côté imprévisible, on peut dire qu’ils sont dans le même registre, ces joueurs qu’on ne met pas dans une case. Et puis comme Hatem, Saïd a besoin d’une connexion spéciale avec son entraîneur, il a presque besoin qu’on construise l’équipe autour de lui. » »

Sauf qu’il était très compliqué pour Claude Puel d’offrir de telles libertés offensives à deux joueurs aux profils proches. Et entre un Hatem Ben Arfa prime à 28 ans et un Saïd Benrahma émergeant tout juste à 20 piges (3 buts en 17 matchs de Ligue 1 de 2013 à 2015), le choix est assez clair pour l’entraîneur niçois de l’époque. Une longue traversée du désert s’amorce alors en janvier 2016 pour le néo-international algérien, avec des prêts à Angers (Ligue 1), au Gazélec Ajaccio puis à Châteauroux (Ligue 2), et même six mois à ronger son frein avec la réserve niçoise en National 2, alors que le successeur de Claude Puel, Lucien Favre, ne compte pas du tout sur lui.

Ici en plein fou rire avec ses anciens coéquipiers à West Ham Issa Diop et Alphonse Areola, Saïd Benrahma met beaucoup de vie dans les vestiaires où il passe.
Ici en plein fou rire avec ses anciens coéquipiers à West Ham Issa Diop et Alphonse Areola, Saïd Benrahma met beaucoup de vie dans les vestiaires où il passe. - Arfa Griffiths/West Ham United/S/SIPA

« Il voulait toujours faire le petit pont de plus »

« Certains joueurs sont capables de faire le dos rond quand ils sont en manque de temps de jeu, précise Paulin Puel. Mais Saïd est impatient : il veut vite voir ailleurs s’il ne joue pas et il montre qu’il est frustré. Attention, ce n’est pas du tout un ingérable mais il est impulsif et il peut avoir des réactions inappropriées, avant de revenir très vite à la raison. » On touche là à la réputation de joueur difficile à cadrer dans un groupe que traîne Saïd Benrahma, essentiellement en raison de petits accrochages au moment d’être remplacé par David Moyes à West Ham (en février 2022) et surtout par Djamel Belmadi avec la sélection algérienne (en octobre 2023).

« Dans un vestiaire, on a besoin de quelqu’un comme Saïd, défend son ancien coéquipier à Châteauroux, le latéral Chaker Alhadhur. C’est un très très gros chambreur, il s’ouvre beaucoup aux autres. Après oui, il a son caractère et il peut se braquer par moments. Ça lui arrivait parfois d’abuser, d’être dans l’excès et d’énerver quelques joueurs à l’entraînement car il voulait toujours faire le petit pont de plus, c’était dans sa personnalité. Il aimait tellement chambrer que parfois, ça pouvait dégénérer. Mais ça reste un super gars. » »

Si sa première titularisation, dimanche à Montpellier (1-2), s'est révélée plutôt décevante, les premiers retours de son intégration dans un groupe en plein renouveau sont d’ailleurs très positifs. Il ne s’agira pas d’une surprise pour les supporteurs de Brentford, où Saïd Benrahma a crevé l’écran durant deux saisons de Championship sous les ordres du Danois Thomas Frank (27 buts et 24 passes décisives en 83 matchs), après avoir été acheté moins de 2 millions d’euros au Gym.

Buteur lors de la dernière finale de Ligue Europa Conférence avec West Ham

Outre-Manche, l’ancien Niçois collectionne plutôt les beaux souvenirs, comme la joie partagée avec sa mère après son premier sacre majeur remporté en juin 2023 avec West Ham, la Ligue Europa Conférence (2-1 contre la Fiorentina en finale, dont un penalty de Benrahma). Autre moment fort pour lui : le 1er février 2020, quelques jours après être rentré en Algérie en raison du décès de son père, il inscrit un superbe triplé à Hull City avec Brentford (1-5). Après chacun de ses buts, il montre son tee-shirt « Je t’aime papa ». Proche de la famille Benrahma, Fabrice Dubois a régulièrement dormi dans la maison que Saïd partageait avec sa maman à Londres, après avoir assisté à de sacrées affiches de PL avec son ex-protégé. « Le voir passer pro OK, mais l’accompagner sur des matchs à Liverpool ou à Manchester City, je ne m’imaginais pas tout ça », sourit l’éducateur sportif haut-garonnais.

Saïd Benrahma a fêté son premier titre européen aux côtés de sa maman, en juin dernier à Prague.
Saïd Benrahma a fêté son premier titre européen aux côtés de sa maman, en juin dernier à Prague. - Daniel/phcimages/Cover ImagesCOVER/SIPA

Chaker Alhadhur, qui l’a vu claquer 12 buts en Ligue 2 avec Châteauroux dans « sa saison déclic » en 2017-2018, n’a pas du tout été surpris par son ascension en Premier League : « On savait direct qu’il allait partir dès la fin de cette année-là en Ligue 2. J’ai revu une compil de lui à Brentford : il dribblait parfois trop, mais pfiou, tous ses petits ponts et ses gestes techniques étaient incroyables. Je me demande encore pourquoi ça ne l’avait pas fait pour lui avant en Ligue 1 avec Nice… Saïd a besoin qu’on lui donne beaucoup d’amour, et dès qu’il a ça, il est quasiment inarrêtable ». Pierre Sage et les supporteurs lyonnais sont prévenus.