rechercheUne thérapie sous champis pour contrer la dépression, vraiment ?

Une thérapie sous champis pour contrer la dépression, vraiment ?

rechercheTrente patients en sevrage alcoolique et présentant des symptômes dépressifs participeront à l’expérimentation pilote assistée par le principe actif des champignons hallucinogènes qui va débuter au CHU de Nîmes. Et il est encore temps de postuler
Une psychothérapie (illustration)
Une psychothérapie (illustration) - spb2015 / Getty Images
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Une étude pilote de psychothérapie assistée par psilocybine (le principe actif des champignons hallucinogènes) va débuter au CHU de Nîmes.
  • Le but : aider des patients en sevrage alcoolique à lutter contre leurs symptômes dépressifs et, ainsi, éviter une rechute.
  • Trente patients participeront à l’expérimentation mais ils n’ont pas encore tous été recrutés. « On peut inclure les patients à partir de deux semaines d’arrêt de l’alcool et jusqu’à deux mois », précise Amandine Luquiens, psychiatre addictologue au CHU de Nîmes et responsable de l’étude.

Si on vous dit « champignons hallucinogènes », vous avez sûrement en tête l’image d’un hippie en plein délire, lové dans un nuage multicolore. Pourtant, la psilocybine, le principe actif de certains champignons hallucinogènes, est de plus en plus utilisée en médecine, notamment en Suisse, au Canada ou en Australie pour lutter, par exemple, contre la dépression résistante.

Si la France a mis fin aux recherches sur le sujet dans les années 1960 pour des raisons culturelles, politiques et sociologiques, le pays fait désormais marche arrière. Une étude pilote de psychothérapie assistée par psilocybine est sur le point de débuter au CHU de Nîmes. Une première en France.

Un encadrement hospitalier

Cette « étude PAD » porte sur 30 patients en sevrage alcoolique souffrant de dépression. A deux reprises et à trois semaines d’intervalle, ils effectueront une séance de psychothérapie assistée par psilocybine. « Deux patients sur trois se verront administrer une forte dose de 25 mg et un sur trois une faible dose de 1 mg », explique Amandine Luquiens, psychiatre addictologue au CHU de Nîmes et responsable de l’étude. Entre les deux séances, ils resteront hospitalisés et participeront au programme de soins habituel de prévention de la rechute de l’hôpital.

L’expérimentation se fera sous haute surveillance. « Selon les individus, il peut y avoir des effets plus ou moins intenses avec des émotions très positives comme très négatives », assure la psychiatre. Un psychologue assistera le patient durant les six heures d’effet du produit, en relais avec un médecin psychiatre, afin de l’aider à gérer d’éventuelles émotions difficiles. Une session de préparation est prévue la veille ainsi qu’une séance dite « d’intégration » le lendemain permettant au patient de travailler sur le matériel psychique qui a émergé lors de l’expérience psychédélique.

Un effet immédiat

« Lorsque l’on a une dépendance à l’alcool et qu’on garde des signes de dépression quand on arrête de boire, on va rechuter deux fois plus vite qu’une personne qui arrête mais n’a pas de signe de dépression », poursuit l’addictologue. Le but est donc d’agir au plus vite.

S’il existe déjà des traitements pour lutter contre la dépression, comme des antidépresseurs, ces derniers mettent au moins trois semaines à agir et doivent être pris pendant six mois, voire davantage. Ils peuvent également donner lieu à d’importants effets secondaires et certaines personnes y sont résistantes. Avec la psilocybine, les effets sont immédiats. « Et c’est là tout l’intérêt puisque le traitement doit être efficace très rapidement afin de prévenir la rechute », insiste la responsable de l’étude.

Des études très positives

La médecin se veut optimiste, « des études prometteuses » ayant déjà été réalisées sur le sujet. La plus vaste, effectuée aux Etats-Unis en 2022 sur 230 personnes, tend à montrer l’efficacité de ce psychédélique dans le traitement de la dépression résistante. Une autre, réalisée dans le même pays et la même année, met en évidence son efficacité afin de réduire la consommation d’alcool de personnes dépendantes. Des effets qui dureraient plusieurs mois pour les personnes réceptives.

« Ces données nous poussent à croire que les personnes vivant avec des problèmes d’alcool associés à des signes de dépression auraient de bonnes raisons d’être particulièrement réceptives au traitement », avance la docteure Amandine Luquiens.

Une modulation de messagers du cerveau

Si les mécanismes d’action ne sont pas tous connus, la médecin avance quelques explications. « Sur le plan neurobiologique, des messagers du cerveau impliqués dans la régulation de l’humeur et dans les addictions vont être modulés par la prise de psilocybine, analyse la psychiatre. Au moment de la prise et dans les jours suivant, il va aussi y avoir des mécanismes de neurogenèse et de neuroplasticité. En gros, cela permet au cerveau de changer les schémas dans lesquels il s’inscrit habituellement. » Mais l’utilisation d’une substance hallucinogène permettrait aussi une réminiscence de certains événements traumatiques. « On va accompagner le patient pour faire face à ces souvenirs et les ''reranger'' », poursuit la médecin.

L’étude PAD n’est pas encore au complet. « On peut inclure les patients à partir de deux semaines d’arrêt de l’alcool et jusqu’à deux mois », précise la psychiatre. Deux principaux critères pour participer : souffrir d’une dépendance sévère à l’alcool et de symptômes dépressifs persistant après le sevrage. Des tests seront ensuite réalisés afin de s’assurer que les patients entrent bien dans les critères et ne présentent pas de contre-indications. Tentés par l’expérience ?

Si vous souhaitez postuler, vous pouvez envoyer un mail à la psychiatre addictologue Amandine Luquiens à amandine.luquiens@chu-nimes.fr ou à Julie Hemart, attachée de recherche clinique, à juliehemart@chu-nimes.fr