à la bonne placeLa commission d’enquête parlementaire sur l'A69 s’ouvre sur un gros malaise

Autoroute A69 : « Bras d’honneur », « dénigrement »… La commission d’enquête parlementaire démarre sur un gros malaise

à la bonne placeLe 27 février, la commission d’enquête parlementaire sur l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres commencera ses travaux. Mais la nomination à sa présidence du député tarnais Jean Terlier, ardent défenseur du projet, sème déjà le trouble
C'est Jean Terlier, député de la 3e circonscription du Tarn, qui a été désigné par son groupe Renaissance pour présider la commission d'enquête parlementaire de l'autoroute A69, dont il est un ardent défenseur.
C'est Jean Terlier, député de la 3e circonscription du Tarn, qui a été désigné par son groupe Renaissance pour présider la commission d'enquête parlementaire de l'autoroute A69, dont il est un ardent défenseur.  - Nicolas Messyasz SIPA / Sipa
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • L’autoroute A69 entre Toulouse et Castres (Tarn), dont le chantier a largement commencé, est devenue emblématique et doit être mise en service fin 2025.
  • Décrochée par les écologistes, une commission d’enquête parlementaire doit entamer le 27 février ses travaux pour faire la lumière sur « le montage juridique et financier » du projet.
  • L’existence de cette commission était considérée comme une victoire par les opposants. Mais ils déchantent depuis que le député du Tarn Jean Terlier (Renaissance), fervent défenseur de l'A69, a été désigné pour la présider. Les coups pleuvent et il a même fallu consulter le déontologue de l’Assemblée nationale.

Ce sera normalement plus cosy que l’ambiance piquante du chantier, encore perturbé par des affrontements et des jets de lacrymogènes ces derniers jours. Mais peut-être pas. Dans une semaine, le mardi 27 février, la commission d’enquête parlementaire sur « le montage juridique et financier » du projet d’autoroute A69 entre Toulouse et Castres entamera ses travaux et ses auditions à l’Assemblée nationale. Pour obtenir ce droit de mettre leur nez dans le contrat qui lie pour une durée de 55 ans l’Etat et Atosca, le concessionnaire de ce ruban de bitume de 53 km, les députés écologistes ont utilisé leur « droit de tirage » annuel, leur unique opportunité de demander l’ouverture de ce type d’enquête.

C’était il y a un mois. Et la nouvelle ne lassait pas de réjouir les opposants à l'A69. En particulier le collectif La voie est libre (LVEL), qui brûle d’avoir accès à des documents jusqu’ici protégés par le secret des affaires. Mais l’enthousiasme est retombé. LVEL dénonce désormais « un sacré bras d’honneur au garde-fou démocratique que représentent ces commissions d’enquête ».

Le déontologue de l’Assemblée donne quitus

Alors, que s’est-il passé entre-temps ? Eh bien jeudi 15 février, Jean Terlier, député Renaissance du Tarn, fervent défenseur de l'A69 et détracteur de la « minorité perchée dans les arbres », a été désigné président de la fameuse commission. C’est lui qui va conduire les débats. D’ailleurs, il a déjà tracé les contours de sa présidence dans un tweet. « Je serai garant du respect du périmètre et de l’objet de la commission qui ne sera pas la remise en cause de la légitimité du chantier », écrit-il.

Les opposants à l'A69 ne lui reprochent pas uniquement de croire en l’autoroute, comme une grande majorité des élus locaux. A coups de post sur les réseaux sociaux, ils pourfendent aussi sa « proximité avec les intérêts du groupe Pierre Fabre », le groupe pharmaceutique castrais dont le fondateur emblématique, aujourd’hui disparu, a pesé de tout son poids de son vivant pour obtenir la construction de l’autoroute. Or, dévoilent les opposants, l’épouse du député Jean Terlier est une cadre haut placée du géant pharmaceutique, pour qui elle travaille depuis 19 ans.

Choqué par cet argument, Jean Terlier dénonce « une campagne de dénigrement » et ne décolère pas contre « ces individus [qui] remettent en cause [son] honnêteté et [son] intégrité dans l’exercice de [son] mandat ». Dans un communiqué, le député annonce avoir lui-même saisi le déontologue de l’Assemblée nationale, Jean-Eric Gicquel, sur un éventuel conflit d’intérêts. « Bien que le groupe Pierre Fabre ait notoirement soutenu la création de cette autoroute, il n’est, à ma connaissance, pas impliqué directement dans la conclusion du montage juridique et financier », lui a notamment répondu le déontologue, dont Jean Terlier a publié des extraits de l’avis. Jean-Eric Gicquel lui donne donc quitus.

Les dessous du contrat de concession

« Il a pris une bonne décision en consultant le déontologue après avoir un peu rechigné, car j’avais moi-même fait un signalement auprès de ce dernier », souligne Christine Arrighi, députée écologiste de la Haute-Garonne. Celle qui a œuvré pour que s’ouvre cette commission d’enquête prend donc acte de l’élection de Jean Terlier à la présidence par les députés de son groupe.

« C’est une élection qui engage le groupe Renaissance, maintenant j’attends que le président préside avec toute l’objectivité nécessaire et qu’il aide à faire la lumière sur ce dossier. Nous y veillerons », ajoute Christine Arrighi. Elle aurait pu briguer la présidence mais a préféré, à « ce rôle formel », celui de rapporteure. L’écologiste espère que ses conclusions, attendues pour juillet, vont permettre de dessiller « les élus qui approuvent le projet les yeux fermés sans avoir eu connaissance des 27 annexes du contrat de concession » ou de connaître vraiment « le montant du péage qui sera réclamé aux automobilistes ».

Karen Erodi, députée LFI du Tarn et vice-présidente de la commission d’enquête, forme les mêmes vœux. Mais elle estime aussi que le choix du député Terlier « peut peser sur la sérénité des débats ». « Les gens ont besoin de transparence et il aurait très bien pu laisser sa collègue Huguette Tiegna [députée Renaissance du Lot], qui a une bonne connaissance du dossier, présider », poursuit la parlementaire. Elle espère que la liste des personnes qu’elle a dressée pour les auditions ne sera pas retoquée.