récap'Enquête, corps, Ioulia Navalnaïa… Où en est-on de « l’affaire Navalny » ?

Mort d’Alexeï Navalny : Accès au corps, enquête, silence du Kremlin… Où en est-on ?

récap'Alexeï Navalny, opposant et adversaire numéro un du président russe Vladimir Poutine, est mort vendredi dans une prison de l’Arctique. Et depuis son décès, une succession d’interrogations demeure
Des fleurs et une photo du chef de l'opposition russe Alexei Navalny sont placées près du consulat russe à Francfort, en Allemagne, le samedi 17 février 2024.
Des fleurs et une photo du chef de l'opposition russe Alexei Navalny sont placées près du consulat russe à Francfort, en Allemagne, le samedi 17 février 2024.  - Michael Probst/AP/SIPA / SIPA
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

L'essentiel

  • Ioulia Navalnaïa rencontre ce lundi à Bruxelles les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, trois jours après la mort dans une prison russe de son époux, l’opposant russe Alexeï Navalny.
  • Ce week-end, la police russe a arrêté dans des dizaines de villes des centaines de personnes venues déposer des fleurs et allumer des bougies en l’honneur de Navalny aux mémoriaux des victimes des répressions de l’ère stalinienne.
  • Les proches de Navalny ont quant à eux qualifié samedi les autorités russes de « tueurs » cherchant à « couvrir leurs traces » en refusant de leur remettre son corps. Le Kremlin garde le silence malgré les accusations de l’Occident et des rassemblements en hommage à l’opposant.

Les proches d’Alexeï Navalny ont qualifié, samedi, les autorités russes de « tueurs » cherchant à « couvrir leurs traces » en refusant de leur remettre le corps de l’opposant russe. Quatre jours après le décès du charismatique Navalny, le Kremlin, lui, garde le silence malgré les accusations de l’Occident et des rassemblements en hommage à l’opposant.

20 Minutes fait le point sur « l’affaire Navalny », alors que les proches du défunt meneur ont une fois encore été privés d’accès à sa dépouille, ce lundi.

Quand et où est mort Alexeï Navalny ?

Alexeï Navalny, représentant de l’opposition le plus marquant en Russie, est mort vendredi à l’âge de 47 ans dans la colonie pénitentiaire de l’Arctique, du district autonome de Iamalo-Nénétsie. L’adversaire numéro un du président Vladimir Poutine y purgeait une peine de dix-neuf ans. Selon les services pénitentiaires russes (FSIN), Alexeï Navalny a été victime d’un soudain malaise « après une promenade ». Celui qui avait acquis une grande popularité grâce à ses dénonciations de la corruption sous le régime de Vladimir Poutine était emprisonné depuis son retour en Russie début 2021, après un grave empoisonnement, et sa santé s’était détériorée. Il a passé près de 300 jours en cellule disciplinaire, aux conditions de détention épuisantes.

Que s’est-il passé en Russie depuis la mort de Navalny ?

Vladimir Poutine, qui n’a jamais mentionné Alexeï Navalny par son nom, était en visite dans l’Oural vendredi, et n’a pas évoqué sa mort. Le Kremlin gardant lui aussi depuis vendredi le silence. Quant à la justice russe, elle a condamné ce week-end à des peines de prison au moins 150 personnes arrêtées au cours d’hommages à l’opposant. Tous sont accusés d’avoir violé la stricte législation encadrant les manifestations, selon des données des tribunaux dimanche. Rien qu’à Saint-Pétersbourg, dans le Nord-Ouest, les juges ont condamné samedi et dimanche les manifestants à des peines allant jusqu’à quatorze jours de prison.

Le monument « Mur de douleur » en hommage aux victimes de la répression politique, comme Navalny.
Le monument « Mur de douleur » en hommage aux victimes de la répression politique, comme Navalny. - Kommersant/SIPA

Des policiers et des hommes en civil ont patrouillé sur des sites dans des dizaines de villes russes. Ils ont notamment été vus pendant la nuit enlever des mémoriaux éphémères et des images montraient des hommes encagoulés mettant des fleurs dans des sacs-poubelles sur un pont à proximité du Kremlin où un autre opposant de premier plan à Vladimir Poutine, Boris Nemtsov, a été tué en 2015. De leur côté, les proches d’Alexeï Navalny ont qualifié samedi les autorités russes de « tueurs » cherchant à « couvrir leurs traces » en refusant de leur remettre son corps.

Les proches de Navalny ont-ils eu accès au corps de l’opposant ?

Lioudmila Navalnaïa, mère de l’opposant et un avocat se sont rendus dès samedi dans la colonie pénitentiaire de haute sécurité N° 3, située dans un endroit reculé, à 2.000 kilomètres de Moscou. Depuis trois jours, la mère et les proches du défunt meneur de l’opposition russe cherchent en vain à accéder à son corps. Et ce lundi, ils ont une fois de plus été privés d’accès à la dépouille et interdits de pénétrer dans la morgue de Salekhard, capitale régionale située à une cinquantaine de kilomètres de la prison où est mort officiellement Navalny. « La mère d’Alexeï et ses avocats sont arrivés à la morgue tôt ce matin. Ils n’ont pas été autorisés à entrer. L’un des avocats a littéralement été repoussé à l’extérieur », a déclaré sur les réseaux sociaux Kira Iarmich, porte-parole d’Alexeï Navalny.

Une enquête est-elle (vraiment) en cours ?

Interrogé sur le sujet, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, s’est borné ce lundi à dire qu’une enquête était en cours et qu’il n’y avait pas de résultats « pour l’instant ». Selon Kira Iarmich, le Comité d’enquête, chargé en Russie des principales investigations criminelles, a affirmé que « les vérifications » liées à la mort de Navalny étaient « prolongées », sans précision des délais. « La cause du décès est toujours ''indéterminée''. Ils mentent, jouent la montre et ne le cachent même pas », a fustigé Kira Iarmich.

D’après Evguéni Smirnov, un avocat de l’ONG spécialisée Pervy Otdel, les enquêteurs peuvent légalement conserver jusqu’à 30 jours le corps d’une personne décédée en prison. Mais, selon lui, même après ce délai, les autorités peuvent décider d’ouvrir une enquête criminelle, procéder « à de nouvelles manipulations » et garder le cadavre « autant qu’ils le veulent ». « Le corps d’Alexeï Navalny se trouve donc entièrement sous le pouvoir de l’enquêteur (…) Il est très facile de trouver des raisons juridiques pour garder la dépouille des mois, voire encore plus longtemps », a affirmé l’avocat.

Que dit Ioulia Navalnaïa ?

La veuve et compagne de lutte du militant, Ioulia Navalnaïa, doit rencontrer, ce lundi à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne. Vendredi, peu après l’annonce de la mort de son époux, elle avait brièvement pris la parole depuis la conférence de Munich sur la sécurité. Au bord des larmes, elle avait désigné Vladimir Poutine « personnellement responsable » de ce décès et appelé la communauté internationale à s’unir pour infliger une défaite à « ce régime terrifiant ».

Ce lundi, dans une vidéo, Ioulia Navalnaïa a promis de poursuivre la lutte contre le président russe Vladimir Poutine menée par son mari et appelé ses partisans à la rejoindre : « Je poursuivrai l’œuvre d’Alexeï Navalny. Je continuerai pour notre pays, avec vous. Et je vous appelle tous à vous tenir près de moi (…) Ce n’est pas une honte de faire peu, c’est une honte de ne rien faire, c’est une honte de se laisser effrayer. »

Quelles sont les réactions ?

Le décès d’Alexeï Navalny a suscité une grande vague d’émotion et d’indignation en Russie et en Occident. Les Occidentaux ont unanimement pointé du doigt les autorités russes, qu’ils tiennent pour responsables de ce décès qui prive une opposition déjà exsangue de sa figure de proue, à un mois de la présidentielle qui doit encore une fois cimenter le pouvoir de Vladimir Poutine.

Plusieurs ministres européens ont évoqué la mise en œuvre de nouvelles sanctions contre la Russie quand l’Union européenne a assuré devoir envoyer un « message de soutien » à l’opposition russe, selon Josep Borrell. « En hommage à Navalny et pour honorer sa mémoire, nous allons proposer aux ministres de rebaptiser notre régime de sanctions pour le respect des droits humains avec son nom », a ajouté le chef de la diplomatie européenne avant de conclure avec un : « le grand responsable, c’est (le président russe Vladimir) Poutine lui-même. » « En l’absence d’information, nous pensons qu’il n’est absolument pas permis de faire des déclarations aussi odieuses », a d’emblée réagi ce lundi le Kremlin. La veille, l’ambassadrice américaine en Russie, Lynne Tracy, s’était recueillie dimanche devant un mémorial improvisé dédié à Alexeï Navalny à Moscou. « Aujourd’hui, à la pierre de Solovetsky, nous pleurons la mort d’Alexeï Navalny et d’autres victimes de la répression politique en Russie », a écrit l’ambassade sur son compte Telegram.

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Le gouvernement britannique a pour sa part convoqué les diplomates de l’ambassade de Russie dès vendredi soir pour leur faire savoir que les autorités russes sont tenues « pleinement responsables » de la mort de l’opposant numéro un au Kremlin. Le ministère des Affaires étrangères allemand a, lui aussi, convoqué ce lundi l’ambassadeur russe en Allemagne.