FONDS DE TIROIRSPour trouver 10 milliards d’euros, les oppositions aussi ont leurs idées

Taxes, niches fiscales, économies… Comment les oppositions trouveraient les 10 milliards d’euros que cherche Le Maire

FONDS DE TIROIRSBruno Le Maire, le ministre de l’Economie, a annoncé dimanche une réduction immédiate des dépenses de 10 milliards d’euros pour faire face à une croissance plus faible que prévu
Le ministère de l'Economie et des Finances, dans le quartier de Bercy, à Paris. (illustration)
Le ministère de l'Economie et des Finances, dans le quartier de Bercy, à Paris. (illustration) - A. GELEBART / 20 MINUTES / 20 Minutes
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Bruno Le Maire a annoncé dimanche un plan d’économie de 10 milliards d’euros.
  • Les oppositions contestent les choix du gouvernement… et ont aussi leurs solutions.
  • Elles les exposent dans 20 Minutes.

Dis, t’as pas 10 milliards sur toi ? En tout cas, Bruno Le Maire les cherche. Pour faire face à une croissance économique moins importante qu’anticipée (1 % contre 1,4 % dans le budget 2024), et donc moins de rentrées fiscales que prévu, le ministre de l’Economie et des Finances a annoncé dimanche soir vouloir faire « immédiatement » 10 milliards d’euros d’économies. Sur ce total, 5 milliards concernent des économies sur le budget de fonctionnement des ministères. Le reste sur une baisse des investissements, comme la baisse du budget alloué à l’aide publique au développement ou celui consacré à « MaPrimeRénov », qui aide les particuliers à faire leurs travaux d’isolation énergétique.

Mais est-ce que ce sont les seules solutions ? Non, disent les oppositions, de la gauche à l’extrême droite, à qui 20 Minutes est allé demander où peut-on bien trouver ces fameux 10 milliards d’euros.

Les taxes pour La France insoumise

Le président insoumis de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel, la joue presque beau joueur… en s’en tenant aux consensus de sa commission. L’élu de Seine-Saint-Denis se contente donc de rappeler que plusieurs amendements votés lors du débat budgétaire à l’automne pouvaient ramener 15 milliards d’euros supplémentaires dans les caisses. Ils n’ont pas été repris dans les différents 49.3 utilisés par le gouvernement pour faire adopter son budget.

Cela passe surtout par des taxes ou des réductions de niches fiscales : « Taxes sur les super-dividendes, sur les transactions financières, rétablissement de l’ISF, rétablissement au moins provisoire d’une taxation sur les super-riches, adoptés y compris avec les voix du MoDem ». A bon entendeur, salut.

Les taxes (écolos) pour les Ecologistes

Éva Sas veut aussi passer par des hausses d’impôts pour trouver ces milliards : « Les écarter d’emblée me paraît vraiment dogmatique », juge la députée de Paris. Mais chez les écolos, on veut absolument caler ces impôts nouveaux ou hausses de taxes sur l’exigence de transition écologique. Elle reprend notamment la taxe exceptionnelle sur le patrimoine des 10 % des Français les plus riches pour financer les investissements écolos. « Cela rapporte 5 milliards d’euros par an si on les taxe à 0,16 %. Mais il ne s’agit pas que de taxer les ultra-riches, il faut aussi taxer les comportements qui ont le plus d’impact pour le climat. » Éva Sas pense par exemple à une éco-contribution sur les billets d’avion.

« Bien sûr, il faut aussi faire des économies », précise l’élue. Mais quand on lui demande quelques exemples, elle ne donne que des niches fiscales à supprimer ou réduire, ce qui revient à… augmenter les impôts de ceux qui en bénéficiaient. En l’occurrence, on parle des avantages fiscaux « polluants » comme sur le kérosène des vols intérieurs ou sur les raffineries de pétrole, par exemple.

Les niches fiscales pour le Parti socialiste

Chez les socialistes aussi, c’est haro sur les niches fiscales. Et notamment celle sur les armateurs, « qui en France concerne CMA-CGM à 90 % », explique Philippe Brun : « Aujourd’hui, les armateurs payent la taxe sur les sociétés sur la base non pas de leur bénéfice mais du tonnage des bateaux. Or le prix du conteneur a explosé ces dernières années ! » D’après le député de l’Eure, cette niche a coûté 8 milliards ces deux dernières années et devrait encore coûter 5 milliards cette année. Avec les 4 milliards du retour de l’ISF et le retour de la taxation du capital au même niveau que la taxation du travail, Philippe Brun a ses 10 milliards.

Sur les économies, les socialistes ne veulent pas entendre parler de la politique du « coup de rabot à l’aveugle », comme le propose d’après eux Bruno Le Maire avec ses 5 milliards d’économie sur les budgets de fonctionnement. « La question qu’il faut se poser, c’est quels services publics on veut financer avec quel argent ? », estime le député. Ce dernier veut aussi « mieux réguler le marché », constatant que l’Etat dépense beaucoup en subventions pour pallier les déséquilibres comme, par exemple, la politique des chèques énergie, très coûteuse.

Les « petites » économies pour Les Républicains

On change de monde. De l’autre côté de l’échiquier politique, on ne veut pas toucher aux impôts. Enfin si : dans son contre-budget publié à l’automne, LR voulait baisser les impôts de 10 milliards d’euros. Le tout financé grâce à des économies de… 25 milliards. On commence par où ? « Pas de priorité, il faut jouer sur tous les tableaux, les besoins sont tellement importants, assure Véronique Louwagie. Il faut faire des réformes structurelles sur le fonctionnement de l’Etat, rationaliser l’administration. En revoyant les allocations sociales, on peut faire 2 milliards d’économie en les mutualisant. Il faut lutter contre les fraudes sociales et fiscales. Des crédits d’impôts méritent aussi d’être revus, comme le crédit impot-recherche, ou celui sur les armateurs. »

Dans le contre-budget de LR, peu de grandes économies à plusieurs milliards mais beaucoup de mesures symboliques, comme l’alignement du délai de carence du public sur le privé, la stabilisation des effectifs de l’Etat et de ses opérateurs, la limitation du recours aux cabinets de conseils. Il y a tout de même une mesure à 1 milliard : la réduction des soins de santés pour les étrangers en France, via la réduction de l’aide médicale d’Etat (700 millions d’après LR) mais aussi pour les personnes en situation irrégulière (250 millions d’euros).

L’immigration réduite pour le Rassemblement national

Enfin, à l’extrême droite, on veut aussi mettre le paquet sur la fraude sociale et fiscale. Car la solution aux problèmes budgétaires de la France tient en un mot : immigration. Avec la politique que souhaite installer le RN sur le sujet – fin de « l’immigration de peuplement » et du regroupement familial, priorité nationale pour les aides et allocation… – , Kévin Mauvieux pense pouvoir économiser 16 milliards d’euros par an. Et encore, c’est un minimum : « Ce chiffre est à mettre en parallèle avec l’étude de Contribuables associés qui chiffre à 54 milliards le coût de l’immigration par an », dit le député de l’Eure… mais cette étude est très largement contestée.

Par ailleurs, le RN veut réduire la contribution nette de la France au budget de l’Union européenne de 10 à 2 milliards d’euros par an. « Ces 8 milliards, c’est de l’argent qui rentrerait tout de suite dans les caisses », croit Kévin Mauvieux. Si facilement vis-à-vis des autres Etats membres de l’UE ? « On n’a jamais dit que ça se ferait facilement ! Oui, il faudra jouer des coudes, taper du poing et se faire entendre. »