controverseUn hommage national sans polémique, une mission devenue impossible ?

Manouchian au Panthéon : Un hommage national sans polémique est-il devenu impossible ?

controverseLa venue de Marine Le Pen à la panthéonisation du résistant communiste apatride ce mercredi est très critiquée ces derniers jours
Marine Le Pen, illustration.
Marine Le Pen, illustration.  - GONZALO FUENTES / POOL / AFP / AFP
Thibaut Le Gal

T.L.G.

L'essentiel

  • Ce mercredi a lieu la panthéonisation du résistant communiste apatride Missak Manouchian. Et Emmanuel Macron a estimé que « les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes » à l’événement.
  • Marine Le Pen a indiqué qu’elle participerait bien à la cérémonie, déclenchant une énième polémique après celle sur les funérailles de Robert Badinter et l’hommage aux victimes françaises du Hamas.
  • Pourquoi ces moments d’hommages nationaux sont-ils autant touchés par les controverses politiques ?

Pas la bienvenue, mais présente. Marine Le Pen a indiqué qu’elle participerait bien à la cérémonie d’entrée au Panthéon du résistant apatride Missak Manouchian ce mercredi. Sa venue fait pourtant polémique depuis plusieurs jours. Emmanuel Macron a ainsi estimé que « les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes », et les proches de l’ancien communiste ont fait part de leur indignation.

Ces deux dernières semaines, les funérailles de Robert Badinter et l’hommage aux 42 victimes françaises tuées par le Hamas ont également été touchés par des controverses du même type. Ce genre d’hommage national est-il désormais condamné à ce type de querelles ?

Rien de nouveau sous le soleil

Rappelons d’abord que ces tensions ne sont pas nouvelles. « Si on prend la panthéonisation de Jean Jaurès en 1924, elle avait provoqué de la même manière des batailles politiques. Les socialistes et radicaux au pouvoir estimaient que le Parti communiste n’était pas légitime à s’y associer. Les communistes pensaient que ces derniers avaient trahi Jaurès, et l’extrême droite refusait tout hommage au ''traître pacifiste'' », rappelle Jean Garrigues, l’auteur de Jours heureux. Quand les Français rêvaient encore, (Payot Histoire, 2022).

« On pourrait dire la même chose pour la panthéonisation de Victor Hugo en 1885, la célébration du centenaire de la Révolution critiqué par les monarchistes, celle de son bicentenaire… Notre Histoire est jalonnée de ce type d’affrontements, c’est quelque chose de très français », ajoute l’historien. « Cela fait partie du ''jeu politique'' de voir certains moments de concorde nationale rattrapés par les enjeux plus politiciens », ajoute Bruno Cautrès, politologue associé au Cevipof, le centre de recherches de Sciences Po.

Un pays fracturé

Mais cette récente succession de controverses est également liée à un contexte international tendu, notamment avec les combats en Ukraine et à Gaza, et à la situation politique française des derniers mois. « Tout événement est désormais sujet à polémique, on n’arrive plus à se retrouver autour de grandes dates ou de grands moments, même sportifs », estime Bruno Cautrès, faisant référence aux Jeux olympiques à venir à Paris, loin d’être épargnés. « La classe politique est à cran car en toile de fond, la société est très polarisée », ajoute le chercheur, évoquant la montée du Rassemblement national, qui pourrait de nouveau remporter le scrutin européen en juin prochain.

La sortie du chef de l’Etat dimanche contre le RN, lequel domine largement les sondages loin devant la majorité présidentielle, n’est peut-être pas anodine. « Le discours anti-immigrés tenu par le RN est bien à l’inverse du symbole de cette panthéonisation, mais Emmanuel Macron a peut-être aussi en tête de reconquérir un électorat de gauche, après une loi immigration qui a créé des fractures », complète Jean Garrigues.

Un « arc républicain » en question

Les récentes controverses ont donc surtout touché à la présence ou non d’élus du Rassemblement national, mais également des responsables insoumis, avec en toile de fond la notion « d’arc républicain » encore une fois évoquée par le président de la République. « Il y a d’un côté la montée en puissance du RN, qui cherche à se notabiliser malgré son histoire. Et de l’autre une certaine gauche qui a perdu de sa respectabilité sur les attaques du 7 octobre, cela suscite des tensions », remarque l’historien. « Mais il me semble qu’on a eu tort de poser le problème avec cette question de ''l’arc républicain'', à partir du moment où on parle d’élus au suffrage universel dans ce cadre républicain ».

Même constat pour Bruno Cautrès. « On a l’impression que cette notion est utilisée à géométrie variable. Cela ouvre des débats sans fin et sans solution, alors que la Constitution est très claire : les partis doivent ''respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie'' », indique le chercheur. « Ces controverses expliquent en partie la crise politique actuelle », ajoute-t-il. Dans le dernier baromètre de confiance politique du Cevipof, publié la semaine passée, 68 % des Français estiment que « la démocratie ne fonctionne pas bien ».