fuyez !C’est quoi cette histoire de « coqs fous » dans les Pyrénées

C’est quoi cette histoire de « coqs fous » dans les Pyrénées ?

fuyez !Ils deviennent anormalement câlins ou, plus souvent, redoutablement agressifs. Un « dérèglement hormonal » touche certains grands tétras, des oiseaux protégés, du massif des Pyrénées. Il ne faut les approcher sous aucun prétexte
Environ 4.000 grands tétras vivent dans le massif des Pyrénées, à peu près autant de femelles que de mâles. Mais la population de cet oiseau protégé est en régression de 2% par an.
Environ 4.000 grands tétras vivent dans le massif des Pyrénées, à peu près autant de femelles que de mâles. Mais la population de cet oiseau protégé est en régression de 2% par an. - WildMedia / Shutterstock / Shutterstock
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Un dérèglement hormonal touche la population mâle des grands tétras des Pyrénées. Il les rend particulièrement agressifs à l’égard des randonneurs et des autres êtres vivants en général, ou anormalement dociles.
  • Deux « coqs fous » ont déjà été repérés cette année dans le massif, une vingtaine d’oiseaux pourraient être concernés.
  • Alors que le phénomène insolite est partagé sur les réseaux sociaux, le Parc national des Pyrénées lance un appel à la vigilance. Il demande de ne pas céder à la curiosité. Pour éviter une « attaque » mais aussi et surtout pour ne pas hypothéquer la survie du grand tétras, une espèce protégée et en régression.

Un volatile d’environ 5 kg qui bondit sur vous en mode « combat », toutes griffes dehors, avec son bec acéré et en battant de ses puissantes ailes. L’attaque n’est pas à exclure pour les randonneurs qui profitent des vacances d’hiver en vadrouillant dans les Pyrénées. Deux « coqs fous » y ont été repérés ces dernières semaines. Plus exactement des mâles grands tétras, une espèce protégée dont on ne recense qu’environ 4.000 spécimens (autant de poules que de coqs) dans le massif. Elle est habituellement excessivement farouche, préférant de loin se cacher plutôt que de chercher la bagarre.

Le changement de comportement soudain de certains coqs n’est pas dû à un virus ou à une anomalie génétique. Il s’agit « d’un dérèglement hormonal », explique Franck Reisdorffer, chargé de mission faune du Parc national des Pyrénées. « On ne sait encore pas tout sur ce phénomène mais il tend à se multiplier de façon inversement proportionnelle à la taille des populations : il atteint environ un oiseau sur 1.000 dans des milieux relativement protégés comme la taïga mais il touche un oiseau sur 100 dans des milieux en mauvais état comme chez nous, où les interactions avec les hommes sont fréquentes, voire plus fréquentes qu’avec leurs congénères », poursuit le spécialiste. Une vingtaine de gros coqs de bruyère sont donc susceptibles d’être atteints de cette folie passagère dans les Pyrénées.

Les internautes curieux se refilent les « spots »

Le même dérèglement hormonal peut aussi donner des « coqs mous ». Des mâles – même des poules dans ce cas – tout mignons, totalement désinhibés, qui viennent fraterniser et lustrer leurs plumes sur vos chaussures de rando. Mais les deux coqs déjà signalés, dont un a déjà fait sa poussée hormonale l’année dernière et vient d’être « exfiltré » vers une zone tenue secrète, sont bien « fous ». Ils paradent et chargent comme ils le feraient avec un rival en période de reproduction.

Ces assauts insolites ont fini par éveiller la curiosité et la nouvelle à se répandre sur les réseaux sociaux. D’où l’appel à la « vigilance » lancé officiellement par le Parc naturel des Pyrénées à l’attention des randonneurs, en leur demandant de ne pas converger vers les coqs, fous ou mous, repérés. Evidemment, parce qu’un coup de bec ne fait jamais du bien. Mais aussi et surtout parce qu’il en va « de la survie » de l’espèce.

Une question de « survie »

« Les gens, prévenus, sont tentés de venir les voir sur zone. Le coq va venir au contact, ça va l’épuiser, à une période où la nourriture n’est pas très abondante, souligne Franck Reisdorffer. Et il va arriver en période reproduction, qui débute en avril, trop fatigué pour y participer ». Or, dérèglement hormonal ou pas, il faut que tous les grands tétras mâles soient d’attaque pour la parade, car la population pyrénéenne baisse inexorablement de 2 % par an.

Pour ceux qui voudraient quand même prendre le risque, avec des pare tibias, la direction du Parc monte sur ses ergots. Elle rappelle que le « trouble ou dérangement volontaire des animaux », qui plus est en zone protégée, est puni par le Code de l’environnement. L’amende peut aller de 68 à 135 euros.