parlons sousToi aussi tu penses faire partie des classes moyennes alors que non ?

« On vit correctement mais... » T’es vraiment sûr de faire partie des classes moyennes ?

parlons sousBeaucoup de personnes ont le sentiment d’appartenir aux classes moyennes, même quand leurs niveaux de revenus les placent au-dessus des seuils avancés par l’observatoire des inégalités
Dans certains secteurs tendus, notamment en région parisienne, l'accès à la propriété est compliqué même pour les classes moyennes supérieures et aisées.
Dans certains secteurs tendus, notamment en région parisienne, l'accès à la propriété est compliqué même pour les classes moyennes supérieures et aisées.  - Mario FOURMY / SIPA
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • De nombreuses personnes se réclament des classes moyennes, même quand leurs niveaux de revenus sont un peu supérieurs aux seuils retenus par l’Observatoire des inégalités.
  • A la louche, on peut dire que les classes moyennes comprennent ceux qui gagnent plus que les 30 % des ménages les plus modestes et moins que les 20 % les plus riches.
  • La volonté d’être « comme tout le monde » et de se fondre dans cette classe, très hétérogène, explique en partie la forte attractivité de cette catégorie sociale, de plus en plus courtisée par les politiques.

«On vit correctement et on a la chance de pouvoir ne pas trop regarder notre compte en banque mais l’accès à la propriété ce n’est pas pour nous, donc on ne peut pas se sentir aisés », témoigne Sylvain, 41 ans, cadre A de la Fonction Publique, en couple avec une enseignante. Pourtant, si on en croit les derniers indicateurs de l’Observatoire des inégalités (lire encadré), les revenus de ce couple sans enfant, supérieurs à 4.180 euros mensuels (après imposition), les placent dans la catégorie des classes aisées. Aisées mais pas riches, puisque l’Observatoire établit le seuil à 5.800 euros pour les couples sans enfant.

Ce calcul ne prend pas en compte le patrimoine, et c’est bien là que le bât blesse pour ce couple de la région parisienne. « Je ne me sens pas aisé, je ne vais pas aller me payer une Porsche ou ce genre de chose, avance Sylvain. Et encore une fois, il faut compter 600.000 euros ou plus en Île-de-France (en cherchant hors Paris intra muros) pour ce qu’on désirerait, avec un peu d’espace, et on ne nous prête que pour un projet à 450.000 euros ».

« Paris est un cas un peu exceptionnel, réagit Séverine Misset, maîtresse de conférences en sociologie à Nantes Université. Au-delà de cet exemple particulier, la règle générale, c’est quand même que les gens qui sont très aisés ne se perçoivent pas comme tels. On trouve des gens qui même en étant propriétaires, avec de l’épargne, du patrimoine et des revenus confortables, soit des indices objectifs d’aisance matérielle, ne vont pas réaliser à quelle fraction de la population ils appartiennent ».

Les classes moyennes pour « être comme tout le monde »

Quand on se base sur du déclaratif, beaucoup de gens disent appartenir à la classe moyenne. « Il y a une forme d’attraction de ce terme, confirme la sociologue. On montre qu’on est comme tout le monde et du côté des classes populaires, il y a aussi cette aspiration de ne pas se différencier de la majorité, même si dans les faits elles ont plus de contraintes matérielles ».

A la louche, on peut dire que les classes moyennes comprennent ceux qui gagnent plus que les 30 % des ménages les plus modestes et moins que les 20 % les plus riches. Cela en fait une classe extrêmement vaste et hétérogène. « Dans les enquêtes d’opinion, on voit que les personnes interrogées apportent elles-mêmes des nuances comme "petites " classes moyennes », rapporte Séverine Misset, qui pointe aussi que les autres classes, populaires et supérieures, sont elles aussi diverses.

On note une montée de ce sentiment d’appartenance aux classes moyennes, largement courtisées à l’époque contemporaine par les politiques quand quelques décennies auparavant, on s’adressait davantage aux classes populaires. Ni pauvres ni riches, elles sont « le cœur battant de notre pays, artisan de la grandeur et de la force de notre nation » selon Gabriel Attal, lors de sa prise de fonction.

« Il y a aussi une montée de la désaffiliation de classes, c’est-à-dire le sentiment de n’appartenir à aucune classe sociale. Certains refusent de s’identifier de cette façon », complète Séverine Misset.

« L’entre-deux » des classes moyennes

Le couple de la région parisienne qui se dirige vers un projet de logement « subi », se sent dans l’entre-deux typique de la classe moyenne : « on n'a pas assez de pouvoir d’achat pour se loger où on le souhaite mais pas non plus d’aides ou d’accès au logement social car nos revenus sont trop élevés », fait valoir Sylvain.

« C’est le discours de l’entre-deux, du déclassement mais qui vaut à tous les niveaux de l’espace social : on se sent toujours au-dessus et en dessous de quelqu’un d’autre. », relativise la maîtresse de conférences en sociologie. Ce qui contribue aussi à expliquer l’attractivité de la classe moyenne.

Sylvain et sa compagne vont devenir parents au printemps et par la même occasion changer de classe (puisque les seuils ne sont pas les mêmes en fonction de la composition du foyer), basculant de la classe dite aisée à la classe moyenne. Un réarmement démographique qui coûte cher.

Quels revenus pour les classes moyennes ?

Pour une personne seule, l’Observatoire des inégalités fixe les revenus des classes moyennes (par ménage, après impôts et prestations sociales) entre 1.500 et 2.800 euros et entre 2.754 à 5.016 euros pour un couple avec un enfant de moins de quatorze ans après impôts et prestations sociales. Les couples avec deux enfants considérés comme appartenant aux classes moyennes, ont des revenus qui varient de 3.825 à 6.967.