pharmacieQue faire des médicaments non utilisés qui dorment dans mes placards ?

Recyclage : Je fais quoi des médicaments non utilisés qui dorment dans mes placards ?

pharmacieContrairement aux idées reçues, les médicaments non utilisés ne peuvent être envoyés dans des pays en développement
Pour détruire les médicaments de façon propre et écologique, les Français sont invités à les ramener en pharmacie.
Pour détruire les médicaments de façon propre et écologique, les Français sont invités à les ramener en pharmacie. - M. Allili/Sipa / Sipa
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Les médicaments non utilisés peuvent polluer les sols et les rivières lorsqu’ils sont jetés à la poubelle. Il est donc recommandé de les ramener en pharmacie.
  • Mais une fois ramenés, ces médicaments ne peuvent être réutilisés. « Dès lors que le médicament quitte l’officine, je ne sais pas s’il a été conservé dans de bonnes conditions, s’il n’a pas été contaminé ou dénaturé », explique Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO).
  • Seuls les médicaments avec autorisation de mise sur le marché délivrée par l’ANSM peuvent être repris par les pharmacies. Exit donc les crèmes solaires et compléments alimentaires.

On en a toute une chez nous. Cette armoire à pharmacie pleine à craquer, débordant de flacons de sirop pour la toux à moitié entamés, de pschit pour le nez au bouchon manquant et d’antibiotiques dont on n’a même pas ouvert la boîte parce que bon, en vrai, on n’en avait pas vraiment besoin. On les garde « au cas où » on aurait des symptômes similaires (mauvaise idée !), et surtout parce qu’on ne sait pas vraiment quoi en faire. Au bout d’un moment, ils périment, et on finit par les jeter à la poubelle (deuxième mauvaise idée !).

Mais alors, que faire ? Est-ce que je dois les ramener en pharmacie ? Et lesquels je peux ramener ? Ils seront réutilisés (ce qui permettrait de lutter contre la pénurie de médicaments, d’ailleurs…) ? Envoyés à l’étranger ? Non, ces questions ne sont pas stupides, et on y répond pour vous.

Est-ce que je dois rapporter mes médicaments en pharmacie ?

Jetés à la poubelle, dans l’évier ou dans les toilettes, les médicaments peuvent polluer les sols et les rivières. « Certes, les poubelles sont de plus en plus valorisées énergétiquement et de moins en moins enfouies, mais on veut éviter que les médicaments ne viennent perturber les nappes phréatiques », explique Thierry Moreau Defarges, président du conseil d’administration de Cyclamed, association collectant les médicaments non utilisés.

Par ailleurs, une fois jetées, les poubelles peuvent être fouillées, ce qui « laisse la possibilité aux gens de mal les utiliser, voire de les revendre et d’organiser un trafic ».

Donc oui, pour détruire les médicaments de façon propre et écologique, les Français sont invités à les ramener en pharmacie. Il s’agit selon Thierry Moreau Defarges de « préserver la santé sanitaire des patients ». Garder des médicaments inutiles chez soi peut provoquer des risques de confusion et pousser des personnes du foyer à les utiliser de manière inadaptée.

Puis-je ramener tous mes médocs ?

Non-ouverts, à moitié utilisés, encore valables ou périmés, tous les médicaments doivent être rapportés (pas la peine de ramener une bouteille de sirop vide hein, là pour le coup, il y a la poubelle pour le verre). Et quand on dit rapporter, on parle bien des médicaments et non du carton d’emballage et de la notice qui, eux, peuvent être jetés à la maison, direction la poubelle papier.

Mais qu’en est-il des crèmes solaires, des compléments alimentaires ou des dispositifs médicaux (fauteuil roulant, attèle, genouillère…) achetés en pharmacie ? « Seuls les médicaments, c’est-à-dire les produits ayant une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), peuvent être repris, précise le président de Cyclamed. Certains dentifrices, par exemple, sont médicamentaux, mais la plupart ne le sont pas. » Pour en avoir le cœur net, un moteur de recherche sur le site de l’association permet de faire le tri.

Sont-ils réutilisés ?

Avant d’être délivrés, les médicaments font l’objet d’un circuit pharmaceutique très sécurisé et un pharmacien en est le garant à chaque étape, de la fabrication à la remise en mains au patient. « Dès lors que le médicament quitte l’officine, je ne sais pas s’il a été conservé dans de bonnes conditions, s’il n’a pas été contaminé ou dénaturé, que ce soit de manière volontaire ou non », poursuit Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO). « A partir du moment où le médicament est sorti de l’officine, il est impossible de le remettre dans le circuit normal, ce dernier faisant l’objet d’une traçabilité absolue », poursuit Christophe Le Gall, président de l’Union nationale des pharmaciens de France (UNPF).

Contrairement aux idées reçues, ils ne sont pas envoyés dans des pays en développement. Depuis le 1er janvier 2009, une circulaire européenne interdit la redistribution humanitaire des médicaments non utilisés. « Ce n’est pas parce que ce sont des pays sous-développés que l’on doit les traiter avec des sous-médicaments », ajoute Pierre-Olivier Variot. La raison reste la même : une difficile traçabilité. Mais ce n’est pas tout. « Dans certains pays, on retrouvait les médicaments sur des marchés, argumente Christophe Le Gall. Des non-professionnels vendaient n’importe quel médicament pour n’importe quelle pathologie. »

A moins de mettre en place un système de recontrôle de médicaments, difficile donc de les réutiliser. « Cela coûterait une fortune, tranche le président de l’UNPF. Pour une boîte de Dafalgan à 2,18 euros… »

Mais alors, que deviennent mes (ex) médicaments ?

Une fois les cartons remplis de ces pilules « de seconde main » par les pharmaciens dans leur officine, des grossistes répartiteurs viennent les récupérer avant de les transporter vers des unités de valorisation énergétique. En d’autres mots, des incinérateurs. « Ils transforment tout ce qu’ils brûlent en électricité et en chaleur, précise le président de Cyclamed. « En métropole, avec 50 incinérateurs, on couvre l’ensemble du territoire. On chaufferait la ville de Honfleur pendant une année entière avec tout ce qu’on récupère chaque année. »

En tout, 9.500 tonnes de médicaments non utilisés ont été récupérées en 2022, d’après Cyclamed. Selon la même source, 160.000 tonnes seraient mises sur le marché chaque année.