Phénomène« Pour l’instant, c’est un inconnu »… L’heure des grands débuts à 7 pour Dupont

Rugby à VII : « Pour l’instant, c’est un inconnu », Antoine Dupont vu par les adversaires des Bleus à Vancouver

PhénomèneAntoine Dupont fait ses premiers pas officiels sur le circuit mondial ce vendredi au Canada
Antoine Dupont le 3 janvier 2024 à Marcoussis, lors d'un entraînement avec l'équipe de France de rugby à 7.
Antoine Dupont le 3 janvier 2024 à Marcoussis, lors d'un entraînement avec l'équipe de France de rugby à 7. - Franck Fife / AFP / AFP
Nicolas Stival

Nicolas Stival

L'essentiel

  • Nous y voilà. Passé au rugby à VII avec les Jeux olympiques de Paris en ligne de mire, Antoine Dupont disputera les premiers matchs officiels dans sa nouvelle discipline de vendredi à dimanche à Vancouver.
  • « 20 Minutes » a interrogé les sélectionneurs des Etats-Unis, des Samoa et de l’Australie, les adversaires de l’équipe de France en poule.
  • Les techniciens sont unanimes sur l’impact que peut avoir à court terme Dupont sur son équipe et sur le sport tout entier. Mais ils attendent comme tout le monde de voir si la star du Stade Toulousain est déjà prête pour une discipline très différente du rugby à XV.

Il n’y a pas que pour suivre la NBA ou le Super Bowl qu’il faut veiller tard (ou se lever très tôt). Pour vivre en direct les premiers pas d’Antoine Dupont dans une compétition de rugby à VII, les fans du magicien de Castelnau-Magnoac vont devoir oublier les horaires pépères du Top 14 et du Tournoi des VI Nations.

Car le meilleur joueur du monde 2021 (à XV) fera ses débuts avec ses nouveaux copains septistes au tournoi de Vancouver, de vendredi à dimanche, première étape vers le tournoi olympique, du 24 au 27 juillet au Stade de France. Le menu des matchs de poule (à l’heure française) ? Etats-Unis vendredi à 23h36, Samoa samedi à 4h40 et Australie samedi à 22h49. Les deux premiers des trois poules, ainsi que les deux meilleurs troisièmes, disputeront les quarts de finale, dans la nuit de samedi à dimanche.

Stephen Parez-Edo lors de France - Australie le 5 mars 2023, pendant le tournoi de Vancouver.
Stephen Parez-Edo lors de France - Australie le 5 mars 2023, pendant le tournoi de Vancouver. - Phamai Techaphan / Shutterstock / Sipa

C’est cher payé pour votre sommeil, mais c’est à ce prix qu’on saura si le demi de mêlée du Stade Toulousain s’est déjà adapté à sa nouvelle discipline, bien plus « cardio » que le XV, d’où l’absence de gabarits type piliers ou 2e ligne. « Evidemment, ça reste le même sport, mais les principes de jeu sont différents, les profils physiques et athlétiques aussi, a confié Dupont dans une vidéo partagée par l’équipe de France olympique, vendredi dernier. Donc je suis en pleine période d’apprentissage. »

« Il devra adapter son corps »

« C’est absolument fantastique que Dupont arrive dans l’arène du rugby à VII, s’enthousiasme Mike Friday, le sélectionneur des Etats-Unis. C’est le meilleur joueur du monde à XV, sans l’ombre d’un doute. Physiquement, c’est un animal. Mentalement, il est très fort. Il va être scruté à la loupe. »

Les Bleus entraînés par Jérôme Daret ne peuvent pas dire non à un tel renfort. D’autant plus qu’ils n’occupent que la septième place du circuit mondial (HSBC SVNS Series pour les intimes) après trois étapes, juste devant les Etats-Unis (8e) et les Samoa (9e). Seuls les huit premiers disputeront la grande finale de Madrid, fin mai.

« Le rugby à VII n’a rien à voir avec le XV, observe Brian Lima, ancienne légende samoane désormais sélectionneur. Vous devez être rapide et en excellente condition physique. Dupont était une star du XV de France, cependant, il devra adapter son corps au VII. Il a certainement le talent et la capacité pour le faire. »

Son collègue australien John Manenti n’a pas trop de doutes non plus. « Il a une très bonne vision, il est rapide, costaud, athlétique. Il va s’adapter et il sera l’un des meilleurs au monde du rugby à VII. » Peut-être pas dès ce week-end, alors qu’il n’a découvert la discipline que début janvier à Marcoussis.

Michael Hooper encore en phase d’adaptation

En tout cas, il faudra un Dupont XXL pour mater les Wallabies, 2es du circuit ex aequo avec les Fidji derrière les Argentins, qui les ont battus lors des finales des deux derniers tournois, au Cap puis à Perth. Manenti a également une star du XV dans son groupe, l’ancien capitaine Michael Hooper (125 sélections). Mais le troisième ligne aile de 32 ans, soit cinq de plus que Dupont, peine à se faire une place dans un effectif qui tourne bien.

« Michael voyagera avec l’équipe à Vancouver et Los Angeles [du 1er au 3 mars], mais il ne devrait pas jouer, explique le technicien. C’est important qu’il passe du temps avec l’équipe, qu’il s’entraîne, qu’il comprenne comment fonctionne un tournoi de rugby à VII. »

L’échec Bryan Habana

En son temps, même un joueur aussi véloce que Bryan Habana, visiblement taillé pour le VII, avait échoué à se faire une place dans le squad sud-africain pour les JO 2016. Ceci dit, on imagine très mal Daret laisser Dupont de côté alors que ce dernier a sacrifié le Tournoi des VI Nations pour viser les JO, « le Graal du sport », selon le Toulousain, qui évoluera au côté de son supersonique coéquipier en club, Nelson Epée.

« Je pense qu’il jouera ouvreur ou centre, avec sa vision et sa capacité à trouver des espaces », analyse Mike Friday. On peut penser que les adversaires auront envie de se « payer » un joueur qui, même malgré lui, attire une lumière qui ne les éclaire que rarement en temps ordinaire. Visiblement non, si l’on en croit les sélectionneurs des trois adversaires des Bleus.

  • Mike Friday (Etats-Unis) : « Un plan anti-Dupont ? Non, nous n’en avons pas. Parce que ce nous ne savons pas encore ce dont il est capable. S’il s’impose comme l’élément central, l’attaquant-clé de son équipe, alors on regardera la manière de le stopper. Pour l’instant, c’est un inconnu, ce qui est une très bonne chose pour lui car ça lui offrira plus de liberté. »
  • Brian Lima (Samoa) : « C’est l’équipe de France dans son ensemble qui est dangereuse. Elle a de la taille, de la vitesse et de la technique. Nous élaborerons des stratégies contre l’intégralité de l’équipe, pas contre un seul individu. Donc, nous n’adopterons pas de plan anti-Dupont. »
  • John Manenti (Australie) : « C’est très dur de bâtir un plan alors qu’on ne l’a encore jamais vu jouer. Et la France a tellement de joueurs menaçants, comme [Stephen] Parez-Edo. Il ne sera pas l’unique menace de l’équipe. Ceci dit, il est certain que Dupont va considérablement hausser le niveau de l’équipe et on s’attend à ce qu’elle réussisse sa meilleure performance de la saison. »

Si leur avis peut diverger sur l’efficacité d’Antoine Dupont à court terme, les trois entraîneurs s’accordent sur le formidable atout qu’il devrait constituer pour l’équipe du capitaine Paulin Riva. Et pas seulement : « C’est un joueur enthousiasmant qui attire les foules, salue Brian Lima. Donc, c’est très bon pour le rugby à VII en général. »