DérivesLes « bébés lotus », une pratique dangereuse et inutile trop présente sur Instagram

Réseaux sociaux : Sur Instagram, la trop forte présence des doulas et la pratique des « bébés lotus »

DérivesSur les réseaux sociaux, les doulas - un métier non reconnu par le milieu périnatal - publient leurs conseils pour faire un « bébé lotus ». Une pratique « inutile et dangereuse », selon l'Ordre national des sages-femmes
Sur Instagram, les « bébés lotus » s'imposent sur les comptes des doulas.
Sur Instagram, les « bébés lotus » s'imposent sur les comptes des doulas. - Yotrak/Imagesrouges  / Getty Images/Canva
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • La pratique du « bébé lotus » qui consiste à conserver le placenta attaché au bébé pendant quelques jours après la naissance est promue par les doulas. Cette pratique est considérée comme dangereuse et sans fondement scientifique par l’Ordre des sages-femmes.
  • Les doulas proposent aussi d’autres usages du placenta après l’accouchement comme l’encapsulage ou l’utilisation à des fins décoratives.
  • Selon l’Ordre des sages-femmes, l’inclusion des doulas dans le système médical serait dangereuse. Pourtant, certaines continuent malgré tout à proposer leurs services sur des plateformes médicales comme Doctolib.

Sur Instagram, plusieurs photos de bébés défilent sur notre feed, entre plusieurs vidéos d’animaux mignons. Ici un labrador sur une balançoire, là une tortue qui se fait brosser sa carapace et là un nouveau-né entouré de petites fleurs. C’est joli, à première vue. Mais en regardant de plus près, le petit sachet recouvert d’un drap est retenu par un cordon qui le relie au bébé. Aussi surprenant que ce soit, il s’agit bien du cordon ombilical et dans ce panier bien décoré se cache le placenta du nouveau né. Cette pratique est celle du « bébé lotus », mise en avant sur les réseaux sociaux des doulas, un métier très controversé dans le monde périnatal.

Sur le compte de Julie, une doula, le « bébé lotus » est présenté comme de l'art, voire comme une recette de cuisine. « Un lotus qui fonctionne, c’est un lotus bien réalisé. Pour commencer, posez le placenta sur une alèse, au moins une heure afin que cette dernière absorbe le sang. Retirez les deux couches de membranes ». Ajoutez du gros sel et voilà.

Nous n’irons pas plus loin dans la méthode. Grosso modo, le « bébé lotus » revient à laisser le cordon ombilical du bébé au placenta jusqu’à ce que ce dernier tombe tout seul trois à dix jours après la naissance. Pour les doulas et les adeptes du « bébé lotus », cela aiderait le nourrisson à se prémunir des infections, protéger son système immunitaire et renforcer le lien mère-enfant.

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« C'est impossible »

Une pratique, complètement « ésotérique », voire « dangereuse », tranche Anne-Marie Curat, trésorière et ancienne président de l’Ordre national des sages-femmes. « Garder le placenta et attendre qu’il sente mauvais et qu’il tombe, c’est trop. Puis, il y a des risques d’infection ». La pratique ne servirait même à rien, scientifiquement parlant. « De dire que le bébé continuera à être alimenté par le placenta, c’est impossible. A partir du moment où le cordon ne bat plus, soit cinq minutes après la naissance, il n’y a plus de circulation à l’intérieur. Les vaisseaux sont collabés et il y a dessiccation. Il tombera naturellement, c’est la physiologie ». Hors de l’utérus, le placenta ne fonctionne donc plus. « Et le rôle du placenta est avant tout de favoriser les échanges », souligne la sage-femme Anne-Marie Curat.

Au sein du conseil de l’Ordre, les doulas inquiètent depuis de nombreuses années. Dans un rapport publié en 2006, la pratique était déjà montrée comme dangereuse et sans utilité. Encore aujourd’hui, le conseil de l’Ordre, garant de la sécurité des soins, insiste : « Il y a des professionnels de santé compétents et qualifiés étant disponible pour accompagner les mères et les couples sur le plan médical et émotionnel : les sages-femmes ». Depuis des années, Anne-Marie Curat et d'autres alertent donc de la présence de ce métier « toxique ». « L’inclusion de ces personnes dans le système périnatal serait inadmissible en France. Orienter ces familles vers ces professionnels – qui n’en sont pas – serait dangereux ». Des doulas auraient tenté de contacter l’Ordre pour l’intégrer, mais ont toujours essuyé des refus.

L'encapsulage ou l'enterrement, les 1.000 vies du placenta

Malgré cet obstacle pour la reconnaissance du métier, il est toujours possible de trouver des profils de doulas sur Doctolib, cachés derrière des profils d’infirmières ou de psychologues. Une situation alarmante pour l’Ordre des sages-femmes qui à son tour alerté la plateforme – qui avait promis d’éradiquer de sa plateforme les spécialistes de la médecine douce à l’automne 2022.

En ligne, le « bébé lotus » n’est pas la seule pratique avancée par les doulas qui subliment le placenta après l’accouchement, en opposition au système hospitalier qui le voit comme « un déchet », accusent la plupart des sites de doula. Sur le compte de « Accoucher sereinement », sur Instagram, plusieurs solutions s’offrent à nous : Le lotus, l’encapsulage du placenta (une pratique qui consiste à le cuire à la vapeur pour l’avaler en gélules), l’enterrerement sous un arbre ou une petite empreinte à encadrer sous forme de tableau.

La loi dit « non »

Chacun ses choix de décoration pour les toilettes, mais il faut tout de même replacer l’église au milieu du village. Après un accouchement, le placenta ne peut pas être utilisé n’importe quoi. D’après la loi de bioéthique de 1994, révisée en 2011, « le placenta ne peut être collecté qu’à des fins thérapeutiques ou scientifiques si la femme accouchée ne s’y est pas opposée ». Aucun usage personnel ne peut en être fait, car juridiquement, le placenta n’appartient plus à la femme après son accouchement.

Mais rien n'y fait, les doulas oublient les lois derrière de mauvais prétextes tels qu'un « mon corps, mon choix ». L'occasion pour Anne-Marie Curat, de l'Ordre des sages-femmes, de faire son mea culpa face aux violences médicales subies pendant des années dans la prénatalité. Mais aujourd'hui, une prise de conscience a eu lieu. « Il y a eu a mise en place d'alternatives pour une prise en charge plus individualisée », rassure la professionnelle.

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