éducationQue disent les études sur les vertus supposées de l’uniforme à l’école ?

Uniforme à l’école : Inégalités, violence, notes… Que disent les études sur les effets de la tenue unique ?

éducationParmi les quelque 87 établissements qui se sont portés volontaires pour l’expérimentation, certains vont se lancer ce lundi 26 février
Deux écoliers de la ville de Béziers, commune volontaire pour expérimenter la tenue unique à partir du 26 février 2024.
Deux écoliers de la ville de Béziers, commune volontaire pour expérimenter la tenue unique à partir du 26 février 2024.  - A. Robert/Sipa / Sipa
L.A.

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L'essentiel

  • Alors que 87 établissements veulent pour le moment se lancer dans l’expérimentation de l’uniforme à l’école voulu par le gouvernement, les premiers tests démarrent ce lundi 26 février.
  • Une tenue unique qui n’élimine pas les inégalités socio-économiques, mais en atténuerait seulement les aspects les plus visibles. Certaines études qualitatives montrent toutefois les effets positifs de l’uniforme scolaire.
  • « Le problème, c’est que ces sondages sont réalisés par des acteurs qui sont à l’initiative du port de l’uniforme, comme les chefs d’établissements », tempère le sociologue Michel Tondellier.

Diminuer les inégalités sociales, réduire les violences, améliorer l’assiduité des élèves… L’uniforme scolaire aurait de multiples vertus. C’est du moins ce que met en avant le gouvernement, qui a décidé de mettre en place une expérimentation sur la tenue unique. En tout, 87 établissements se sont pour l’instant portés volontaires, et la ville de Béziers est la première à tenter l’expérience à partir de ce lundi.

Mais qu’en est-il vraiment ? Que disent réellement les études faites sur le sujet en matière d'inégalités, de violence et de résultats scolaires ? On fait le point.

L’uniforme à l’école diminue-t-il les inégalités sociales ?

« Un enfant pauvre portant un uniforme reste un enfant pauvre », estime Michel Tondellier, sociologue, maître de conférences à l’Université des Antilles et auteur d’Uniforme scolaire à la Martinique, interroger l’évidence (Ed. L’Harmattan, janvier 2024). Car l’habit est loin d’être le seul marqueur de la position sociale. Des détails extérieurs, tels que le sac, le téléphone portable ou les bijoux sont autant d’indicateurs socio-économiques. « Il y a aussi les connaissances, la manière de s’exprimer, de se tenir », ajoute le sociologue. La tenue unique ne permettrait donc pas d’éradiquer les inégalités socio-économiques mais seulement d’en atténuer les aspects les plus visibles.

Certaines études qualitatives montrent toutefois des résultats positifs. « Le problème, c’est que ces sondages sont réalisés par des acteurs qui sont à l’initiative du port de l’uniforme, comme les chefs d’établissements », tempère Michel Tondellier.

Si en Martinique, chaque établissement définit son uniforme, le sociologue redoute le développement de cette idée à l’échelle nationale. « Ma crainte, c’est qu’on reproduise des inégalités entre les régions selon leur richesse. »

L’uniforme diminue-t-il les inégalités scolaires ?

La plus vaste étude regroupant des résultats statistiquement pertinents réalisée sur le sujet a été publiée en 1998 par le chercheur américain David Brunsma dans The Journal of Educational Research. En contrôlant tous les autres paramètres comme le genre, l’origine ethnique et l’origine sociale, cette étude montre que l’uniforme n’a aucun effet, que ce soit en école primaire, au collège ou au lycée. « D’un point de vue statistique, plusieurs études américaines rigoureuses montrent qu’il n’y a pas de meilleurs résultats dans les établissements dans lesquels les élèves portent l’uniforme confirme le sociologue. Il y aurait même un effet légèrement négatif selon Brunsma », ajoute Michel Tondellier.

Dans les années 2000, des statistiques nationales réalisées aux Etats-Unis en sont venues au même résultat. Une autre étude américaine de l’université d’Etat de l’Ohio, publiée en 2022 et réalisée sur un échantillon national représentatif de plus de 6.000 élèves d’écoles maternelle et primaire, montre que la tenue unique n’a pas ou peu d’effet sur leur assiduité. Toutefois, comme pour les inégalités sociales, les acteurs interrogés trouvent, eux, que l’uniforme permet d’obtenir de meilleurs résultats scolaires. Un ressenti qui ne repose sur aucune donnée statistique.

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La tenue unique diminue-t-elle la violence ?

Cette croyance tenace selon laquelle l’uniforme ferait rentrer les élèves dans le rang et permettrait de réduire le nombre de rackets, d’agressions et de cas de harcèlement est apparue en 1996, date à laquelle une expérimentation réalisée à Long Beach, aux Etats-Unis, a fait l’objet d’évaluations dithyrambiques. Ces dernières faisaient état d’une baisse du nombre d’agressions. « Ces résultats ont été complètement remis en cause par la suite car les études ont été réalisées par les acteurs eux-mêmes et ne reposaient sur aucun indicateur fiable d’un point de vue statistique », nuance Michel Tondellier.

La fameuse étude de David Brunsma montre au contraire que l’uniforme n’a aucun impact sur le contrôle de soi à l’école élémentaire. « Une autre étude faite aux Etats-Unis en 2000 arrive aux mêmes conclusions, et toutes deux se basent sur des données nationales en comparant les statistiques de tous les établissements, que les élèves y portent ou non l’uniforme. » La tenue unique n’aurait donc pas non plus d’effet sur le climat scolaire.