fooD pornUne vie sans fromage mérite-t-elle d’être vécue ?

Une vie sans fromage mérite-t-elle d’être vécue ?

fooD pornUne étude recommande de réduire notre consommation de fromage tandis que le camembert, le brie et le roquefort sont en voie d’extinction
Faut-il vraiment renoncer à la fondue savoyarde ?
Faut-il vraiment renoncer à la fondue savoyarde ? - M W / Pixabay / PIXABAY
Laure Beaudonnet

Laure Beaudonnet

L'essentiel

  • Selon une récente étude, des diètes recommandent une consommation modérée de produits laitiers pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole.
  • De nombreux témoignages confirment que les alternatives végétales au fromage, ou « vromages », procurent autant de plaisir gustatif que le fromage traditionnel. Ils peuvent être faits maison ou achetés tout prêts et permettent de remplir les mêmes fonctions culinaires.
  • Il faut éviter les excès et consommer moins mais mieux : un fromage bio de temps en temps plutôt qu’à chaque repas. Le véganisme résout le problème climatique mais pas la souffrance animale.

Imaginez la scène : vous plongez des pommes de terre dans un Mont d'Or rôti à l’ail, le fromage fondu s’enroule autour d’une patate onctueuse et croquante… Rien qu’à l’imaginer, vous salivez déjà. Nous aussi. Mais ce tableau digne d’une orgie culinaire pourrait bien s’évaporer si on veut sauver notre peau et celle de la planète. Selon une étude du réseau Action Climat et de la société française de nutrition publiée mardi dernier, réduire de moitié la consommation actuelle de viande en France permettrait d’atteindre les objectifs climatiques fixés pour le pays. Et qui dit viande, dit aussi fromage, malheureusement.

Selon cette même étude, les diètes recommandent « une consommation modérée d’œufs et de produits laitiers ». Il faut dire qu’à côté de son camarade végan, le fromage apparaît comme le mauvais élève de la classe. « L’élevage laitier en France est très dépendant du soja déforestant importé, il en consomme plus d’un million de tonnes par an, note Elyne Etienne, responsable Elevages à la Fondation pour la Nature et l’Homme. En général, c’est du soja OGM importé d’un autre pays, lié à la déforestation en Amazonie ».

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Au contraire, le soja utilisé pour fabriquer du faux-mage ou vromage, au choix, « est plutôt européen. Il y a vraiment un point de vigilance sur le soja caché dans les produits animaux, et la différence de provenance avec le soja de l’alimentation humaine », explique-t-elle. En parallèle, certains fromages comme le camembert, le roquefort ou le brie sont menacés (à long terme), a mis en garde le journal du CNRS. Le clonage intensif du champignon utilisé par les producteurs pour la fermentation, « a engendré chez lui une incapacité à se reproduire et à fournir en grande quantité les spores nécessaires à l’inoculation du camembert », écrit Le Parisien.

« Je suis accro aux vromages »

La France est-elle prête à faire le deuil d’un emblème de la gastronomie française ? Une vie sans fromage vaut-elle le coup d’être vécue ? Les lecteurs de 20 Minutes, qui ont répondu massivement à cette question, prennent autant de plaisir à déguster l’alternative végétale. « Lorsque je suis devenue végane, je croyais que cela me serait difficile de me passer de fromage, confie Virginie. J’ai découvert de nouvelles saveurs et maintenant je suis accro aux vromages à base de noix de cajou, graines de tournesol… Certains se rapprochent du goût du fromage ».

« Il y a quantité de fromages végétaux, industriels ou artisanaux, qui permettent de remplir les mêmes fonctions que le fromage, confirme Jean, végan depuis dix ans. On retrouve le goût un peu piquant et salé du parmesan, le fondant des fromages à pâte pressée cuite ou non-cuite, le crémeux des fromages à pâte molle pour déguster sur du pain. Je peux ainsi me faire des burgers avec faux-mage fondant, des raclettes véganes chez des amis… »

Le faux-mage est-il en passe de devenir la prochaine égérie du food porn [plaisir à regarder et photographier des clichés de bouffe] ? A en croire ces témoignages, l’extase gustative est au rendez-vous. « J’adore le fromage végétal, j’en fais moi-même, et tout est bon pour laisser les animaux vivre tout en se faisant du bien pour la santé », se réjouit Caroline, intolérante au lactose. Et contrairement aux préjugés, le faux-mages n’est pas un produit forcément ultratransformé. Certains le produisent eux-mêmes.

Manger moins, mais mieux

Le faux-mage « est souvent fabriqué avec du soja ou des noix de cajou, qui sont des alternatives intéressantes aux protéines animales, mais parfois aussi avec des amidons transformés et autres sous produits de l’industrie agroalimentaire un peu moins intéressants, explique Sophie Janvier, diététicienne nutritionniste et autrice de La Méthode douce pour mieux manger (éditions Leduc) qui invite à le cuisiner soi-même. Le faux-mage peut contenir des additifs peu recommandables, mais honnêtement, il y a aussi des produits assez "clean", plutôt bien formulés, avec par exemple des produits fermentés intéressants pour la santé du microbiote. Ils sont souvent tout aussi gras et salés que les fromages classiques, mais parfois avec des graisses de meilleure qualité, dites poly-insaturées ». C’est comme tout, il faut éviter les excès pour rester en bonne santé.

Et, on vous rassure, la Fondation pour la Nature et l’Homme recommande plutôt de consommer moins et mieux les produits laitiers plutôt que de tirer un trait définitif sur ce plaisir. Selon une étude de la fondation sur le camembert AOP diffusée ce mardi, « le modèle de cette AOP (…) englobe des pratiques en général plus durables que la moyenne des pratiques agricoles conventionnelles, que ce soit au travers de son cahier des charges, des pratiques moyennes adoptées (plus exigeantes que les critères minimaux de son cahier des charges), peut-on lire. Les laiteries ont aujourd’hui intégré dans leurs contrats avec les élevages AOP une alimentation sans OGM (donc sans soja OGM déforestant), qui devrait bientôt être intégrée dans le cahier des charges ».

La souffrance animale

« Aujourd’hui, la bio est le seul label qui garantit des pratiques environnementales vertueuses, sans pesticides, sans engrais, complète Elyne Etienne. Le moins et mieux veut dire ne pas consommer du fromage à chaque repas mais en consommer une fois de temps en temps avec un label de qualité et de préférence bio ». Choisir un reblochon bio de chez le fromager vaut mieux qu’un claquos premier prix dans la grande distribution pour sauver la planète, mais cela ne résoudra pas le problème de la maltraitance animale, très largement soulignée par les internautes devenus végans.

Rappelons que pour produire cette succulente raclette à l’ail des ours, « les vaches laitières sont inséminées à répétition [chaque année], les veaux séparés de leur mère à la naissance, les cornes systématiquement retirées, les modes d’élevage de plus en plus intensifiés, pour une fin de vie à l’abattoir », rappelle L-214. L’alternative végane crée l’illusion du fromage -plus ou moins bien selon les produits- et répond aux problèmes climatiques et sanitaires liés à la surconsommation de fromage. En réduisant sa consommation voire en cessant de manger des produits animaux, l’amateur d’époisses bien puante perdra peut-être le goût de la vie, mais contribuera à réduire les gaz à effet de serre du secteur agricole de 46 % d’ici 2050, selon la même étude du réseau Action Climat. On finit l’hiver sur une raclette végane ?