FAKE OFFLa Coordination rurale est-elle proche du RN, comme le dit Macron ?

Colère des agriculteurs : La Coordination rurale est-elle proche du RN, comme l’affirme Macron ?

FAKE OFFLors de sa visite mouvementée au Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron a pointé la proximité entre la Coordination rurale et le Rassemblement national
Le stand de la Coordination rurale au Salon de l'agriculture, avec sa couleur jaune reconnaissable.
Le stand de la Coordination rurale au Salon de l'agriculture, avec sa couleur jaune reconnaissable. - G. Novello / 20 Minutes
Guillaume Novello

Guillaume Novello

L'essentiel

  • Après avoir été pris à partie par des agriculteurs samedi au Salon de l’agriculture à Paris, Emmanuel Macron a ciblé la Coordination rurale (CR), pointant ses liens supposés avec le Rassemblement national.
  • Pour sa présidente, Véronique Le Floc’h, « il n’y a pas un seul dirigeant de la CR qui appartient au RN, à LR ou à un autre parti politique ». Certains cadres de la CR affichent toutefois une proximité publique avec le RN, ce qui contribue à brouiller les pistes.
  • Pour les acteurs du monde agricole, la crise actuelle peut pousser vers une radicalisation et un vote extrême, alors que les gouvernements de droite comme de gauche ne sont pas parvenus à endiguer le malaise paysan.

«Il y a des gens qui sont là avec un projet politique qui est de servir le Rassemblement national. » L’accusation, sans appel, a été portée samedi par Emmanuel Macron à destination de la Coordination rurale (CR), deuxième syndicat agricole (21 % aux élections professionnelles de 2019). Et à la question de savoir si des militants du RN étaient également membres de la CR, il n’a pas laissé de place au doute. « Bien sûr qu’il y en a dans ce syndicat, il y en a aussi dans d’autres, mais c’est le principal, qui avait très clairement assumé ça et qui est connu pour cela […] On a le droit de ne pas être dupe. » Mais le président dit-il vrai ?

FAKE OFF

« Il n’y a pas un seul dirigeant de la CR qui appartient au RN, à LR ou à un autre parti politique », martèle Véronique Le Floc’h, la présidente de la Coordination rurale. Attablée ce mardi au stand de la Coordination dans le hall 4 du Salon international de l’agriculture (SIA) avec sa première vice-présidente, Sophie Lenaerts, elle est visiblement lassée qu’on lui pose la question. Il faut dire que sa sortie sur France Inter fin janvier, affirmant que « si tout le monde avait le même discours que [le Rassemblement national], on pourrait aller dans le bon sens » n’a pas aidé à dissiper les doutes.

Tout comme les confidences dans Le Monde de Serge Bousquet-Cassagne, figure de la CR dans le Lot-et-Garonne, qui affirmait qu’« ici, 90 % des mecs votent RN, on ne s’en cache plus ». D’autant que Serge Bousquet-Cassagne se disait ouvert à une éventuelle candidature sur la liste de Jordan Bardella pour les prochaines européennes. On fait mieux pour séparer le politique du syndical.

« Il faut arrêter de stigmatiser »

C’est pourtant ce à quoi s’escrime Véronique Le Floc’h : « Le projet politique est complètement hors sujet, nous, ce qui nous intéresse, c’est le projet agricole ». D’ailleurs, lundi Jordan Bardella lui-même est venu à son secours en déclarant : « Si vous essayez d’établir des liens entre un syndicat et un parti politique, vous aurez du mal à le faire ».

Et alors que sa présidente engage la conversation avec Gérard Larcher, en déplacement exceptionnel au Salon, Sophie Lenaerts assure que « sur le planning, on a tout le monde, Ruffin, le PS et d’autres ». « Il faut arrêter de stigmatiser, enchaîne l’éleveuse de l’Oise. C’est une manipulation pour ne pas revenir sur les sujets agricoles. » Elle soupçonne ainsi une manœuvre politicienne destinée à décrédibiliser le syndicat le plus vindicatif et à l’origine des actions les plus spectaculaires de la récente mobilisation paysanne, tel que le convoi pour Rungis.

Au stand voisin de la Confédération paysanne, on ne se prononce pas trop sur l’affiliation politique de la CR, peut-être pour éviter un retour de bâton sur le positionnement à gauche du syndicat. « On veut nous cantonner à la défense de l’environnement, nous réduire à la figure d’écolos, mais on porte aussi des revendications sur d’autres sujets, notamment les prix et les revenus, soutient Nicolas Fortin, secrétaire nationale de la Conf'. On n’est pas liés à des partis politiques. » D’ailleurs, il constate des points de convergence avec la CR, notamment sur le refus du libre-échange, même si « ce n’est pas pour les mêmes raisons ». Avant de reconnaître que le gouvernement « conduit une politique libérale où on assume qu’il y ait des perdants et qui pousse vers le RN ».

« On va tenter autre chose avec le RN »

« On a bien l’impression qu’il y a un rapprochement, dans les comportements qu’ils ont par exemple, constate pour sa part Michel Weill, le président PRG du Tarn-et-Garonne. On a essayé la droite, la gauche, le centre et ça ne marche pas, alors ils se disent qu’on va tenter autre chose avec le RN. Mais ce serait une catastrophe avec leur positionnement anti-européen. » Son homologue du Gers est plus mesuré. « Pour l’affirmer, il faudrait se baser sur quelque chose et moi, je n’ai rien sur quoi m’appuyer, élude Philippe Dupouy (PS). Parmi les gens que je rencontre, chacun a son approche politique, mais peu sont vraiment engagés. » Il concède néanmoins que c’est à la CR qu’ils ont les « actions les plus radicales ».

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On en revient alors aux incidents qui ont émaillé la visite d’Emmanuel Macron au Salon et précédé ses déclarations contre la CR. « Ça fait quarante ans que l’agriculture est une cocotte-minute, mais Macron ne voit pas nos signaux, se défend Sophie Lenaerts. Quand vous ne faites que contenir le désarroi, ça finit par exploser. » « Toute la base était là, pas que la CR », assure d’ailleurs la vice-présidente. Une version confirmée par Nicolas Fortin, qui a lui aussi constaté l’implication d’adhérents de la FNSEA dans la bousculade. Il a d’ailleurs trouvé ça « dégueulasse » que Macron ne cible que la Coordination rurale, et non la FNSEA, bien plus Macron-compatible (mais qui ne nous avait pas répondu à l’heure de publier cet article).

D’ailleurs, Véronique Le Floc’h ne comprend pas pourquoi on se focalise sur le positionnement politique de la Coordination rurale quand « Céline Imart, la n°2 de la liste LR aux européennes, est une ancienne de la FNSEA ». Ou que « Christiane Lambert, la précédente patronne du syndicat majoritaire, a également été approchée par LR pour les prochaines élections ». « Avec les européennes, on va vite savoir si la CR est proche du RN », affirme Michel Weill. Il suffira alors de compter le nombre de cadres de la Coordination sur la liste de Bardella.