interviewAu procès de l’attentat à Strasbourg, le « besoin de réponse » des familles

Attentat à Strasbourg : A l’ouverture du procès, les familles préparées « à la frustration »

interviewAlors que le procès de l’attentat sur le marché de Noël de Strasbourg en 2018 s’ouvre pour cinq semaines à Paris, Me Arnaud Friederich, avocat de 15 parties civiles, évoque les attentes des victimes
Fin décembre 2018 à Strasbourg, dans les rues, devant les écoles des fleurs ont été déposées juste après l'attentat du 11 décembre sur le marché de Noël.
Fin décembre 2018 à Strasbourg, dans les rues, devant les écoles des fleurs ont été déposées juste après l'attentat du 11 décembre sur le marché de Noël. - B. Poussard / 20 Minutes / B. Poussard / 20 Minutes
Gilles Varela

Propos recueillis par Gilles Varela

L'essentiel

  • Le procès de l’attentat de Strasbourg s’ouvre ce jeudi 29 février pour plus d’un mois devant la cour d’assises spéciale de Paris.
  • Cinq ans après l’attaque terroriste en plein marché de Noël de Strasbourg, faisant cinq morts et dix blessés.
  • Maître Arnaud Friederich, avocat au barreau de Strasbourg, qui représente 15 parties civiles à ce procès, confie à 20 Minutes l’organisation et les attentes de celles-ci.

Le 11 décembre 2018, un terroriste frappait Strasbourg, en plein marché de Noël. En dix minutes, cinq personnes étaient blessées, dix autres tuées. Alors que s’ouvre, ce jeudi devant la cour d’assises spéciale de Paris, le procès de l’attaque terroriste, Me Arnaud Friederich, avocat au Barreau de Strasbourg, confie à 20 Minutes les attentes des 15 parties civiles qu’il représente. Des familles de victimes qui espèrent trouver des réponses à leurs nombreuses questions.

Maître Arnaud Friederich représentera 15 parties civiles lors du procès de l'attentat de Strasbourg.
Maître Arnaud Friederich représentera 15 parties civiles lors du procès de l'attentat de Strasbourg. - Cabinet Alexandre Avocats

Comment se sont organisées les parties civiles, alors que le procès va durer plus d’un mois loin de Strasbourg ?

C’est évidemment une difficulté morale et matérielle. Morale car le lieu de traumatisme qui est Strasbourg n’est pas le lieu où le processus de réparation et de reconstruction, de résilience, va s’effectuer. Il y a toujours cette idée qui veut que le traumatisme soit atténué si le procès se tient près du lieu du drame. Et matériellement, car il faut s’organiser, nous comme eux. La justice essaye de mettre en place le système le plus fluide possible, avec une possibilité d’avance de frais d’hébergement, de déplacements. Les conditions sont cependant très drastiques. Ce sont des systèmes de remboursement sur justificatifs qui peuvent décourager certaines des parties civiles d’être présentes, en tout cas pour la majeure partie des jours d’audience.

Alors, vos clients seront-ils présents ?

Une grande majorité de mes clients seront là au début du procès, puis au moment des auditions des parties civiles. Certains vont pouvoir être auditionnées. Il y a comme dans tous ces grands procès, un peu hors norme, des difficultés de plannings. Ceux-ci ne seront calés véritablement que lors du premier jour d’audience, car il existe encore une incertitude, celle du nombre de constitutions de parties civiles qui viendront à l’audience.

D’après vous, les victimes et leurs familles sont-elles prêtes à entendre le jugement ?

Mes clients n’ont aucun doute sur la complicité et sur l’implication des prévenus, mais ce sont des victimes, ils ont des ressentis. On prépare évidemment les victimes et leurs familles à des frustrations, à des insatisfactions ou à des incompréhensions. Cela fait des semaines et des mois même que je m’entretiens avec elles régulièrement sur des éléments juridiques ou factuels mais aussi à propos des différents systèmes de défense qui vont être mis en jeu pendant le procès. J’ai également mis en place un système de compte rendu quasiment quotidiennement afin de continuer à dialoguer pendant le procès avec elles. Je suis la courroie de transmission en temps réel entre les personnes que je représente et qui m’ont fait confiance et le procès.

Quel est l’enjeu de ce procès pour vos clients alors que Chérif Chekatt, l’auteur de l’attaque, décédé, ne sera pas dans le box des accusés ?

C’est une frustration de savoir que l’acteur principal de cet attentat ne pourra pas répondre des faits gravissimes et ignobles qui lui sont reprochés. Il y a cependant un homme qui va répondre de faits de complicité liés à une entreprise terroriste et trois accusés qui vont être jugés pour des faits liés à des associations de malfaiteurs. Reste que les parties civiles veulent évidemment des réponses aux questions qu’elles se posent sur les accusés mais aussi sur le déroulement des faits. Il y a quand même des interrogations sur le suivi de Chérif Chekatt… Mais ce ne sera pas le procès du dispositif de surveillance du marché de Noël, ni du système de protection, etc. Le but est que la vérité rejaillisse au maximum.

Qu’espèrent les parties civiles ?

Elles attendent des condamnations. Le dossier du principal suspect démontre qu’il y a une multitude d’éléments qui font qu’on ne pouvait pas ignorer, ni la radicalisation, ni le dessein terroriste de Chérif Chekkat. Il y a aussi un autre point qui est essentiel pour la plupart des victimes, qui certes, demandent une peine à la hauteur des faits : un processus de reconstruction et de résilience. C’est-à-dire pouvoir se reconstruire alors que justice aura été rendue.

+ d'infos sur l'attentat de Strasbourg en 2018

Les éléments vont être détaillés, jugés cinq semaines durant. Elles auront le temps d’être informées, de poser des questions, d’assimiler tout ce traumatisme qui pour le moment est toujours extrêmement vivace. Ce traumatisme n’a pas donné lieu à des temps de repos, à des temps qui permettent d’en comprendre l’origine. Pour elles, ce procès sera aussi un moment de recueillement, qui fait partie du deuil. Un deuil collectif doit avoir lieu.