tout un fromageLes produits laitiers, la nouvelle vache à lait des créateurs de contenus ?

Salon de l’agriculture : Les produits laitiers, la nouvelle vache à lait des créateurs de contenus ?

tout un fromageEn posant à côté du ministre Marc Fesneau au Salon de l’agriculture, le créateur de contenus Inoxtag a réveillé tout le débat autour du lien entre influenceur et lobby
Le lien entre les créateurs de contenu et les produits laitiers perdure depuis des années.
Le lien entre les créateurs de contenu et les produits laitiers perdure depuis des années. - Laurent VU/David Winter/SADAKA EDMOND / SIPA/Shutterstock/Canva
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Au Salon de l’agriculture, une photo d’Inoxtag avec le ministre Marc Fesneau a fait le tour des réseaux sociaux. « Une récupération politique », selon le créateur de contenus qui pourtant était invité par l’industrie des produits laitiers.
  • Cette collaboration n’est pas si surprenante. Depuis 2018, l’industrie laitière a entamé un virage pour communiquer auprès des jeunes. Elle a déjà collaboré avec des influenceurs comme Squeezie, Mister V ou encore YassEncore pour promouvoir ses produits.
  • Squeezie, lui, a expliqué publiquement regretter cette collaboration.

Grosse tomme de Savoie en main, lnoxtag et le ministre Marc Fesneau ont posé fièrement, ce dimanche, autour du fromage que le créateur de contenus de 22 ans a fabriqué avant son ascension de l’Everest. L’occasion pour le ministre de l’Agriculture de se fendre d’un petit tweet par la suite, accompagnée d’une photo. « Bienvenue au Salon de l’agriculture Inox tag. Bon salon et surtout bonne ascension ! ».

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Avant que la polémique enfle sur le lien de l’influenceur – suivi par 7,2 millions d’abonnés sur YouTube – avec l’industrie, Inoxtag a démenti les premières accusations sur ses réseaux sociaux, accusant « une récupération politique ». « Marc Fesneau a voulu prendre une photo avec moi derrière le stand sans me demander s’il pouvait poster sur les réseaux sociaux. […] Cette photo a été improvisée après une séance photo avec des abonnés comme le témoigne ma tronche sur la photo ».

L’omniprésence des créateurs sur la page YouTube

Une même tronche qui n’était pourtant pas là pour juste déambuler comme n’importe quel chaland dans les couloirs des stands antillais. Non, Inoxtag avait bel et bien été invité par l’industrie des produits laitiers, nous confirme le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL). Sa participation avait même été détaillée lors d’une vidéo publiée le 17 février sur la page YouTube du lobby des produits laitiers. « Le fromage préféré d’Inox c’est la tomme de Savoie, alors on lui a proposé de venir produire sa propre tomme de Savoie. Inox vous donne rendez-vous le dimanche 25 février […] sur notre stand au Salon de l’agriculture pour venir goûter la tomme de Savoie qu’il a produit lui-même ».

En réalité, Inoxtag n’est pas le seul à figurer sur la page des produits laitiers. Sur d’autres vidéos, on retrouve aussi les créateurs Amine et Billy, Mister V ou YassEncore. Une présence qui n’est pas anodine et qui rentre depuis plusieurs années dans l’ADN marketing de l’industrie. « Depuis 2018, on a eu un virage sur le digital pour s’adresser à une cible plus jeune qui communique de manière différente, notamment sur les réseaux sociaux. On regardait beaucoup de vidéos de créateurs de contenus donc on s’est adapté et renouvelé par rapport à cette communication », explique Adrien Dinh, directeur marketing du CNIEL.

L’intérêt pour les formats longs

Le virage est pris et dès lors des premiers partenariats sont signés au sein du groupe Webedia. Squeezie – numéro 1 de YouTube – devient la première collaboration. Suivent les vidéastes Loris Giuliano ou Mister V. Dans la vidéo de ce dernier, vue 7 millions de fois depuis sa publication en 2018, un extrait deviendra même un célèbre mème d’Internet : la fameuse réaction « ça fait beaucoup là non ». « La stratégie était simple : on avait besoin de promouvoir l’image et la notoriété des produits laitiers, apporter une information aux consommateurs de transparence avec la production du lait », résume Adrien Dinh.

Entre-temps, s’ajoute une nouvelle problématique : attirer vers un secteur à la traîne. D’un côté, l’industrie n’arrive plus à recruter et manque de bras. De l’autre, les produits laitiers perdent de leur superbe. Ici, Adrien Dinh vous répondra que c’est plutôt le petit-déjeuner qui est boudé plutôt que le lait. Mais d’après les derniers chiffres de l’interprofession Syndilait, la consommation de lait a diminué de 3,9 % en volume en 2022, après une baisse de 5,6 % l’année précédente. Pour la CNIEL, l’opération séduction auprès des jeunes s’accompagne donc d’une sensibilisation et d’une recherche à plus de transparence. « Et c’est plus simple de rentrer au cœur du sujet avec ces formats longs, plutôt qu’avec une publicité TV classique ».

« Lobby n’est pas un gros mot »

Mais depuis plusieurs semaines, le lien entre les influenceurs et le lobby fait grincer quelques dents. Dans une interview accordée à Society à l’occasion de son documentaire Merci Internet, Squeezie se livrait sur le fait d’avoir été, à l’époque, « submergé » par la « rentabilité » demandée par son agence de l’époque, Webedia, sans pouvoir prendre le temps de réfléchir aux collaborations. « A l’époque, j’ai fait une opé pour les Produits laitiers et aujourd’hui, je regrette à mort. J’étais très jeune, je n’ai pas fait gaffe, je n’étais pas renseigné sur le sujet et quand on pense, j’ai vanté un lobby ». Un mea culpa un peu facile pour le compte Paye ton influence. « Il serait temps que les influenceurs et leurs agences fassent des recherches poussées sur les entités qui leur proposent des partenariats et surtout incluent une réflexion éthique ».

Pour le CNIEL, la collaboration s’était faite en connaissance de cause. « Il était bien au courant de qui on était, avec qui on faisait. Oui, il met en avant un lobby, mais ce n’est pas un gros mot en soit. Il avait une liberté créative comme vous pouvez voir sur nos contenus ». Côté marketing, Adrien Minh certifie que l’affront de Squeezie n’a eu aucun impact sur les autres collaborations. Ce n’est pas étonnant. L’industrie des produits laitiers consacre une belle enveloppe aux réseaux sociaux et à l’influence. Un budget de 1,5 million d’euros en 2023, sur une enveloppe totale de 7,9 millions dédiés à la communication.

L’imagination du lobby va même plus loin que le simple influence. En novembre 2022, un manga nommé Mukai avait été produit par Les produits laitiers mettant en lumière l’histoire d’un petit-fils d’éleveur laitier. Depuis, la production est vendue en librairie avec toujours l’espoir derrière de faire mieux digérer les produits laitiers aux plus jeunes.