Le pointTout savoir sur la Transnistrie, qui demande la « protection » de la Russie

Guerre en Ukraine : C’est quoi la Transnistrie, région séparatiste qui a demandé la « protection » de la Russie ?

Le pointDepuis le début de l’assaut russe en Ukraine, les craintes d’un élargissement du conflit à la Transnistrie, étroite bande de terre située entre la Moldavie et l’Ukraine, ont rejailli à plusieurs reprises
Des symboles communistes à Tiraspol, la capitale de Transnistrie, en avril 2014.
Des symboles communistes à Tiraspol, la capitale de Transnistrie, en avril 2014. - Daniel Mihailescu AFP / AFP
Marion Pignot

M.P. avec AFP

L'essentiel

  • En avril 2022, à peine deux mois après le début de la guerre en Ukraine, la Moldavie a annoncé des mesures pour renforcer sa sécurité après une série d’explosions dans la région séparatiste de Transnistrie, région séparatiste prorusse appuyée par Moscou.
  • Depuis, les tensions y font craindre un débordement du conflit, Kiev accusant Moscou de vouloir « déstabiliser » la région afin de pouvoir justifier une intervention militaire.
  • Ce mercredi, les autorités de la Transnistrie ont demandé à la Russie des « mesures de protection » face à la « pression accrue » présumée de la Moldavie.

Les autorités de la Transnistrie, région séparatiste prorusse de Moldavie, ont demandé ce mercredi à la Russie des « mesures de protection » face à la « pression accrue » présumée de la Moldavie, sur fond de tensions exacerbées par la guerre en Ukraine voisine.

La diplomatie russe a rapidement répondu, assurant avoir pour « priorité » la « protection » des habitants de la Transnistrie et ajoutant que Moscou allait « examiner avec attention » la demande de Tiraspol, sans donner plus de précisions. Entre séparatistes prorusses, corruption et « propagande », 20 Minutes fait le point sur cette région où pourrait, selon certains observateurs, bien déborder la guerre en Ukraine.

Il s’est passé quoi ce mercredi en Transnistrie ?

Les députés de Transnistrie se sont réunis à Tiraspol en congrès extraordinaire, le premier depuis 2006, et ont réclamé au Parlement russe de « mettre en œuvre des mesures pour protéger » leur petit territoire où vivent « plus de 220.000 citoyens russes » face à une « pression accrue de la part de la Moldavie ».

La Transnistrie est confrontée à des « menaces sans précédent de nature économique, socio-humanitaire et militaro-politique », est-il écrit dans leur déclaration. Les autorités séparatistes ont également précisé assurer que ce congrès était une réaction à la récente introduction de droits de douane par Chisinau sur les importations en provenance de Transnistrie. Dans son discours, le président séparatiste Vadim Krasnosselski, cité par les médias locaux, a assuré que ce territoire subissait « une politique de génocide », via des pressions économiques, « physiques », juridiques et linguistiques.

C’est où la Transnistrie ?

D’à peine 200 kilomètres de long, de rarement plus de 20 km de large, comptant officiellement 465.000 habitants, la Transnistrie est située entre le Dniestr et l’Ukraine. Elle a fait sécession de la Moldavie après une brève guerre civile.

Majoritairement russophone, la Transnistrie a unilatéralement proclamé son indépendance en 1990, de peur d’une « roumanisation » de la Moldavie, qui cherchait alors à sortir de l’orbite soviétique. Un conflit armé, qui s’est achevé en juillet 1992, s’est soldé par plusieurs centaines de morts et l’intervention de l’armée russe. Moscou y maintient quelque 1.500 militaires.

La Transnistrie, tête de pont de la Russie ?

Le premier « président » de la Transnistrie, de décembre 1991 à décembre 2011, a été Igor Smirnov. L’actuel est Vadim Krasnosselski, également prorusse. La Transnistrie qui, contrairement à la Moldavie, a conservé l’alphabet cyrillique, a sa propre monnaie et ses propres forces de sécurité. Elle n’est pas reconnue en tant qu’Etat par la communauté internationale, y compris par la Russie qui la considère néanmoins comme une tête de pont non loin des frontières de l’Union européenne. Reste que dans un référendum en septembre 2006 dont le résultat n’est pas reconnu internationalement, cette région avait voté à 97,1 % pour son rattachement au territoire russe.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Il faut également savoir que malgré son capitalisme débridé, la Transnistrie reste un musée à ciel ouvert de l’époque soviétique. Une statue de Lénine trône dans le centre de sa principale ville, Tiraspol, et un buste du père de la révolution bolchevique de 1917 monte la garde devant le bâtiment de la mairie qui a conservé son nom d’origine : la Maison des Soviets.

Le drapeau de la Transnistrie reste frappé des symboles communistes les plus connus : la faucille et le marteau, ainsi qu’une étoile rouge.

Le groupe Sheriff, roi de tout et (surtout) de la corruption ?

La Transnistrie est fortement dépendant économiquement de la Russie, qui lui fournit gratuitement du gaz. Son économie repose sur l’industrie lourde et sur de multiples trafics, en particulier à partir du port d’Odessa, mais le niveau de vie reste très bas.

Le groupe Sheriff, fondé au début des années 1990 par deux anciens policiers soviétiques et régulièrement accusé de corruption, y jouit d’un quasi-monopole économique et politique. Il y détient supermarchés, stations-service ou encore un club de football, le FC Sheriff, qui s’est à la surprise générale illustré pour ses débuts en Ligue des champions, en 2021-2022. Sheriff possède également la célèbre distillerie de cognac Kvint et un élevage d’esturgeons bélougas qui fournissent un caviar prisé. En 2015, le média d’investigation RISE Moldova a affirmé qu’un tiers du budget de ce territoire finissait dans les coffres de ce groupe.

La Transnistrie peut-elle basculer dans le conflit entre Kiev et Moscou ?

Depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, des conjectures se font régulièrement jour sur l’ouverture d’un nouveau front à partir de cette région séparatiste en direction du grand port ukrainien d’Odessa, sur la mer Noire. Le ministère russe de la Défense a encore assuré la semaine dernière, sans présenter de preuves, que l’Ukraine préparait une « provocation armée » contre la Transnistrie.

En septembre 2023, des morceaux de missile ont été retrouvés dans ce petit territoire séparatiste, à l’ouest de la région d’Odessa, cible d’attaques russes. La Russie est également accusée de chercher à déstabiliser la Moldavie, anciennement dans sa zone d’influence mais dont les dirigeants se tournent désormais résolument vers l’Europe. L’UE lui a d’ailleurs accordé en juin 2022 le statut de candidat à l’entrée dans l’Union, en même temps qu’à l’Ukraine.

+ d'infos sur la guerre en Ukraine

De leur côté, les autorités prorusses de la Transnistrie ont accusé Kiev de vouloir attaquer le territoire qu’elles administrent après avoir selon elles déjoué en mars 2023 un attentat contre les dirigeants de cet Etat autoproclamé imputé à l’Ukraine. Chisinau et l’Union européenne reprochent régulièrement à la Russie de chercher à déstabiliser la Moldavie, anciennement dans sa zone d’influence mais dont les autorités sont désormais résolument tournées vers l’Europe.

Sujets liés